Un journaliste du Cameroun, pays voisin, a été assassiné dimanche dernier à Yaoundé. Martinez Zogo, 51 ans, de la radio privée Amplitude FM de la capitale camerounaise, a été retrouvé presqu’en putréfaction. Comme pour ajouter à la sauvagerie, il a été brutalement torturé et mutilé comme pour souligner un acharnement à l’anéantissement, une volonté d’en finir avec la vérité que proclamait tout son engagement dans la lutte contre la corruption et dont son émission phare, ”Embouteillage”, s’était fait une renommée.
Nous sommes une région d’Afrique Centrale où les journalistes sont particulièrement les ennemis des pouvoirs. En l’espace d’une décennie, près d’une douzaine d’entre eux y ont trouvé la mort, surtout en République démocratique du Congo. Mais au Cameroun même, une tradition semble s’être établie alternant menaces, emprisonnements et assassinat de journalistes. Avant Martinez, la corporation y avait déploré la disparition brutale de Samuel Wazizi…
Naturellement des pays voisins pourraient s’enorgueillir de ne pas – de ne plus – compter des morts de journalistes par violence. Nous sommes de ceux-là. C’est une illusion. Car, tant que les causes qui conduisent au bâillonnement de la presse perdurent, c’est comme si nous polissions les planches pour les cercueils de journalistes de demain. Les menaces, les intimidations, les procès et les lourdes condamnations contre les hommes et les femmes de presse existent aussi au Congo. Cela ne nous rassure pas sur les lendemains du métier ici.
Dans ce numéro, nous donnons la parole à l’un des nôtres (Voir page 5). Arsène-Sévérin Ngouela, dynamique directeur de VOX Tv, vient de quitter ses fonctions. Il dénonce des harcèlements qui rendent l’exercice de son métier impossible. D’autant que l’organisme censé défendre notre profession, le Conseil supérieur de la liberté de communication, est venu asséner le coup de Jarnac. Le 21 décembre dernier, il a suspendu la chaîne privée «pour diffusion en boucle d’informations de nature à troubler l’ordre public » !
Ce n’est pas le pouvoir qui a voulu la tête de Ngouela ; mais ce n’est pas la profession qui l’a défendu non plus. Nous savons qu’entre les pouvoirs et les professionnels, il y a plus qu’un jeu de passoire des uns vers les autres. Il s’est trouvé des journalistes pour vouloir faire plaisir aux pouvoirs, vouloir s’attirer leurs faveurs en jouant aux zélés. Le journaliste est, malgré tout, très esseulé sur l’échiquier. Il arrive qu’il en meure.

Albert S. MIANZOUKOUTA