La famille de Dominique Ngoye-Ngalla annonce le rapatriement de ses restes mortels de France à son Congo natal. Elle entend offrir à ce grand universitaire une décente sépulture à Madingou et non à Mandou, village du clan maternel que Ngoye affectionnait.

J’ai, au cours de ma carrière à Bayardelle, soumis des générations d’étudiants en lettres, le célèbre poème de Ngoye, ‘’Prière pour être enterré à Mandou’’, tiré de ‘’Poèmes Rustiques’’ (1974), en explication de texte ou en commentaire composé.
A l’occasion du retour de Ngoye dans sa patrie natale, j’esquisse un petit commentaire de ce poème au lyrisme pathétique, en souvenir de notre fraternité.

Le testament de Ngoye-Ngalla
Ce poème, à mon avis, est un testament annonçant sa mort proche. Il développe deux thématiques majeures: sa mort à lui, et celle de son village Mandou.
En dépit du fait que Mandou soit devenu un désert, le poète appelle de ses vœux Dieu pour qu’il y soit inhumé. Pourquoi Dieu? Serait-il son légataire universel? On le comprendra dans ce développement.

La mort du village
Ngoye expose les causes ayant conduit le village à la mort. Ce furent d’abord ses propres enfants, gagnés par le prurit de l’aventure; ils l’ont quitté pour d’autres horizons, «l’ouragan des passions» suggère leur recherche de la fortune.
Le deuxième fléau qui a causé le vide dans leurs rangs, est la mort. Qui ignore ce phénomène de superstition propre aux peuples de langues bantu qui abandonnent leurs villages par suite des décès dont ils n’arrivent point à débrouiller les causes?
Qui ignore le phénomène de l’exode rural qui «dispersera les jeunes par toute la terre»? C’est incontestablement l’allusion à l’émigration.

Ngoye-Ngalla et sa mort
Le poète entend organiser sa mort et la suite, d’où l’usage des pronoms personnels et adjectifs possessifs éclairants: je prenne, j’attendrai, ma carcasse humiliée, mes paupières closes, mon repos. Il peint sa mort avec des détails crus et saisissants. Car la carcasse humiliée renvoie et rappelle la fin des illusions de la beauté plastique, réduite au squelette. Or donc Ngoye-Ngalla, féru de culture biblique, se souvient de son origine. Ne fut-il pas tiré du limon selon la Genèse et de la terre de Mandou? Et le terme mes origines résume tout, car on nait de sa mère. Cet emploi du syntagme mes origines est une riche et judicieuse trouvaille.

Ngoye-Ngalla surfe avec la mort
Ngoye, du fond de sa tombe, franchement, apprécie les comportements et sentiments des vivants. Par exemple, ceux des exilés qui reviennent au pays et qui se souviennent. C’est leur expression de sympathie, et le cœur alourdi sous-entend les sanglots étouffés qui étreignent, ces Bantus se mémérant leurs chers disparus. C’est la discrétion du chagrin qui sourdait en eux.
Le poète revendique la modestie par un humble tumulus et tertre, deux synonymes exprimant la terre sa nouvelle condition; ici, Ngoye-Ngalla se confond à l’humus. Ce n’est pas cette construction en béton dont il sera gratifié à Madingou avec, en prime, des fleurs artificielles. Mais chez Ngoye-Ngalla, des jeunes fleurs des champs poussent en lui, et sur lui; elles tirent au demeurant leur vitalité de sa chair avariée.
Ce poème qui emprunte des accents bucoliques rompt d’avec l’humilité suggérée par l’auteur, avec le terme mausolée. Il y a, de ce point de vue, une feinte et trompeuse proclamation avec un rien de Mandou.

Ngoye-Ngalla fait dans l’immortalité

Il se hisse, en fait, dans l’immortalité par cette croix latine, preuve de son enracinement dans la foi catholique, car son nom est inscrit dans le livre évoqué dans l’Apocalypse et le legs inestimable qu’il fait, c’est d’avoir ciselé ce poème lyrique que des générations de Congolais consommeront encore «au coin d’un œil rougi» en souvenir d’un grand homme.
Ngoye développe dans ‘’Prière pour être enterré à Mandou’’, des sentiments délicats et profonds de son enracinement dans le terroir, et de sa foi de chrétien confiant, attendant la récompense promise dans la sérénité.
Que la paix soit sur lui, et qu’il dorme tranquille.

Lecas ATONDI-MONMONDJO