Entre crise sociale et espoir de voir les Lions indomptables remporter un sixième titre, le pays vibre à l’heure de sa CAN (9 janvier-6 février) qu’elle a bien entamée en se mettant en confiance grâce à son succès (2-1) sur le Burkina Faso en match d’ouverture. Il espère le gagner surtout pour oublier l’épisode de 1972. Avec cette 33e Coupe d’Afrique des nations, le Cameroun joue gros. Le pays ne s’est jamais remis complètement de la «tragédie» du 2 mars 1972: sa défaite face au Congo (0-1) au Stade Ahmadou Ahidjo de Yaoundé fut un véritable traumatisme.

La-joie-de-Vincent-Aboubacar-après-son-deuxième-but
La-joie-de-Vincent-Aboubacar-après-son-deuxième-but

A tel point que, aujourd’hui encore, le pays est marqué par les scènes de désespoir collectif qui suivirent l’affront infligé par le voisin congolais. C’était il y a bientôt cinquante ans. Pourtant, depuis ce funeste 2 mars 1972, le Cameroun s’est largement consolé en remportant cinq fois la CAN (1982, 1988, 2000, 2002 et 2017), mais à chaque fois loin de chez lui.
Sur cette terre d’Afrique centrale où la passion du ballon rond dépasse parfois les limites du raisonnable, le seul remède pour effacer le drame national de 1972 passe par la conquête d’un sixième titre continental à domicile. Même si aucun pays organisateur n’est devenu champion d’Afrique depuis l’Egypte, en 2006, le Cameroun, avec ses deux attaquants vedettes, Vincent Aboubacar (Al Nassr/Arabie saoudite) et Eric Choupo Moting (Bayern Munich/ Allemagne), et l’avantage de jouer à domicile, figure parmi les trois favoris de la compétition.
Cela suffit-il? L’Algérie, championne d’Afrique en titre, n’a pas donné de signes de faiblesse ces deux dernières années, et ses résultats font d’elle l’incontestable autre favori. Derrière ce duo, impossible de ne pas désigner le Sénégal un vainqueur potentiel. Outre ses trois prétendants, il y a un bataillon d’outsiders (Maroc, Egypte, Tunisie, Mali) auxquels il est à la fois tentant et risqué d’y intégrer la Côte d’Ivoire, le Nigeria, le Ghana ou la Guinée.
Sans leur faire offense, on ne voit guère le Gabon, la Mauritanie, les Comores, la Sierra Leone se hisser au sommet. Cette quasi-certitude n’enlève en rien aux glorieux aléas du sport. Ponctuellement, des sélections que personne n’attendait si haut sont parvenues à bousculer l’ordre établi, en remportant le titre (Congo en 1972 et Zambie en 2012, par exemple).
Mais cette CAN suscite beaucoup d’inquiétudes sur le plan sanitaire. Il y a un protocole strict pour se rendre dans les stades et éviter une explosion des cas liés à l’émergence du variant Omicron de la COVID-19. De nombreuses sélections comme le Gabon, le Sénégal, la Gambie et même le Cameroun sont touchés par le virus au sein de leurs effectifs. Les autorités craignent aussi que cette édition soit perturbée par des séparatistes armés anglophones. Il y a à craindre aussi d’autres revendications portant sur les préoccupations de santé, d’éducation, d’infrastructures sociales, bref, de projets liés au développement. Les gens souffrent d’inflation, de corruption, etc., et ils ne comprennent pas pourquoi l’Etat a dépensé autant d’argent pour cette histoire de ballon rond alors que les hôpitaux, par exemple, tombent en ruine. Il faut donc souhaiter que les Camerounais mettent en sourdine leurs revendications le temps d’une CAN!

Jean ZENGABIO