L’équipe pays du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme a procédé le vendredi 18 mai dernier à la restitution des conclusions de sa deuxième mission en République du Congo. En présence de M. Saturnin Massana, vice-président du Comité de coordination nationale (CCN). Un constat alarmant et inquiétant a été fait. Le Congo court le risque de rupture de médicaments s’il n’honore pas ses engagements de co-financement en lien avec les financements octroyés par le Fonds mondial pour la période 2024-2026.

En dépit de la crise économique que traverse le Congo, M. Saturnin Massana s’est dit confiant que les engagements de co-financement de l’Etat se traduiront dans les faits pour parer aux conséquences dévastatrices dans la riposte contre le sida, la tuberculose et le paludisme qui pourront en découler à cause du non-respect de ses engagements.
A noter que le Fonds mondial apporte à peu près 60 milliards de Francs CFA dans l’acquisition des médicaments contre ces trois pathologies, échelonnés en trois ans (2024-2026). «Ces fonds viennent avec une exigence: que le Gouvernement commande aussi sa part de médicaments, c’est-à-dire sa quote-part à hauteur de 3 milliards de F.CFA par an. Le Premier ministre nous avait assurés que ces commandes seraient faites pour l’année 2024. Nous sommes venus faire le suivi de cela», a déclaré Lionel Caruana, gestionnaire de portefeuille au Fonds mondial.

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Lionel Caruana

Il a remercié le ministre de la Santé qui leur avait assuré que d’ici le mois de juin, la moitié de ces commandes pourront être passées: 1,2 milliards de FCFA (paludisme); 530 millions de FCFA (protection vih) et 245 millions de FCFA (tuberculose).
Si ces montants sont payés, seuls 40 à 50 % des engagements 2024 aurront été réalisés. Lionel Caruana est tout de même resté sceptique. «Reste à confirmer si ces fonds seront décaissés par le trésor. C’est cela qu’on attend», a-t-il affirmé.
Il a indiqué que la première conséquence du non-respect des engagements du Gouvernement serait la rupture de stocks de médicaments et de produits de santé. «C’est cela qu’on essaye d’éviter. Que le Congo rentre dans la zone rouge. C’est pourquoi, nous faisons le suivi trois fois par an», a-t-il fait savoir.
La deuxième conséquence, a-t-il poursuivi, «c’est que le Fonds mondial réduira de 15% ses subventions, soit 9 milliards de FCFA, pour les trois prochaines années. Cette réduction aura un impact direct sur les fonds mis à la disposition du Congo pour la lutte contre ces maladies dans le prochain cycle de financement qui débutera en 2027».
Parmi les autres conséquences, il y a la non atteinte des indicateurs désignés dans les trois Plans stratégiques nationaux tuberculose, vih et paludisme et le PNDS; l’augmentation de la contamination au vih et le décès des personnes sous antirétroviraux et antituberculeux.
Le gestionnaire de portefeuille a rappelé que la situation épidémiologique du Congo est très préoccupante. En ce qui concerne le vih, le pays a le deuxième taux d’incidence et de mortalité de toute la sous-région d’Afrique de l’Ouest et du Sud. «Pour la tuberculose, il a la troisième incidence et le paludisme reste un défi majeur de santé publique avec la principale cause de morbidité», a-t-il indiqué.
Il a néanmoins soutenu que les indicateurs par rapport à ces trois maladies sont en constante amélioration pour cette année 2024. «Nous sommes encore loin d’avoir des résultats complètement satisfaisants. La première barrière pour le taux d’incidence au vih, c’est de trouver des gens positifs. On est très loin des objectifs de mettre 95% des malades sous traitement. Un peu moins de 40.000 personnes vivant avec le vih sont sous traitement antirétroviraux, alors que 130.000 personnes vivent avec le vih», a-t-il affirmé.
Pour lui, le premier défi majeur, c’est de trouver ces personnes. «C’est pourquoi, on a mis en place un partenariat de sites au volume avec le ministère de Santé et le PNUD pour aider le pays à remonter ses indicateurs vih et tuberculose», a-t-il annoncé, tout en précisant que la principale demande du Fonds mondial auprès du Gouvernement est celle de passer ses commandes de médicaments antirétroviraux, antipaludéens, antituberculeux et des moustiquaires.
Lionel Curuana a déploré le fait que le Congo continue de passer des contrats hors prix du marché auprès d’intermédiaires pour les achats de produits de santé, «ce qui génère des coûts de 3 à 4 fois supérieurs aux prix du marché usuel». Le Gouvernement est ainsi interpellé pour qu’il puisse honorer ses engagements.

Cyr Armel YABBAT-NGO