Réunis en séance plénière le 3 avril dernier sous l’autorité d’Isidore Mvouba, président de l’Assemblée nationale, les députés se sont majoritairement exprimés (104 voix pour contre trois: deux abstentions et un contre) pour la levée de l’immunité parlementaire d’un des leurs, Aimé Hydevert Mouagni, député de la première circonscription de Moungali, visé par une procédure pénale. Pour permettre à la Haute cour de justice de le juger comme un citoyen ordinaire, dans l’affaire des audios qui lui sont attribués et qui circulent dans les réseaux sociaux, «contenant des déclarations pouvant constituer des infractions d’atteinte à la sécurité nationale par la divulgation des renseignements devant être tenus secrets, et de détention illégale d’armes de guerre et de diffusion de fausses nouvelles contenant des imputations diffamatoires», souligne le rapport de la Commission affaires juridiques et administrations. Le député doit être jugé.

C’est dans une ambiance peu cordiale et empreinte de tristesse que les députés ont levé l’immunité parlementaire de leur ancien collègue, incarcéré depuis le 22 mars dernier à la Centrale d’intelligence et de documentation, puis déféré à la Maison d’arrêt le 5 avril par un mandat de dépôt signé par Henri Bouka, président de la Haute cour de justice.
Le président du Club perspectives et réalités (CPR), parti affilié à la majorité présidentielle, est inculpé de diffusion et propagation de nouvelles de nature à porter atteinte à la sécurité et à la défense nationale. Les faits ont été requalifiés et reprécisés dans le mandat de dépôt.
C’est donc en application de l’article 104 du code de procédure pénale qu’Aimé Hydevert Mouagni a été placé à la Maison d’arrêt.
Le président de la Commission affaires juridiques et administratives, de la décentralisation et du contrôle de l’exécution des lois a indiqué au cours de la plénière que l’Assemblée nationale ne peut pas constituer un frein pour la justice dans la procédure contre le député Aimé Hydevert Mouagni. «La levée de l’immunité parlementaire permettra à notre collègue d’avoir la possibilité de construire sa défense. Nous ne sommes pas dans la phase d’une condamnation mais dans la procédure, car notre collègue est encore présumé innocent», a rappelé Benoît Bati.
Le ministre de la Justice, des droits humains et de la promotion des peuples autochtones, Ange Aimé Wilfrid Bininga a expliqué que la levée de cette immunité parlementaire permettra à la Haute cour de justice de juger le député comme un citoyen ordinaire. Car, a-t-il dit, «nous sommes tous égaux devant la loi».
Pour le Garde des sceaux, cette procédure permettra à la justice d’avoir des éléments mis à la charge de l’intéressé qui jouit pour le moment de la présomption d’innocence. Il a indiqué que la Haute cour de justice n’est pas sous la juridiction du Gouvernement, «c’est une institution constitutionnelle», a-t-il fait savoir.
Justifiant la levée de cette immunité parlementaire, le président de l’Assemblée nationale, Isidore Mvouba, a dit que c’était pour permettre à Aimé Hydevert Mouagni de répondre devant la justice pour les faits qui lui sont reprochés. «Le pouvoir législatif que nous constituons n’a pas compétence d’arrêter une procédure de justice», a-t-il déclaré, tout en invitant les députés à faire «acte de foi» pour la levée de l’immunité parlementaire, afin d’aider l’intéressé à constituer sa défense.
Il a rassuré que la levée de l’immunité parlementaire ne veut pas dire qu’il n’est plus député. «Il pourra revenir parmi nous», a-t-il signifié.
Simplement, si un député pose des actes dans l’exercice de ses fonctions, il n’est pas poursuivi, sans que l’immunité parlementaire dont il jouit n’ait été préalablement levée.
Mais dans sa prise de parole, Claudine Munari, députée de Mouyondzi, a estimé que la levée de cette immunité n’était pas nécessaire. «J’ai écouté les audios et je n’ai pas entendu des propos susceptibles de permettre la levée de son immunité. Nous nous plaignons tous des difficultés que nous rencontrons dans ce pays. Ce sont des problèmes que nous connaissons tous. C’est une personne qui parlait avec une de ses connaissances», a-t-elle plaidé sans être entendue, malheureusement.
Par un vote à main levée, les députés ont levé l’immunité parlementaire de leur collègue. A noter que l’Assemblée nationale a été saisie en date du 26 mars 2024 par le procureur général près de la Haute cour de justice aux fins de solliciter l’autorisation d’exercer des poursuites à l’encontre du député Aimé Hydevert Mouagni.
Lâché par ses collègues députés, Aimé Hydevert Mouagni devra désormais faire face à la justice et préparer sa défense qui ne sera pas facile dans une affaire qui sent déjà la condamnation.

Cyr Armel YABBAT-NGO
et Pascal BIOZI-KIMINOU