Le tout nouvel ouvrage de droit ‘’La justice au Congo: bilan global soixantenaire – la genèse et l’évolution de la justice de droit commun,’’ est un volume de 428 pages publié, cette année, aux éditions L’Harmattan France. «Une première, faisant le panorama de la Justice congolaise de 1960 à 2023 !», selon les experts du droit. Coécrit par Auguste Iloki, Valencia Engamba Iloki et Raïssa Kartelle Iloki, il a été présenté et dédicacé, au début du mois de novembre dernier, à Brazzaville, devant d’éminentes personnalités dont les présidents du Sénat, Pierre Ngolo et de l’Assemblée nationale, Isidore Mvouba, le premier président de la Cour suprême, Henri Bouka, des sénateurs, des députés, des avocats, des notaires ainsi que des magistrats et des littéraires congolais. Nombre d’entre eux ont exprimé leur satisfaction et félicité les auteurs. Ceux-ci, rappelant les Mazeaud (une famille ayant marqué le Droit et la littérature sur le Droit en France), sont intervenus, à tour de rôle, pour éclairer l’opinion et les lecteurs sur les motivations et le contenu du livre: un bilan détaillé du périple judiciaire en République du Congo, de l’indépendance en 1960 à 2023. Nous publions, ci-après, les propos des coauteures: Valencia Engamba Iloki et Raïssa Kartelle Iloki.

livre
Raïssa Kartelle Iloki

Pour Valencia Engamba Iloki, magistrate au Tribunal de grande instance de Brazzaville, «l’ouvrage collectif que nous avons l’honneur de vous présenter est subdivisé en cinq parties séquencées en période caractérisant les faits marquants de l’organisation et du fonctionnement de la Justice congolaise durant ces 63 dernières années.
Le commencement du livre plonge, d’abord, le lecteur dans l’histoire de la Justice au Congo pour le familiariser avec le système judiciaire mis en place au moment de l’indépendance.
Il évoque les interactions entre la Justice et l’histoire vécue du pays qui révèlent l’existence du triptyque justice coloniale, coutumière et moderne. Une démarche qui permet au lecteur de suivre les niveaux graduels des réformes législatives et réglementaires faites pendant la période de 1960 à 2023. Il vit l’évolution de la politique judiciaire congolaise à travers les époques déterminées de modifications des législations autrement dit, des réformes opérées dans des domaines indiqués.
La première période qui court de 1960 à 1963 avait permis l’élaboration de la première carte judiciaire issue de la loi du 11 janvier 1961 fixant l’organisation judiciaire en République du Congo. Les recours contre les décisions rendues par les juridictions de l’ordre judiciaire étaient soumis à la Cour de cassation de Paris en formation spéciale. Le constat majeur que l’on peut faire, à ce stade, est qu’il apparaissait une forme d’atteinte à la souveraineté judiciaire de notre pays, indépendant depuis le 15 août 1960. En effet, avant la création de la Cour suprême du Congo, en 1962, les pourvois en cassation étaient jugés à l’étranger. Pendant la même période, le Conseil supérieur de la magistrature était institué par la loi du 20 janvier 1962.
La seconde période de 1963 à 1983 était caractérisée par l’adoption de l’ordonnance du 6 novembre 1963 fixant l’organisation judiciaire et la compétence des juridictions. Elle modifiait la première loi d’organisation judiciaire du 11 janvier 1961.
Les réformes de la Justice se sont, ensuite, enchaînées avec l’adoption des constitutions de 1963, 1969, 1973 et celle de 1979. On peut citer comme exemple de réformes, l’institution de la Justice en «Autorité judiciaire» en 1963, reconsidérée en 1973 avec la dénomination «juridictions nationales».
La vétusté des textes régissant la Justice avait motivé l’exigence de leur renouvellement en 1979. Dans cette perspective, des commissions de refonte des textes étaient mises en place. Ainsi, furent adoptés, entre autres, en 1983, la loi sur la réorganisation de la Justice, le Code de procédure civile, commerciale, administrative et financière et le Code de la famille, encore en vigueur. En matière pénale, le Code pénal de 1810, pour des raisons indiquées dans l’ouvrage, demeure applicable. Sa réforme reste problématique. Cependant, l’organisation judiciaire de 1983 fut mise en cause par la Conférence nationale souveraine. C’était le début de la troisième période d’organisation de la Justice au Congo».
