Le Congolais voyage toujours avec son bout de manioc dans un angle valise. Et il n’est pas rare qu’arrivé dans une grande ville occidentale, la première question pose à la cantonade soit «et pour le manioc, c’est comment ?». Alors, on lui indique Brixton, à Londres, Termini à Rome, Matongé à Bruxelles ou Château rouge à Paris.

A vrai dire, la chose paraît aller de soi lorsqu’on se trouve dans un pays ayant une longue et antique tradition avec l’Afrique. Mais dans une mégapole comme New York, au Etats-Unis, comment cela se passe-t-il? Il suffit de demander!
Car, parfois dans la discrétion absolue, des pionniers congolais sont déjà en place et ont su déblayer les pistes pour trouver piments, safous, moukalou et autres mets typiques du Congo qu’on n’a pas l’habitude de trouver dans les supermarchés traditionnels. L’histoire du manioc cuit, la chikouangue, a aussi son odyssée et des pionnières reconnues.
C’est ainsi que se dégage l’image d’une femme congolaise, une battante, dont on peut dire qu’elle est la première ou parmi les premières à combler le vide du manioc sur la table des Congolais aux Etats-Unis.
Joséphine ne fait pas de l’importation du manioc cuit, comme c’est le cas dans beaucoup de villes occidentales: elle le fait ! Elle écume les boutiques africaines où l’on vend des tubercules de manioc. Vient les rouir dans son appartement et confectionne, comme le ferait la maman au pétrin de n’importe quel coin du Congo, ce qui sera le futur manioc ou le ngoudi yaka traditionnel!
Le résultat est tout simplement époustouflant: le quartier du Bronx peut s’enorgueillir de trouver du manioc frais ou fumant sur ses tables grâce à Moutimanakanga. Mais le privilège n’appartient pas qu’aux bronxois; à Houston (Texas) aussi, des boutiques proposent les confections de Joséphine Moutimanakanga. Tout comme à Raleigh, en Caroline du Nord. Partout, l’Afrique centrale «mange congolais» grâce aux pains de manioc fournis par une experte qui n’a pas voulu renier une tradition qui fait vivre dans tous les sens du mot.
Ancienne militante de l’URFC (Union révolutionnaire des femmes congolaises) au Congo, la battante ne s’est pas contentée de faire du porte-à-porte avec son manioc. Elle a lancé une ONG dont la cause est noble: l’Organisation des femmes pour l’aide des orphelins, OFAO. Recueillant les aides de la diaspora, l’organisation achemine des médicaments, de l’aide alimentaire et toutes sortes d’aides aux enfants abandonnés du Congo. Aux Etats-Unis même, l’ONG est débordante d’activité, dont une partie culturelle avec, par exemple, une chorale.

ASM