Depuis le 17 juillet dernier, le Gouvernement a, dans une déclaration rendue publique par le ministre de la Santé, Gilbert Mokoki, déclaré la ville de Dolisie en épidémies à cause du choléra, la shigellose et la fièvre typhoïde qui y sévissent causant plus de 60 morts. Le tâtonnement du corps médical et la prise en charge tardive des malades seraient en partie à l’origine de ce taux élevé de décès. Mais pour la population, le mystère persiste autour de l’origine de ces épidémies qui sont des maladies des mains sales.

Les épidémies qui sévissent à Dolisie ont montré la faiblesse du système de santé congolais comme au début de la COVID-19, en mars 2020. Ces épidémies bénignes dans la contamination, mais très mortelles dans leur manifestation, laissent planer beaucoup de doute quant à leur origine.
Depuis le 28 juin dernier, les symptômes liés à ces trois maladies avaient commencé à se manifester auprès de quelques malades, en particulier jeunes. Dans un premier temps, les patients admis dans les hôpitaux se voyaient administrer un traitement contre le paludisme.
Dans ce tâtonnement du corps médical, les morts s’additionnaient et les hôpitaux étaient remplis des malades. La panique gagnait la ville et la peur devenait grandissante. Parmi les symptômes, la diarrhée sanguine, les vomissements, la fatigue générale, la fièvre à 39 °C et 40°C, les douleurs abdominales, les maux de tête.
Les défaillances de notre système de santé étaient mises à nu. Surpris, le corps médical ne savait plus que faire. Tout manquait: médicaments, lits, ambulances, médecins spécialistes, laboratoires fiables, etc. La ville de Dolisie était presque coupée du reste du pays.
Les rumeurs allaient dans tous les sens: consommation de l’eau impropre, l’intoxication alimentaire due à la consommation des aliments avariés. Face à la menace, le Gouvernement a pris la décision de faire analyser 78 échantillons au Laboratoire national de santé publique, un mois après le déclenchement des épidémies.
Les résultats ont mis en évidence trois types de bactéries, caractéristiques des maladies comme le choléra (15 échantillons positifs), la shigellose (34 échantillons positif), la toxi-infection alimentaire (63 échantillons positifs), la fièvre typhoïde (2 échantillons positifs), le choléra, la shigellose et toxi-infection alimentaire à la fois (11 échantillons positifs).
Ces maladies sont dites des mains sales. Donc du manque d’hygiène. Quelques mesures ont été préconisées, notamment: se laver régulièrement et correctement les mains à l’eau propre et au savon ou en utilisant une solution hydroalcoolique avant de faire la cuisine, de manger, de s’occuper d’un bébé, après avoir été aux toilettes, après et avant avoir manipulé les aliments; bien cuire les aliments à au moins 70°C; ne pas manger d’aliments non cuits à moins qu’ils ne puissent être pelés ou décortiqués; laver les fruits et légumes avant leur consommation; boire de l’eau potable; faire les selles dans les toilettes et non à l’air libre; couvrir les aliments cuits et les conserver soigneusement; maintenir toutes les surfaces de la cuisine propre et nettoyer les lieux d’habitation.
Si certains patients se sont retrouvés avec des perforations intestinales, c’est parce qu’au début des épidémies, le diagnostic a été faussé. A cela, s’ajoute la prise en charge tardive des malades dans les hôpitaux faute de protocole médical. D’où le nombre de décès.
Après le 17 juillet, la situation a commencé à être maîtrisée et les hôpitaux se vidaient peu à peu de leurs occupants. Malgré tout, la psychose y est toujours et la ville est encore en alerte maximum. Cinquante-neuf patients sont encore hospitalisés dans les hôpitaux de Dolisie. Malheureusement, il se pose encore un problème de rupture de médicaments, bien que ces épidémies soient sous contrôle. La solidarité des filles et fils de Niari en général et de Dolisie en particulier y a été de beaucoup dans la mobilisation de fonds destinés à la prise en charge des malades et aux obsèques des victimes de ces épidémies.
Eau, la saleté et toxi-infection alimentaire. Lequel des trois est véritablement à l’origine de ces épidémies qui se sont toutes déclenchées au même moment? Personne ne saura le dire, ni le démontrer. Le mystère restera longtemps caché et la ville continue d’enterrer ses morts.
La LCDE nie toute implication. Selon elle, son eau est potable et n’a rien à voir avec ces épidémies. Pour le citoyen lambda, l’eau y est de beaucoup. Les installations de la société datent des années 1950. L’usine ne repond plus et la zone de captage laisse à désirer.
S’agissant de la ville de Dolisie, elle n’est plus digne d’être appelée troisième ville du Congo. Déconfigurée, Dolisie est devenue très sale. A la dégradation avancée, s’ajoute l’insalubrité. A défaut de caniveaux, les quelques rares existants, bouchés, ne permettent plus l’évacuation des eaux usées. Tout stagne.
Les tas d’immondices sont visibles partout et les herbes hautes côtoient les habitations et même certaines ruelles et avenues. Pas de poubelles publiques, la mairie peine à assainir la ville qui n’est plus que l’ombre d’elle-même.
La toxi-infection alimentaire peut-être aussi une des causes de ces épidémies. En vérité, les marchandises importées et vendues dans les chambres froides sont parfois avariées. Et comme les frontières sont parfois poreuses, personne ne contrôle ou quand les services appropriés contrôlent, ils sont corrompus et les populations consomment du périmé. Il se pose aussi un problème d’hygiène et de sécurité alimentaire. Les conditions de vente dans les marchés et aux abords des avenues peuvent y être de beaucoup. Les produits sont étalés à même le sol et à la merci des mouches et bien d’autres insectes, y compris la poussière de Dolisie. Il y a de quoi redouter les épidémies. Maladies des mains sales, oui, et après…? La ville a besoin d’une véritable cure d’assainissement. Au besoin, d’une municipalisation accélérée additionnelle pour lui redorer son blason d’antan.

Cyr Armel YABBAT-NGO