Les coalitions gouvernementales Front commun pour le Congo (FCC) du président sortant Joseph Kabila Kabange et Cap pour le changement (CACH) de l’actuel président Félix Tshisekedi Tshilombo manifestent au grand jour leurs dissensions. L’émission en catimini à l’Assemblée nationale, par Célestin Tunda Ya Kasende (vice premier ministre, garde des Sceaux, en charge de la Justice, membre du FCC), de la proposition des lois Minaku et Sakata sur les réformes du système judiciaire, est l’une des causes qui exacerbent les dissensions.

Informé de la situation pendant le conseil des ministres du vendredi 26 juin, le Président de la République, visiblement mécontent, n’a pu terminer cette réunion. Selon l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), ces réformes constituent une entrave à la Constitution dans la séparation des pouvoirs traditionnels. Ce qui a valu à Célestin Tunda, samedi 27 juillet dernier, une brève interpellation par le procureur général près la Cour de Cassation de ce pays.
Après plusieurs heures de résistance, prétextant que son interpellation n’aurait de sens que si l’assemblée nationale venait à révoquer son immunité, par vote, il s’est finalement livré, peu avant 18 heures, heures locales, au moment où les policiers menaçaient de forcer l’entrée de sa résidence. D’autres s’apprêtaient déjà à escalader le mur. Il a été conduit au parquet général près la cour de cassation pour être entendu. Pour le moment, aucune charge n’a officiellement été révélée contre lui, mais ce que l’on sait, est que ce mandat a été délivré pour une procédure de flagrance.
Formellement, d’après une source judiciaire, le patron de la Justice pourrait être poursuivi pour «faux en écriture et usage de faux». Son interpellation serait liée à son initiative, qualifié de «personnelle», sur la transmission le 18 juin dernier, sans en avoir informé le Gouvernement et le président de la République, des observations sur les propositions de loi initiées par deux députés du FCC, la coalition de l’ex-président Joseph Kabila.
Cette interpellation a suscité indignation et colère chez certains caciques du FCC. «Pour interpeller un ministre, le parquet doit requérir l’avis de l’Assemblée nationale, rappelle Emmanuel Ramazani Shadary, le numéro un du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) de Joseph Kabila. Où allons-nous dans ce pays? C’est pourquoi nous, le PPRD, nous avons l’impression qu’on veut instaurer une dictature plus forte que celle de Mobutu. Nos amis qui sont alliés avec nous, nous leur répétons aujourd’hui avec force, parce que tout le monde connaît la vérité sur ce qui s’est passé: s’ils ne veulent plus de la coalition, il faut aller tout droit vers la cohabitation et que le FCC gère la République. C’est le FCC qui sera responsable de ses actes devant le peuple», selon lui.
Le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba, dans une déclaration lue le dimanche matin du 28 juin par son porte-parole, a dénoncé une arrestation «brutale et arbitraire». Il évoque une «humiliation» en «violation des règles élémentaires d’un Etat de droit». Le Premier ministre est en colère contre le parquet général près la Cour de cassation. Il réclame une «action disciplinaire» à charge des magistrats qui ont procédé à l’arrestation arbitraire de Célestin Tunda. Il met également en cause les services de police et de sécurité, déclarant que leurs agissements doivent se baser «sur le strict respect de la Constitution et des lois de la République».
Des déclarations qu’encaisse le parti présidentiel, l’UDPS, qui s’abstiennent de tout commentaire, pour le moment. Mais, un des proches conseillers du Président de la République Adam Bombole a fulminé: «Le Premier ministre n’a pas pouvoir d’instruire le président de la République pour injonctions au Conseil supérieur de la magistrature», selon ce soutien du président Tshisekedi. En le faisant, le chef du gouvernement «a commis une faute lourde sur le fond et la forme», estime-t-il.
A rappeler que Célestin Tunda Ya Kasende, haute personnalité du pays, a été interpellé au lendemain d’une révélation sur sa correspondance du 18 juin et par laquelle il transmettait au bureau de l’Assemblée nationale, sans l’avis du président Félix Tshisekedi ni du gouvernement, des observations favorables aux controversées propositions de loi sur la réforme judiciaire.

Marcellin MOUZITA
MOUKOUAMOU