En RDC, près de 44 millions d’électeurs sont appelés aux urnes le 20 décembre prochain pour un triple scrutin : législatif, provincial et présidentiel. En ce qui concerne la magistrature suprême, 26 candidats sont en lice. Une élection qui va se jouer en un seul tour conformément à la Constitution de la République démocratique du Congo. Une échéance électorale à laquelle devraient participer tous les ténors de l’opposition, sauf s’ils parviennent à un accord sur une candidature commune : les discussions ont commencé lundi 13 novembre dernier à Pretoria en Afrique du Sud. En même temps, à Kinshasa, les principaux candidats et le président sortant Félix Tshisekedi ont procédé à la signature d’un pacte pour la paix, consistant, entre autres, à ne recourir qu’aux instances légales pour d’éventuelles revendications.

«Une élection à un tour, ça favorise forcément le président sortant qui a…un appareil politique », explique sans détour un spécialiste des questions électorales. «Imaginez avec 26 candidats, si tout le monde fait 4%, il y en a un qui peut gagner avec tout juste 5% des suffrages et à peine 400 000 voix d’avance.» Des chiffres exagérés, mais qui illustrent bien la problématique dans laquelle se trouve désormais l’opposition congolaise: ne pas trop se diviser pour espérer l’emporter.
Il faut dire que les poids lourds de cette opposition sont quasiment tous sur la ligne de départ. Il y a eu des doutes, des hésitations, mais finalement, la Cour constitutionnelle a bien validé l’ensemble des dossiers déposés devant la Commission électorale. Seul le clan de Joseph Kabila, président du pays de 2001 à 2019, ne présente officiellement pas de candidat puisqu’il boycotte le processus. Pour les autres, se pose désormais la question des alliances.
«Pour battre M. Tshisekedi, il n’y a pas besoin d’une candidature commune», confiait récemment le député du Kasaï-Central Delly Sesanga. Néanmoins, l’opposition s’est retrouvée à partir de lundi dernier en Afrique du Sud pour des discussions autour de ce sujet. Une problématique sur la table depuis de nombreux mois déjà. Il faut dire qu’en 2018, face au dauphin du président Joseph Kabila, Emmanuel Ramazani Shadary, un accord avait déjà été signé à Genève entre plusieurs membres de l’opposition. Accord rompu rapidement par Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe, dont le ticket a finalement été déclaré vainqueur par la Commission électorale le 10 janvier 2019.
Depuis, l’idée d’un Genève II a toujours été présente. « Évidement qu’il faut une candidature commune, confiait il y a quelques mois l’un des candidats. D’ailleurs, on a commencé à véritablement exister dans le débat quand on s’est regroupé en plateforme. Mais il faudra que l’on désigne un nom le plus tard possible pour qu’il ne devienne pas l’homme à abattre ». Attention, prévient Trésor Kibangula, analyste politique : «Cette fois-ci, il faut éviter les erreurs du passé et que cet accord tienne jusqu’au bout du processus.»
La plateforme de l’opposition a vu le jour au printemps quand le candidat malheureux de la précédente présidentielle, Martin Fayulu; l’ex-gouverneur du Katanga Moïse Katumbi; l’ancien Premier ministre Matata Ponyo et Delly Sesanga se sont retrouvés à Lubumbashi pour un premier échange. Depuis le mois d’avril 2023, les candidats sont restés en lien grâce à un groupe WhatsApp sur lequel ils ont rapidement invité le prix Nobel de la paix, novice en politique, le docteur Denis Mukwege, avant même l’annonce de sa candidature. Ce sont donc ces mêmes candidats qui vont désormais se retrouver pour envisager la suite du processus.
Dans la capitale sud-africaine, ce sont d’abord des délégués qui ont échangé. L’objectif: poser le cadre des négociations. Chaque candidat a été invité à envoyer deux représentants par l’ONG In Transformation Initiative (ITI). Olivier Kamitatu et Hervé Diakiese ont représenté Moïse Katumbi; Jean Félix Senga et Devos Kitoko ont parlé pour Martin Fayulu ; Jean-Pierre Muongo et Justin Kima Kima pour Delly Sesanga; quant à Matata Ponyo Mapon, ses émissaires sont Franklin Tshiamala et Cédrick Tombola. Si les choses avancent comme chacun l’espère, les candidats entreront alors en scène pour une réunion le week-end du 18 novembre, la veille de début officiel de la campagne électorale. Seront aussi présents en Afrique du Sud des observateurs de la vie politique congolaise et notamment l’organisation de la société civile La Lucha. Ses membres ne cachent pas aujourd’hui leur souhait que le président Félix Tshisekedi quitte le pouvoir. «Ces enjeux obligent ces figures de l’opposition», avoue l’un des militants.
Seulement, «Ça ne va pas être évident d’arriver à un accord, prévient un expert. Il y a de la méfiance, voire de la défiance entre ces candidats. Et puis, pour certains, la volonté de concourir risque d’être plus forte que le reste». Un des candidats confirme que le but est avant tout de discuter et pas forcément de se mettre d’accord, ajoutant que chacun pense être le mieux placé pour l’emporter. Il y a aussi le risque qu’un candidat vienne pour ne pas donner l’impression de faire cavalier seul, alors qu’il compte rester dans la course coûte que coûte.

Gaule D’AMBERT