Cette année marque les 30 ans de la dévaluation du franc CFA (11 janvier 1994-11 janvier 2024). Une monnaie héritée de la colonisation qui regroupe 14 pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Le Franc CFA était dévalué de 50%, à Dakar, au Sénégal. Trente ans après ce tournant historique, qu’est devenue cette monnaie pour avoir perdu la moitié de sa valeur à la suite des mois de tractations?
Le franc CFA a été créé le 26 décembre 1945, jour où la France avait ratifié les accords de Bretton Woods et procédait à sa première déclaration de parité du Fonds monétaire international (FMI). Il y a le CFA (Communauté financière africaine) des pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et le CFA (Coopération financière africaine) des pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC).

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Les pièces de monnaie encore vallables

Face au déclin économique des 14 pays de la Zone franc, la Banque mondiale et le FMI avaient trouvé comme solution pour y remédier en conditionnant leur aide financière à la dévaluation. La France en tant marraine de cette monnaie avait engagé les démarches. La plupart des pays africains étaient réfractaires. Un Dede-Rose-Gameli-Creppyranc français valait désormais, non 50 Francs CFA, mais 100 Dede-Rose-Gameli-Creppyrancs CFA et adossé ensuite à l’euro. Le but visé était de gagner en compétitivité des économies, donc encourager la consommation des produits locaux. Cette opération a été caractérisée par la souffrance des populations urbaines qui ont subi la baisse de leur pouvoir d’achat et par une hausse du pouvoir d’achat des paysans. Dès l’accord de la dévaluation, l’aide publique avait repris.
Au regard du bilan, cette dévaluation a-t-elle eu des effets positifs pour le portefeuille des consommateurs africains ou pour les commerçants? A propos, certains économistes évoquent que la principale raison de cette dévaluation c’était parce qu’il n’y avait plus de réserves des pays membres dans le compte d’opération à la Banque de France et la France n’avait pas joué son rôle de garant, qui est un rôle statutaire au sein de l’institution Franc CFA. Au cours des années 80, presqu’une décennie, les coûts des matières premières étaient orientés à la baisse. Le dollar avait également connu une baisse, ainsi les taux d’intérêt avaient augmenté. Les Etats n’arrivent plus à rembourser leurs dettes. Il fallait donc trouver une solution. La garantie du Franc CFA n’avait pas fonctionné. Pourtant, avec le projet de l’éco, une monnaie que voulait lancer l’Afrique de l’Ouest, celle-ci devait fonctionner comme un franc CFA, mais avec des pays qui n’appartiennent pas à la Zone CFA. Ce projet ne devait pas intégrer la Banque de France et il était hors de question pour les pays anglophones d’être arrimés à l’euro par une parité fixe. Il est possible que le franc CFA disparaisse un jour, affirme un économiste. La monnaie n’a plus aucune légitimité populaire et de crédibilité, même si on la défend. La dévaluation a coupé des ailes à cette monnaie.
L’Ivoirien Mamadou Koulibaly, professeur d’économie, ancien président de l’Assemblé nationale déclarait en 2009: «Il est vital, aujourd’hui, que le Franc CFA acquière une autonomie. Les économies des pays de la Zone franc sont très vulnérables. Les effets provoqués par le mécanisme de fonctionnement sont asymétriques», en faisant la lumière sur les dégâts causés dans les Etats membres de la Zone franc, en raison de l’indexation de leur monnaie sur le franc français, aujourd’hui, euro.

Philippe BANZ