Comment ne pas se souvenir des personnes qui nous sont chères? Comment ne pas rendre hommage à ceux qui nous ont transmis la foi et qui se sont endormis dans la paix de Dieu? Comme nous le rappelle la lettre aux Hébreux: «Souvenez-vous de ceux qui vous ont dirigés: ils vous ont annoncé la parole de Dieu…» (Hébreux 13,7).

C’est pour nous un devoir de mémoire qui nous porte à nous rappeler de la figure de Mgr Théophile Mbemba, notre pasteur et père-fondateur. Premier évêque congolais de Brazzaville (1961-1971), puis archevêque de Brazzaville (1964-1971), il est le père-fondateur de la Congrégation des religieuses congolaises du Rosaire et le rénovateur de la Congrégation des frères de Saint Joseph.
Au lendemain de la célébration des 140 ans de l’évangélisation du Congo, il est important pour nous, en Eglise locale, de ne pas perdre de vue la mémoire de Mgr Théophile Mbemba, ce digne fils du Congo, comme le nomme le Président Marien Ngouabi, de vénérable mémoire, dans son discours d’hommage aux funérailles du prélat, 52 ans après son rappel à Dieu.
Quels souvenirs de ce grand ami de Dieu, notre pasteur et père-fondateur?
La vie de Mgr Théophile Mbemba peut être une leçon pour notre temps, pour reprendre les mots du père Morizur (Cf. Funérailles de Mgr Mbemba). La première leçon qui nous interpelle est celle de l’image d’un père. Comme pasteur ou comme père-fondateur, Mgr Mbemba nous a engendrés et nous a transmis la vie, en tant que famille religieuse dans l’Eglise. A ce titre, il est un père pour nous et en même temps un modèle de vie qui peut nous inspirer ; une personne qui peut nous servir de modèle d’identification. Bien que n’ayant pas vécu plus longtemps, Mgr Mbemba nous a transmis le charisme et une culture de vie. C’est cette même culture qu’il a transmise, alors à son clergé: les valeurs de charité, de solidarité, de simplicité, de vie fraternelle. On peut ajouter à cela son souci du bien commun et d’une vraie autonomie financière.
La vie de Mgr Mbemba nous donne de voir son amour pour cette Eglise locale, qu’il a aimée et construite à la suite des premiers missionnaires. Bâtisseur infatigable, ses œuvres disent à la fois l’Amour de Dieu et l’amour d’un père pour ses enfants. Comme famille religieuse, nous avons hérité de lui, la spiritualité mariale «Notre-Dame du Rosaire»; Marie qu’il désignait affectueusement comme la Mère propice dans les moments difficiles de sa vie. Dans les difficultés de la mission, il nous a laissées Marie comme Mère et patronne, celle qui nous conduit à Jésus son Fils. Les témoignages de quelques aînés nous disent qu’à un moment de sa vie, Mgr Mbemba commençait à perdre la vue, alors, il avait demandé au Saint Siège l’autorisation de remplacer la prière du temps présent par la récitation du rosaire. L’autorisation lui avait été accordée. Tout est grâce!
La deuxième leçon que nous pouvons apprendre de Mgr Mbemba est le silence. Comme en témoigne, Mgr Joseph Marie Ngouie (RCA) dans une interview, «Mgr Mbemba était taciturne: il parlait très peu. Il était un homme du silence».
Dévot de la Vierge Marie, nous pouvons nous permettre d’affirmer que Mgr Mbemba a appris à aimer le silence à l’école de sa tendre Mère, sa Mère propice. Dans les évangiles, Marie, en effet, est très silencieuse: elle méditait tout dans son cœur; elle était absorbée par la contemplation, l’adoration et la prière (Cardinal Robert Sarah, Nicolas Diat, La force du silence, contre la dictature du bruit, éditions Pluriel, 2016, p.177). Le silence nous rapproche de Dieu. C’est dans le silence que Mgr Théophile Mbemba, en si peu de temps a construit l’Eglise locale, cette Eglise qu’il voulut au visage africain, en vrai pionnier de l’inculturation. C’est dans le silence aussi qu’il a vécu les grands moments de l’Eglise et de l’histoire de notre pays, le Congo: le Concile Vatican II, l’histoire du socialisme (1936-1968) aux conséquences non-négligeables, à savoir: la nationalisation des écoles.
Le silence peut être entendu comme une attitude d’écoute. C’est le signe de l’humilité, de la simplicité. Le silence est aussi une condition de l’altérité et en même temps une nécessité pour se comprendre soi-même (Cardinal Robert Sarah, Nicolas Diat, La force du silence, contre la dictature du bruit, éditions Pluriel, 2016, p.50). C’est dans le silence que Mgr Mbemba est parvenu à consacrer sa vie à l’évangélisation et à la formation du clergé diocésain. C’est encore dans le silence qu’il a souffert dans son corps et dans son cœur. Enfin, c’est dans le silence qu’il a rejoint la maison du Père, le 14 juin 1971, à l’âge de 54 ans. C’est ce silence qui entoure sa tombe en la cathédrale de Brazzaville. Finalement, ce silence entoure aussi sa mémoire, comme nous pouvons tous le constater: on parle très peu de Mgr Théophile Mbemba. Beaucoup de jeunes ne le connaissent pas, d’où l’invite à se souvenir de ce noble pasteur, de ce digne fils du Congo, cet ami de Dieu et du silence.
De nos jours, le silence est perçu par certains comme un signe de faiblesse et tend à devenir rare. Dans un monde devenu bouillant, comment faire advenir le silence ? Où trouver la quiétude ?
140 ans d’évangélisation accomplis, comment ne pas penser à la vie de Mgr Théophile Mbemba? Comment ne pas lui rendre un vibrant hommage en Eglise? Certes, le bien ne fait pas de bruit, mais, le devoir de mémoire nous incombe. Nous avons la mission d’honorer ceux qui nous ont précédés. C’est de la sorte que nous pourrons perpétuer la mémoire de ce grand ami de Dieu, le premier évêque congolais. C’est dans cet esprit, que le 14 juin à 17h, une messe a été célébrée en sa mémoire, dans la chapelle de l’internat des Religieuses congolaises du Rosaire. Des activités culturelles en sa mémoire sont aussi prévues, ce samedi 17 juin 2023 au Groupe scolaire Sacré-Cœur.
Que Marie, Mère propice nous aide à tenir vive la mémoire de Mgr Théophile Mbemba, notre pasteur et père-fondateur.

Sœur Thècle Saurelle
BAHAMBOULA
(Religieuse Congolaise du Rosaire)