L’ancien ministre de l’Economie sous François Mitterrand et président de la Commission européenne pendant dix ans, mais aussi père de la Gauche française, Jacques Delors, est décédé à l’âge de 98 ans, mercredi 27 décembre 2023 en France. Père de Martine Aubry, maire de Lille, Jacques Delors, né à Paris le 20 juillet 1925 dans un milieu simple et catholique, a travaillé avec le Premier ministre Jacques Chaban-Delmas de 1969 à 1972 avant d’adhérer au Parti socialiste en 1974.

A la tête des Finances publiques sous François Mitterrand 1981-1984, Jacques Delors fut l’un des initiateurs du tournant de la rigueur à partir de 1982, évitant à la France de plonger dans l’inflation. Depuis Bruxelles où il reste à la tête de la Commission de 1985 à 1995, il a joué les architectes pour façonner les contours de l’Europe contemporaine: mise en place du marché unique, signature des accords de Schengen, acte unique européen, lancement du programme Erasmus, réforme de la politique agricole commune, mise en chantier de l’Union économique et monétaire qui aboutira à la création de l’euro… Delors a activement participé à la construction de l’Europe des 12. Son grand combat: la réunification de l’Allemagne alors divisée en deux blocs. De 1979 à 1981, cet Européen convaincu a également été député européen.
L’ancien ministre de l’Economie avait douché les espoirs de la Gauche en refusant de se présenter à l’élection présidentielle de 1995 alors qu’il était le grand favori des sondages. Un renoncement spectaculaire. Il est revenu en 2021 sur cette décision. Du gaullisme social avec Chaban-Delmas à l’union de la Gauche, puis au social-réalisme aux côtés de François Mitterrand, Jacques Delors a tracé les contours d’une deuxième Gauche française. Avant de faire son entrée en politique, il est entré à la Banque de France, puis a adheré à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) et a participé à la déconfessionnalisation du syndicat, qui donne naissance à la CFDT. Après son renoncement à la course présidentielle en décembre 1994, sa carrière politique a marqué le pas et c’est presque en simple militant que Jacques Delors a poursuivi ses combats au milieu des années 90.
Avec ses centres de réflexion, «Club témoin» ou «Notre Europe» (devenu ensuite «Institut Jacques-Delors» et installé à Paris, Bruxelles et Berlin), il a plaidé jusqu’au bout pour un renforcement du fédéralisme européen, réclamant davantage «d’audace» à l’heure du Brexit et des attaques de «populistes de tout acabit». En mars 2020, Jacques Delors avait appelé les chefs d’Etat et de Gouvernement de l’UE à plus de solidarité au moment où ces derniers s’écharpaient sur la réponse commune à apporter à la pandémie de COVID-19.

Alain-Patrick MASSAMBA