Emotion dans la corporation des journalistes après le décès, jeudi 12 octobre 2023 à Brazzaville, de Jean-Claude Bongolo. Des générations de Congolais ont admiré son itinéraire singulier. Après une première expérience d’enseignant et d’écrivain, il lance en 1991 -à 31 ans- le journal ‘’La Rumeur’’ devenu ‘’La Rue meurt’’. Editorialiste courageux, il a été un patron de presse influent.
Jean-Claude Bongolo est plutôt un enseignant de philosophie formé à l’Institut pédagogique Herzen de Leningrad, en ex-URSS, d’où il est sorti en 1985 avec un doctorat, option communisme scientifique.
A partir de 1986 il enseigne à l’Ecole supérieure du parti (PCT) où il dirige, en même temps, le service ‘’Mémoires et thèses’’. Il met également en exergue son talent caché d’écrivain. En 1988, Jean-Claude sort son deuxième roman, ‘’Les sorciers de l’Ile Tibau’’, aux Nouvelles éditions de Lomé.
Mais Jean-Claude Bongolo fut surtout homme de presse. Avec la venue de la conférence nationale souveraine en 1991, plusieurs organes de presse naissent et concurrencent, désormais, les médias d’Etat et le journal catholique ‘’La Semaine Africaine’’. C’est dans ‘’Le Soleil’’, organe de presse du MCDDI (Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral) de Bernard Bakana-Kolelas, que Bongolo commence à écrire des papiers. Mais, il finit par créer son propre canard, ‘’La Rumeur’’, qui sera une «mini-révolution» dans la presse. Il en était le directeur de publication.
Délibérément, Jean-Claude Bongolo choisit la satire, la fantaisie et la dérision pour traiter l’actualité. ‘’La rumeur’’ est donc un journal moqueur avec ses caricatures, insolent, hilarant et parfois méchant. La politique et les faits de société sont au centre de sa ligne éditoriale. Pendant la première période de la ‘’Transition Milongo’’, et devant les clivages Forces du changement et «opposition», il choisit son camp: celui du «Peuple». Un personnage satirique nommé «Petit David» le symbolise. Il est partout, ce petit héros; il voit tout en se cachant, entend tout et rapporte tout. Bref, il «pèche» l’information et la sert aux lecteurs avec une certaine désinvolture.
”La Rumeur” devient célèbre en titrant un jour à la couverture, après une monstrueuse marche organisée pour accompagner le Premier ministre Milongo au palais des Congrès : « La marche du siècle ». Chaque jour de parution, les lecteurs attendent la dernière révélation de Petit David. Lorsqu’ils dévorent, enfin, les colonnes du journal, les visages se dérident. Nombreux se reconnaissent en effet dans les écrits de ‘’La Rumeur’’, reflets, selon eux, de leur quotidien. Le journal et son personnage vedette libèrent la parole longtemps bâillonnée. Mais, il est détesté par ceux qui l’accusent d’acharnement à critiquer surtout les régimes de Lissouba et Sassou II.
Le journal connaît un déclin à la suite des guerres successives qu’a connues le pays. En 1998, par exemple, son matériel informatique est pillé. N’étant pas subventionnée, personne n’est surpris lorsque ”La Rumeur” ou ”La Rue meurt” cesse de paraître dans les années 2010.
Né le 16 mai 1955 à Brazzaville, Jean Claude (Zounga) Bongolo est décédé des suites d’un malaise cardiaque consécutif aux nombreux A.v.c qu’il a subis. Il laisse 8 enfants et l’image d’un journaliste intransigeant.
Adieu, celui qui est parmi les pionniers de la presse privée au Congo!

Jean ZENGABIO