En janvier 2021, les chrétiens Congolais vont fêter le cinquante et unième anniversaire de l’unité de leurs Eglises à travers l’œcuménisme. Le premier commandement que le Christ nous a laissé c’est de nous aimer les uns les autres. Et, il ne peut pas avoir de l’amour sans unité. C’est dans ce cadre que les chrétiens se retrouvent autour de l’œcuménisme qui est un mouvement de rassemblement, d’union et de lutte contre les antivaleurs pour toutes les Eglises en une seule. Notons que l’œcuménisme est né au Congo-Brazzaville dans les années 1970 avec l’arrivée des révolutionnaires marxistes-léninistes qui ont pensé même transformer les églises en salles de cinéma. Des mouvements des jeunes chrétiens comme les Choeurs vaillants, les Louveteaux, les Scouts et guides étaient dissous, remplacés par les pionniers de la Révolution. De ce fait, les chrétiens avaient pensé se retrouver pour faire face à cela. Mais que vaut-il aujourd’hui un demi-siècle après?

Nous partirons des lettres pastorales du bon Cardinal Emile Biayenda, l’un des pères fondateurs de cette institution, président de l’œcuménisme à cette époque: Le 29 septembre 1973 il disait: «Il faut vivre l’œcuménisme non pas uniquement lors des célébrations des cultes organisés pendant la semaine de prière de l’unité des chrétiens, mais toutes les fois que nous en avons l’occasion: mariages, veillées funèbres et d’autres célébrations liturgiques ou manifestations à caractère social auxquelles on veut donner un caractère œcuménique, par exemple: une œuvre sociale comme la construction d’une salle de classe ou d’un pont, le nettoyage de route qui nécessite la collaboration de l’effort des chrétiens d’Eglises diverses.» Le chrétien a les soucis du développement de son pays.
Dans sa lettre pastorale de 1972, il nous disait: «Que chaque chrétien s’engage donc généreusement aux côtés de ses autres frères Congolais dans le travail. Qu’il se signale par son sens de l’effort et sa conscience professionnelle. Que ceux qui possèdent la compétence requise s’offrent à coopérer, chacun à son niveau, avec ceux qui sont responsables pour chercher toutes les solutions, voies et moyens pour régler les problèmes de la misère du peuple.» Avant de souligner: «De toute façon, les chrétiens doivent avoir le sens du partage et de la communauté; c’est une exigence de l’Evangile et une qualité authentique de notre culture. Nos ancêtres ont eu l’hospitalité. Nous devons maintenant élargir cet héritage aux dimensions nouvelles de notre communauté nationale.»
Le 6 novembre 1973, il disait encore: «Enfants du même père, si nous nous regardons les uns les autres, nous verrons mieux ce qui nous unit et nous divise. Reconnaissons les obstacles qui entravent l’unité intérieure de notre Eglise, l’unité entre chrétiens, l’unité et l’harmonie entre citoyens de notre nation.»
Malheureusement, nous trouvons des chrétiens qui n’attendent que la semaine œcuménique sur les cinquante-deux de l’année pour prier dans les églises, temples ou postes du salut sans poser un acte palpable de foi et d’amour, de charité, comme l’avait dit le cardinal Emile Biayenda.
