Dans le cadre de sa mission de contrôle de l’action gouvernementale, le Sénat a interpellé le vendredi 30 juin dernier. Neuf membres du Gouvernement conduits par le Premier ministre Anatole Collinet Makosso. La séance des questions orales avec débats était présidée par Pierre Ngolo, président du Sénat.

Ils étaient neuf sénateurs à poser des questions à neuf membres du Gouvernement sur les préoccupations liées aux contestations dans la facturation de l’électricité; la rareté récurrente d’eau dans certains quartiers de Brazzaville et de Pointe-Noire; le phénomène des «bébés noirs» et de justice populaire; l’irrégularité des primes de sessions des Conseils départementaux et municipaux et la rétrocession des centimes additionnels et autres recettes dévolus aux collectivités locales; les occupations anarchiques du domaine public; la prise en charge des cas d’insuffisance rénale et les tracasseries pour l’obtention du passeport.

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Anatole Collinet Makosso

Les Congolais observent avec stupéfaction le développement d’un phénomène criminel d’un genre nouveau lié aux violences urbaines sous sa forme la plus expressive avec l’activisme des «Bébés noirs» et les «Kulunas».
Le Premier ministre s’est incliné devant la mémoire d’Anne Félicité Massamba-Débat, fille de l’ancien Président de la République, victime de cette violence aveugle. «J’ai foi que nos services sécuritaires et judiciaires qui sont déjà à pied d’œuvre réussiront à nous retrouver les auteurs de cet acte crapuleux pour qu’ils soient mis à la disposition de la justice», a-t-il déclaré.
Anatole Collinet Makosso a estimé que ces phénomènes sont essentiellement causés par la crise multidimensionnelle que traverse le Congo et bien d’autres pays. «Nous pouvons donc comprendre ce sentiment d’insécurité, mais ces expéditions punitives suivies de morts crapuleux ne sont plus ni moins qu’une dérive dangereuse tant au plan sécuritaire, des droits humains que des libertés. Nous ne pouvons laisser prospérer de telles actions. C’est donner la caution à l’arbitraire. Les règlements de compte et d’autres travers dont chacun peut être victime ne peuvent être encouragés par le Gouvernement. Nul ne saurait se faire justice soi-même», a-t-il martelé.
Le Premier ministre pense qu’il faut aller au-delà de ces faits, en tentant d’apporter une réponse rigoureuse à cette problématique de la violence et des crimes crapuleux. Face à cette agressivité, a-t-il indiqué, «le Gouvernement a mis en place une politique de rééducation et de réinsertion de ces jeunes».
D’où la réhabilitation du centre d’Aubeville, à Madingou, dans le département de la Bouenza, où 193 jeunes y seront internés dont 112 venant de Brazzaville et 81 de Pointe-Noire. Un autre centre est en cours de réhabilitation à Bokagnia, dans le département de la Cuvette.
S’agissant de la rétrocession des centimes additionnels et autres recettes dévolus aux collectivités locales et l’irrégularité des primes de sessions, il a pris l’engagement de régulariser cette situation au cours de ce deuxième trimestre. «En attendant, le Gouvernement a pris un certain nombre de dispositions pour venir en aide aux collectivités locales en prenant systématiquement en charge les salaires des agents des collectivités locales qui sont concomitamment payés avec les salaires des agents de l’Etat», a fait savoir Anatole Collinet Makosso.
Sur les occupations anarchiques du domaine public, le Premier ministre a rejeté la responsabilité sur les gestionnaires des collectivités locales. Tout en reconnaissant l’existence des textes juridiques y afférents, il a reconnu la faiblesse des services municipaux.
Interpellé sur les difficultés de délivrance des passeports et les coûts exorbitants parfois déboursés par certains citoyens pour leur obtention, le ministre Raymond Zéphirin Mboulou a plutôt parlé de rupture des stocks de cartons, sans répondre réellement à la préoccupation exprimée.
Pour lui, ces difficultés ne sont pas entretenues par ses services, mais par les faussaires. «Ceux qui rectifient les âges ou qui ajoutent les prénoms sans savoir qu’ils ne pourront jamais obtenir de passeports parce qu’on a tout le système congolais au niveau du centre d’identification civile», a-t-il précisé, tout en affirmant que ses services peuvent désormais délivrer les passeports dans les délais.
Le ministre de la Santé a, quant lui, édifié les sénateurs sur la prise en charge des cas d’insuffisance rénale qui, pour l’heure, ne se font qu’à l’hôpital Edith Lucie Bongo-Ondimba d’Oyo, dans le département de la Cuvette. «Il dispose de cinq fauteuils de dialyse et les coûts pratiqués sont de 50.000 F.CFA (1ère séance), 25.000 F.CFA (2ème séance) et 10.000 F.CFA pour le reste des séances. Tenant compte de la forte demande, un projet d’installation de 15 fauteuils et de 25 générateurs est en cours dans cet hôpital grâce à l’appui de la SNPC», a révélé Gilbert Mokoki.
Il a en outre indiqué que le Gouvernement était en train de mettre en place des unités d’hémodialyse au CHU-B (15 générateurs) et à l’hôpital Adolphe Sicé, à Pointe-Noire (25 générateurs). A noter que 252 cas d’insuffisance rénale sont dépistés dans le pays par an et l’âge moyen des patients est de 52 ans, avec une prédominance masculine. «Malheureusement, 13% seulement des nouveaux cas ont accès à la prise en charge», a-t-il regretté.
Parlant de la rareté de l’eau dans certains quartiers de Brazzaville et Pointe-Noire, le ministre Emile Ouosso a commencé par faire l’état des lieux du système d’adduction d’eau dans ces agglomérations. «A Pointe-Noire, il date de 1940 et à Brazzaville de 1950. Depuis-là, on n’a pas vu les grands chantiers changer ces tuyaux. La moitié de l’eau produite dans ces deux villes est perdue par des fuites des canalisations et échappe au système commercial. Ce n’est pas la production qui manque, mais plutôt le transport d’eau dans ces villes qui pose problème. L’eau existe en quantité suffisante. Il est question de trouer (creuser) tout Brazzaville et Pointe-Noire pour refaire les canalisations. Les coupures d’électricité entraînent aussi parfois les ruptures dans la fourniture d’eau», a signifié le ministre, qui a annoncé l’opération de pose des compteurs intelligents.
Dans sa synthèse des travaux, Pierre Ngolo a rappelé au Gouvernement les engagements pris. «Nous avons pris bonne note. Les citoyens attendent et nous n’avons pas le droit de les décevoir», a déclaré le président du Sénat qui pense que les questions de décentralisation doivent être traitées sans démagogie et en toute responsabilité.

Cyr Armel YABBAT-NGO