Succès Masra avait annoncé son retour au Tchad pour le mercredi 18 octobre 2023. Soit deux jours avant le premier anniversaire du « jeudi noir », quand la répression d’une manifestation contre la prolongation de la transition avait officiellement fait 73 morts, et plus de 200 selon l’opposition et des ONG. L’opposant tchadien qui avait quitté le pays juste après, reporte finalement son retour à début novembre 2023. Entretien.

Succès Masra explique des informations portées à son attention font état de la possibilité d’un affrontement à l’occasion de son retour. Alors qu’il a placé son retour «sous le signe de la réconciliation dans la justice et l’égalité», selon lui. En outre, le facilitateur désigné de la CEEAC (Communauté économique des États de l’Afrique centrale), «nous a fait parvenir des informations suggérant fortement de décaler de quelques jours pour lui permettre de continuer et d’obtenir des éléments de réponse suite à sa médiation, sa facilitation après nous avoir reçu et après s’être rendu à Ndjamena. Donc nous avons décalé pour début novembre pour avancer dans le sens de la réconciliation nationale», a-t-il dit.
Au sujet d’une éventuelle interpellation, une fois arrivé au Tchad, d’autant qu’un mandat d’arrêt international a été émis contre lui, l’opposant dit ne pas être inquiet. «Non, pas du tout. Je n’ai aucun problème à répondre devant la justice de mon pays, d’abord pour le respect que j’ai pour l’institution qui doit être une institution respectable, même si c’était un vrai-faux mandat d’arrêt qui a été exhibé pour des raisons purement politiques».
L’opposant Masra avait souhaité être au pays peu avant le triste anniversaire du jeudi noir (le 20 octobre) pour plusieurs raisons selon lui. «J’ai perdu des membres de ma famille, j’ai perdu des militants, j’ai perdu des sympathisants, j’ai perdu des cadres de mon parti. Je n’ai pas eu le temps de faire le deuil parce que je suis sorti pour porter la voix de ce peuple. Il m’a semblé important d’être là le 20 octobre pour avoir l’occasion d’honorer la mémoire de ces braves Tchadiens et Tchadiennes qui se sont mis debout pour la justice et l’égalité dont la vie a été emportée trop tôt, injustement», a-t-il souligné. Pour lui, il y a sans doute un avant et un après 20 octobre. Il y a eu une cassure, il y a eu une rupture, il y a eu une déchirure profonde qui marquera sans doute l’histoire du Tchad moderne. Et pendant ce genre de moments, il faut identifier des âmes suffisamment grandes de part et d’autre pour être capable de recoller les morceaux sur la base de la justice et l’égalité.
L’opposant suggère la tenue d’une table de la réconciliation. Il a réalisé un document portant cinq points adressés aussi bien aux autorités tchadiennes qu’au facilitateur désigné. Selon lui, ce sont des propositions allant dans le sens de créer les conditions de sécurité juridique, politique, de liberté, d’encadrement, de réconciliation, de pardon et d’institutions qui permettront ainsi de manière inclusive et de manière totalement démocratique de permettre aux Tchadiens, enfin, de choisir leur dirigeant. Puisqu’aussi bien, «depuis les indépendances jusqu’à aujourd’hui jamais le peuple tchadien n’a choisi ses dirigeants», a-t-il déclaré.

Gaule D’AMBERT