Se référant à ce qu’il avait dit, pourquoi ne pas organiser en faveur des jeunes des écoles gérées par les hommes d’Eglises, des rencontres sportives en mémoire des pasteurs morts pour la paix dans ce pays? Ainsi, on peut parler des championnats de football en mémoire du Cardinal Emile Biayenda, de nzango en mémoire du pasteur Nsiangana, d’athlétisme en mémoire du major Bidie, de hand-ball où basket en mémoire du pasteur Loubelo. Les trois derniers cités ont trouvé la mort à Mindouli en 1998, en voulant ramener la paix dans le département du Pool. Ces rencontres sportives peuvent bien développer et favoriser les rencontres entre jeunes congolais qui ne le sont plus depuis que l’Etat n’organise plus le championnat scolaire et universitaire (ONSSU). Pourquoi ne pas organiser des journées d’échanges et de partage entre les séminaristes catholiques, évangéliques et soldats salutistes pour favoriser l’œcuménisme? Un chrétien est celui qui vise un monde meilleur. Il prie pour que la paix et l’unité règnent dans tous les milieux qu’il fréquente, aussi bien dans toute la société, et dans tous les systèmes économiques, politiques, culturelles, sportifs, sociaux, les usines, les bureaux et administrations, les ateliers, les quartiers, les hôpitaux, les marchés, toutes les lois. Pourquoi ne pas organiser des opérations de salubrités ou retroussons les manches œcuméniques dans nos quartiers, les hôpitaux au lieu d’attendre tout de l’Etat? Le deuil étant devenu un lieu de jouissance, de fête, de retrouvailles, d’exhibition des habits, pourquoi ne pas organiser des veillées mortuaires œcuméniques dans les quartiers ou communautés de bases œcuméniques. Ne serait-il pas bien de voir les chrétiens catholiques et salutistes, assister un chrétien évangélique dans le même quartier et vice versa? Penser à la création des commissions œcuméniques dans les paroisses et quartiers serait l’idéal.
Lors de l’ordination sacerdotale du père Ernest Kombo le 8 juillet 1973 à la basilique Sainte Anne du Congo, le cardinal Emile Biayenda nous parlait dans ce sens en disant: «qui parmi vous acceptera d’aller enseigner aux jeunes Congolais que le Mbochi est frère du Kouyou, que le Kouyou est frère du lari, que le Téké est frère du Vili, que tous les hommes doivent s’aimer comme des frères et que Dieu notre Père demandera à chacun ce qu’il aura fait face aux autres. Voilà le travail qui fait défaut à la base de notre monde.»
Si l’unité des Chrétiens peine à atteindre sa maturité, il y en a une, relativement récente, qui freine résolument cela: la perte des valeurs ou l’affadissement de la foi dans toutes les Eglises en question: catholique, évangélique, salutiste, orthodoxe, anglicane. Chacune de cinq grandes communautés chrétiennes se débat dans des épreuves diverses qui relèguent au second plan le souci d’œcuménisme. L’Eglise catholique connaît un peu partout un relâchement de la pratique religieuse; des groupes des laïcs et prêtres mettent en cause certaines traditions et lois de l’Eglise. L’Eglise protestante, morcelée, vit les mêmes difficultés que la catholique, et sans doute même davantage du fait du morcellement de l’autorité dirigeante. Les orthodoxes souffrent encore des séquelles des suites funestes de l’oppression de la part du régime communiste durant des longues années, et des grands chefs qui ne s’entendent pas. Et il y a les anglicans, devenus indifférents eux-aussi à l’égard de la foi, secoués et déchirés par l’ordination sacerdotale des femmes. Alors… est-il raisonnable d’espérer fermement un prochain rapprochement des cinq Eglises suivi de réconciliation et de réunion, des Eglises maladives, désunies dans leur propre ménage et se rendant compte que la majorité des membres restés fidèles jusqu’à ce jour ne se soucient guère d’une réunification? Des chrétiens qui n’aiment plus pour la plus part la prière, mais les intérêts que leur procure la prière.
Voici un petit extrait d’un article de Max Thurian paru dans la croix il y a quelques années. «Nous sommes en général bien disposés à rechercher ensemble l’unité des chrétiens, mais nous ne voulons pas en payer le prix. Nous voulons garder notre propre identité et ne rien céder de nos habitudes traditionnelles. L’unité au pied de la croix est exigeante: elle demande le renoncement à tout ce qui n’est pas la volonté de Dieu, elle consiste à se charger de sa croix pour suivre seulement le Christ. Si nous perdons notre vie à cause du Christ et de l’Evangile nous la sauvons. L’unité des Eglises et des chrétiens exige aujourd’hui que nous renoncions à tous nos particularismes diviseurs, pour ne tenir qu’à la foi fondamentale qui nous sauve et nous rassemble».

Jean François Séraphin
GANGA