Les chefs traditionnels ont un statut officiel reconnu par la Constitution tchadienne depuis l’indépendance. C’est ainsi que le ministre de l’administration du Territoire a signé, il y a quelques jours, un décret qui élève trois chefs traditionnels du Sud au rang de sultan. Ce geste qui a été interprété comme une volonté de «réparer une injustice» a été beaucoup salué, mais également, suscité une énorme polémique.

Jusqu’ici, au Tchad, les chefs traditionnels n’avaient pas le même rang protocolaire ni le même salaire. Le pouvoir avait placé au sommet de la pyramide les sultans issus de l’espace arabo-musulman. Le gouvernement de transition vient de «réparer une injustice qui durait depuis longtemps» en élevant trois chefs traditionnels du Sud: le Gong de Léré, le Wang Doré et le Mbang de Bedaya, au même rang que les sultans.
«Par le passé, il existait des sultanats, notamment dans le Ouaddaï, dans le Kanem, mais il y avait aussi le Gong de Léré qui régnait jusqu’à la frontière du Nigeria. Ils avaient des domaines plus vastes, mais ils n’avaient pas les mêmes avantages que leurs confrères du Nord appelés sultans. Aujourd’hui, par ce décret, ces trois chefs traditionnels et coutumiers, qui sont aussi des chefs spirituels au Sud, vont bénéficier de ces avantages. En soi, c’est une très bonne chose. Ils ont réparé une situation qui était conflictuelle, une discrimination», analyse le politologue Ngarlem Toldé.
Cependant, les manifestations de joie se sont vite doublées d’une vive polémique suscitée par les termes utilisés dans le décret ministériel qui parle d’élever ces chefs traditionnels «au rang de sultan», des mots qui ont tout de suite enflammé certains, car beaucoup dénoncent une volonté d’islamiser le Sud animiste et chrétien ou encore une forme de dédain.
Un haut cadre de la Primature a tenté de calmer les esprits en regrettant «une formulation maladroite», avant de corriger que «le ministre voulait dire qu’ils sont élevés au même rang que les sultans», et en appelant à «se focaliser plutôt sur ce premier pas vers plus d’égalité et de justice au Tchad».

Gaule D’AMBERT