Après plusieurs mois de tergiversations et de report, l’opposant Succès Masra est finalement rentré à Ndjamena (Tchad) vendredi 3 novembre dernier. Le patron du parti Les Transformateurs y a été accueilli par les ministres de la Réconciliation nationale, Abderaman Koulamallah, et de la Communication, Aziz Mahamat Saleh avec qui l’accord sur ce retour a été signé, mardi 31 octobre dernier à Kinshasa en présence du facilitateur, le président RD Congolais Antoine Félix Tshisekedi. Il avait quitté le pays au lendemain de la répression sanglante des manifestations du 20 octobre 2022. Un mandat d’arrêt international avait été émis à son encontre.

Succès Masra, costume bleu, une cravate rouge et des lunettes de soleil, a franchi les portes de l’aéroport international Hassan Djamous autour de 12h30, heure du Tchad. La délégation s’est immédiatement dirigée vers le ministère de la Réconciliation où Succès Masra a prononcé quelques mots. «Il n’y a rien de meilleur que rentrer chez soi», a-t-il déclaré avant d’annoncer «40 jours de deuil, de recueillement, d’écoute et de solidarité […] pour panser les plaies et avancer. Unir le Tchad pour que la justice, l’égalité et la diversité puissent triompher dans ce pays».
La première concession de Succès Masra n’est pas inscrite dans le document : l’opposant est rentré dans la discrétion, loin du bain de foule qu’espéraient organiser ses soutiens pour l’occasion.
Pour le reste, les tractations l’ont amené à prendre plusieurs engagements pour accompagner la transition plus que pour s’y opposer : il doit ainsi « prendre en compte la charte révisée et les efforts du gouvernement, notamment le calendrier de retour à l’ordre constitutionnel », qui prévoit un référendum le 17 décembre et des élections en 2024, la transition devant prendre fin au plus tard le 10 octobre 2024.
Du côté du gouvernement, l’engagement consiste à «faciliter le retour» de Succès Masra «dans la sécurité physique et juridique» et «en garantissant le libre exercice de ses activités politiques ».
On comprend donc qu’il ne devrait pas être arrêté, comme le craignaient ses partisans. D’autant que le gouvernement s’engage également à «plaider en faveur de la suspension du mandat d’arrêt émis le 8 juin 2023 auprès des autorités judiciaires» qui pèse contre l’opposant, ainsi qu’à initier dans le courant du mois une loi «d’amnistie générale pour tous les acteurs civils et militaires impliqués dans les événements du 20 octobre 2022».
«Chaque fois qu’un Tchadien décide de mettre fin à l’exil, nous sommes heureux», selon Abderaman Koulamallah. Pour ceux qui seraient tentés de critiquer M. Masra, l’exil est aussi une forme d’oppression. Et quand quelqu’un veut revenir retrouver ses militants, sa famille et son pays, il faut éviter de lui jeter la pierre.», a-t-il dit.
En effet, la coalition Wakit Tama qui rassemble plusieurs mouvements de la société civile, dit dans un communiqué qu’elle «ne saurait se reconnaître dans cet accord», tout en réclamant le «règlement des violations des droits humains». «Cet accord qui blanchit les auteurs de la répression du 20 octobre 2022 n’engage que les signataires, renchérit l’opposant Yaya Dillo, président du Parti socialiste sans frontières (PSF), nous continuerons la lutte jusqu’à l’obtention de la justice pour toutes les victimes et l’instauration de la démocratie.» Un accord qui «blanchit les auteurs de la répression du 20 octobre», insiste l’opposant Yaya Dillo.
Du côté du parti Les Transformateurs, la formation politique de Succès Masra, les engagements sont les suivants: poursuivre le dialogue, privilégier les actions facilitant le retour à l’ordre constitutionnel dans le délai imparti, respecter les lois et libertés fondamentales, œuvrer pour l’unité nationale, œuvrer pour un climat apaisé en évitant toute forme d’action violente. Et enfin, prendre en compte la Charte révisée de la transition et «le calendrier de retour à l’ordre constitutionnel.

Gaule D’AMBERT