Bien-aimés dans le Christ,
En temps normal, les premiers jours du mois de juillet sont souvent consacrés à la clôture de l’année pastorale sur fond d’ordination presbytérale et/ou diaconale dans beaucoup de diocèses notamment ceux du Congo. Mais, depuis le mois de mars dernier, et pour cause de pandémie de Corona virus, la Covid-19, la fréquentation de lieux de culte est interdite du moins limitée à un certain nombre de personnes par les pouvoirs publics: la raison, freiner l’expansion de la maladie. Un contexte social assez inquiétant et fragile qui est le nôtre avec un horizon chargé des sombres nuages. Non seulement cette maladie, mais aussi les conséquences socio-économiques qui en découlent pour nos économies déjà moribondes au départ et bien sûr sans oublier, les autres maux (famines, paludismes, SIDA, cancer, choléra, etc) qui tuent des milliers de personnes chaque année.
Au cœur de cette crise sanitaire, nous avons, pour notre Eglise locale, quelques nouvelles, comme écrivait Albert Mianzoukouta, dans un de ses textes, la nomination de deux trois évêques (Impfondo, Kinkala et Brazzaville) et l’érection de deux archidiocèses, Owando et Pointe-Noire. C’est dans ce contexte que nous méditons la Parole de Dieu de ce dimanche qui, en fait, nous rejoint de façon spéciale.
L’évangéliste Matthieu nous dit à plusieurs reprises que Jésus est un homme de paix et de compassion, qui se sent à l’aise avec les petits, les démunis, ceux qui souffrent. Il est l’image de Dieu, son Père, qui n’est pas un Dieu sévère, lointain et froid mais un Dieu plein d’amour et de tendresse: «Le Seigneur vient vers toi: il est juste et victorieux, humble et monté sur un âne, un âne tout jeune. Il fera disparaître les chars de guerre, et de Jérusalem les chevaux de combat; il brisera l’arc de guerre, et il proclamera la paix aux nations.» (Zacharie 9, 9-10). Déjà, le prophète Isaïe avait écrit au sujet du Messie: «Voici mon serviteur, mon élu en qui je me complais. J’ai mis en lui mon esprit, il présentera aux nations le droit, il ne crie pas, il n’élève pas le ton, il ne fait pas entendre sa voix dans la rue; il ne brise pas le roseau froissé, il n’éteint pas la mèche qui faiblit…» (Is 42, 1-3). Il est «un Dieu doux et humble de cœur»… C’est la première révélation de l’évangile d’aujourd’hui. Une deuxième, tout aussi importante, est l’invitation que le Christ nous fait de partager notre fardeau: «Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi, je vous soulagerai.»
Nous savons que les lois juives étaient un joug lourd à porter. Elles comprenaient quelque 613 commandements et régulations. Pour les gens simples et surtout pour ceux et celles qui pratiquaient certains métiers, c’était impossible d’observer toutes ces lois. En conséquence, plusieurs étaient rejetés parce que considérés comme «impurs» et parce qu’incapables d’observer toutes les régulations tatillonnes: les bergers, les conducteurs d’ânes, les vendeurs itinérants, les tanneurs de peaux, les collecteurs d’impôts, sans parler des centaines de personnes expulsées de leur village parce qu’elles souffraient d’une maladie de peau. Toutes ces gens étaient privées de leurs droits civiques les plus élémentaires. Ils ne pouvaient être témoins dans un procès, ne pouvaient entrer dans une synagogue et participer à la vie communautaire du village. Jésus veut bien observer la loi, mais il refuse d’en faire un lourd fardeau et une cause de discrimination et d’injustice. Pour lui, la loi doit être un élément de libération et de justice: «Mon joug est facile à porter, et mon fardeau léger».
Dans les actes des apôtres, saint Pierre et saint Paul refusent eux aussi d’imposer aux non-Juifs des règles trop rigides: «Ce serait leur imposer un joug insupportable que de les obliger à suivre toutes les lois de Moïse. Pourquoi voulez-vous leur imposer un joug que ni nos pères ni nous-mêmes n’avons eu la force de porter?» (Actes 15, 10) Comme Jésus, Pierre et Paul ne veulent pas assujettir les gens à des lois qu’ils ne pourraient supporter. Souvent, à travers les siècles, l’Église a oublié cette sagesse évangélique. Jésus accusait les prêtres, les pharisiens et les scribes, c’est-à-dire l’Eglise de son temps, d’imposer aux gens des fardeaux qu’eux-mêmes refusaient de porter: «Les scribes et les pharisiens siègent dans la chaire de Moïse: faites donc et observez ce qu’ils vous disent, mais ne vous réglez pas sur leurs actes, car ils disent et ne font pas. Ils lient de pesants fardeaux et les mettent sur les épaules des autres alors qu’eux-mêmes se refusent à les remuer du doigt» (Mt 23, 2-4).
Jésus offre aujourd’hui de partager nos fardeaux: maladies, infirmités, vieillesse, pauvreté, échecs, solitude, violences politiques, tribalisme et clientélisme… Ils sont moins lourds à porter lorsque le Christ les porte avec nous. Notre Dieu est un Dieu «doux et humble de cœur», un Dieu «qui veut partager le poids de notre fardeau quotidien». Jésus est venu pour redonner à la religion son rôle de soutien et de libération. C’est la bonne nouvelle de ce dimanche.

Saturnin Cloud BITEMO, SJ