Donnant communication de l’ouvrage à son tour, Raïssa Kartelle Iloki, juriste, doctorante, manager financier spécialisée en fiscalité, droit des affaires et conseil en gestion d’entreprise, a estimé l’ouvrage incontournable aussi bien pour les personnels judiciaires que pour tous les citoyens qui aspirent à la paix sociale, du fait qu’il explore les dynamiques de la Justice congolaise. «La période d’institution du pouvoir judiciaire, a-t-elle soutenu, débute avec l’adoption de l’Acte fondamental portant organisation des pouvoirs publics pendant la période de transition du 4 juin 1991. Le pouvoir judiciaire se substituait, ainsi, aux «juridictions populaires nationales». La consécration de la Justice en pouvoir judiciaire laissait présager l’éclosion de la nouvelle conception de la Justice.
La loi n°022-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire en République du Congo n’était qu’une quasi reproduction de la loi n°53-83 du 21 avril 1983 portant réorganisation de la justice en République populaire du Congo. Les innovations que recelait la loi de 1992 étaient, essentiellement, liées au changement de dénominations de juridictions qui furent débarrassées du vocable ‘’populaire’’ pour retrouver leurs appellations originelles. La réforme de 1992 a été formellement modifiée et complétée après les événements sociopolitiques qu’a connus le Congo en 1997, par la loi n°19-99 du 15 août 1999.
Pour assurer un meilleur fonctionnement de l’institution judiciaire, le législateur créait, en 1962, un organe collégial de décision dénommé Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Il était à nouveau, institué par les lois du 20 août 1992, du 18 octobre 1994 et du 15 avril 1999.
Etant donné que le législateur avait décidé de garantir l’indépendance de la magistrature, par le président de la République, à travers le Conseil supérieur de la magistrature, les auteurs ont cru devoir consacrer des développements particuliers liés à l’organisation, à la composition et au fonctionnement de cet organe crucial pour l’institution judiciaire. Il en découle, au travers des réformes effectuées, à différentes époques, le constat suivant: la présidence du CSM est assurée, depuis 1962, par le président de la République. Concernant la suppléance, de la présidence, il est prévu, en 2018, la faculté de suppléance du président de la République, par le ministre de la Justice. La vice-présidence du CSM est confiée: au ministre de la Justice, au premier président de la Cour suprême, en 1992.(…).
De 1962 à 1991, il n’existait qu’un secrétariat ad hoc du CSM supervisé par le président de la Cour suprême. C’est à partir de 1992 que le secrétariat est assuré par le ministre de la Justice. En ce qui concerne les pouvoirs du ministre de la Justice, en 1999, en sa qualité de vice-président du CSM, il veille: à la surveillance et au contrôle des activités du secrétariat dudit organe; au respect des règles d’impartialité et de nomination des magistrats.
Jouant le rôle de pionnier dans l’analyse des dynamiques complexes des arcanes judiciaires, les auteurs espèrent avoir fourni quelques prémices pour l’approfondissement des débats constructifs, en vue d’aider à l’approfondissement des études menant vers les ajustements législatifs souhaités.
Pour ce faire, nous implorons les concepteurs de la politique judiciaire de crédibiliser les cadres nationaux qui ne manquent pas de potentialités à exploiter pour effectuer les travaux d’élaboration des réformes, plutôt que de convoiter les experts étrangers qui n’ont pas toujours la connaissance du contexte sociopolitique congolais.
Nous espérons avoir suscité chez le lecteur, l’incitation à réfléchir aux réformes qui s’imposent pour le renforcement de l’Etat de droit que nous souhaitons tous voir émerger rapidement en République du Congo. Il nous faut, ensemble, proposer des pistes de solutions pour l’amélioration du système judiciaire congolais.
Nous vous invitons et vous encourageons à nous suivre, dans la poursuite de l’œuvre que nous venons de commencer, dans ce secteur éminemment sensible de la Justice, pour l’émergence de l’institution judiciaire en République du Congo.
Notre ferme conviction est que la Justice constituant le socle d’une société démocratique, son bon fonctionnement et son efficacité sont des préalables à la garantie de la paix, de la sécurité, de la stabilité, de l’harmonie sociale et, donc, au développement de notre pays.
Notre ouvrage, en ce qu’il explore les dynamiques de la Justice de notre pays, est incontournable non pas seulement pour les personnels judiciaires, mais également pour les citoyens qui aspirent à la paix sociale».