Il n’y a pas idée plus répandue dans l’opinion que celle d’ériger en système les pratiques les plus généralement décriées dans la société. Vous parlez de corruption, de passe-droit, de détournement, d’impunité, de faible engagement à contrer les anti-valeurs, de comportements arrogants et insouciants devant le bien public ? On vous présente «le système» comme bouclier et justification à tout. C’est le système !
Cette pleine conscience de l’opinion, on peut s’étonner qu’elle devienne une paramécie quand ceux qui le dénoncent reproduisent le système à l’identique une fois qu’ils «sont aux affaires», comme dit précisément le système. Ailleurs, ont dit «être aux responsabilités». Trop lourd à dire, chez nous ; trop éloigné aussi de la vérité vraie dans un pays où les promotions sont question de marchandages et d’enchères aux mieux-offrants. C’est-à-dire des affaires !
Il y a dix jours, un opposant en vue annonçait sa candidature à l’élection de mars ou avril prochain. Il tirait à boulets rouges sur la concertation de Madingou qui vient de se clôturer, précisément parce qu’il redoutait qu’elle ne soit qu’une machine à préparer la tricherie. Et il appuyait ses accusations et ses soupçons d’un péremptoire : «Je sais comment ça se passe. N’oubliez pas que j’ai fait partie du système !»
L’invitation à le croire… sur expérience était claire, mais l’ouverture d’un boulevard de sous-entendus aussi. Est-ce ainsi que ça se passe ? Il a vu ou il a participé ? Et depuis quand s’est-il converti à l’orthodoxie des choses ? Combien lui reste-t-il d’effets du « système » dans ses mœurs ? Mais, surtout, depuis quand avoir fait partie d’un système que l’on critique est-il un label de promotion? Qui a bu boira : quand nous invitera-t-il à une autre conférence de presse où, décamètre en main, nous pourrons mesurer ensemble la distance qui le sépare désormais des inclinations passées ?
Nous sommes gens de critique. Chaque année, nous aimons à resservir la même sauce sur ceux qui sont pourris et ceux (en minuscule) qui sont probes. Et plus la liste des premiers est longue et mieux cela nous contente. Nous voulons du saignant, du croustillant sur des milliards que l’on flambe, des intrigues de palais, réelles ou supposées. Et l’opposition en ajoute une couche. L’opposition, c’est-à-dire ceux qui étaient du système hier et qui aspirent à y retourner. Schizophrénie ou masochisme ?

Albert S. MIANZOUKOUTA