«Trouver un trésor», voilà une parole qui peut éveiller notre imagination. En ce temps de grande épreuve, la sauvegarde de notre santé paraît comme notre trésor ou bien la quête des moyens de subsistance nous permettrait ou nous donnerait la possibilité de vivre, soit disant heureux, de longs jours et libre de tout souci matériel. Mais ce terme de trésor garde-t-il pour nous de toute cette saveur si, comme nous l’invite l’Evangile, nous l’identifions avec le royaume des cieux?
L’Evangile de ce jour nous parle de la valeur du royaume des cieux, avec trois comparaisons, Jésus essaie de nous faire comprendre quel trésor nous avons découvert en le reconnaissant comme notre Sauveur et en accueillant sa Bonne Nouvelle. Le royaume des cieux est comparable à un trésor caché, à une perle fine, au résultat d’une pêche fructueuse. Tel un trésor enfoui dans un champ, le royaume des cieux nécessite qu’on le cherche, que l’on remue ciel et terre pour le trouver, c’est-à-dire faire preuve de foi. Telle la perle fine, longtemps désirée par le marchand, le royaume des cieux nous demande de savoir attendre avec patience, c’est-à-dire d’espérer. Telle la pêche fructueuse, le royaume des cieux rassemble tous les hommes dans leur diversité, mais malheureusement, tous ne sont pas accordés avec les valeurs du royaume. Les deux premières paraboles montrent que face aux réalités de l’Evangile, l’homme doit savoir faire un choix, sinon, comme l’illustre la troisième parabole, c’est Dieu qui fera le choix.
C’est l’expérience que fit Salomon dans la première lecture du livre des Rois que nous lisons ce dimanche. Le roi, fraîchement couronné, s’est rendu en pèlerinage au sanctuaire de Gabaon, à quelques kilomètres de Jérusalem, pour y offrir un sacrifice (mille animaux, précise le texte); et là, il prononce la fameuse prière qui est restée dans la mémoire d’Israël comme un modèle. Mais, pour comprendre les enjeux de ce texte, il faut en relire le contexte: car à ne lire que ces seules lignes, on risquerait d’orner Salomon de toutes les qualités (Marie-Noël Tabut)! La réalité est moins flatteuse: son accession au trône avait été émaillée de péripéties peu vertueuses, intrigues politiques et assassinats compris.
Trois frères aînés au moins briguaient la place, car David avait plusieurs autres fils (nés de mères différentes) plus âgés que Salomon; ses chances de parvenir au trône étaient donc des plus minimes. Les luttes fratricides des aînés se chargèrent de déblayer le terrain (1er livre des Rois) et sa mère, Bethsabée, fit le reste: au moment où Adonias, le survivant des trois aînés, savourait déjà sa victoire, elle s’arrangea pour le griller de vitesse. Salomon fut sacré en grande précipitation à la source de Gihôn. Et le peuple, prêt à tout, acclama ce nouveau roi, comme il aurait acclamé l’autre. Salomon était parvenu à ses fins, il était sur le trône. Il ne restait plus qu’à liquider les opposants, ce qu’il fit sans tarder. Ce n’était donc pas apparemment un grand saint qui se présentait devant Dieu! Et si sa sagesse est proverbiale, on voit qu’elle ne lui est pas venue tout de suite! Elle fut pour lui un don de Dieu. Salomon savait que, maintenant, il fallait régner, ce qui était bien difficile, et c’est là qu’il fit preuve d’un commencement de sagesse et de lucidité. Car ce jeune roi, et c’est là tout son mérite, avait compris au moins une chose, c’est que la sagesse est le bien le plus précieux du monde et que Dieu seul détient les clés de la vraie sagesse.
Ainsi la prière de Salomon au sanctuaire de Gabaon est un modèle d’humilité et de confiance: «Je suis un tout jeune homme, incapable de se diriger. Donne à ton serviteur un cœur attentif pour qu’il sache gouverner ton peuple et discerner le bien et le mal; comment sans cela gouverner ton peuple qui est si important?»
La deuxième leçon de ce passage concerne les rois d’abord mais aussi tous les détenteurs d’un pouvoir, quel qu’il soit: ce qui est remarquable dans la prière de Salomon, c’est que sa demande vise exclusivement le service du peuple. Il ne demande rien pour lui-même personnellement, il demande seulement les capacités nécessaires pour exercer la mission que Dieu lui a confiée. Le jeune roi prouve ici qu’il a parfaitement intégré l’idéal monarchique prescrit par Dieu à David (par l’intermédiaire du prophète Nathan): en Israël, dès le tout début de la royauté, les prophètes les uns après les autres rappellent à tous les rois qu’ils ne doivent avoir qu’un souci en tête, à savoir le bonheur et la sécurité du peuple qui leur est confié.
La réponse de Dieu insiste sur ce désintéressement tout à fait remarquable de la prière de Salomon: «Puisque tu ne m’as demandé ni de longs jours, ni la richesse, ni la mort de tes ennemis mais puisque tu as demandé le discernement, l’art d’être attentif et de gouverner, je fais ce que tu as demandé: je te donne un cœur intelligent et sage, tel que personne n’en a eu avant toi et que personne n’en aura après toi.» Voilà qui dépasse toutes les espérances du jeune roi. Et Dieu ne s’arrête pas là: la liturgie, malheureusement, ne nous fait pas entendre la suite qui est pourtant une bien belle leçon sur la générosité de Dieu: «Et même ce que tu n’as pas demandé, je te le donne: et la richesse et la gloire, de telle sorte que durant toute ta vie il n’y aura personne comme toi parmi les rois.»
Belle révélation pour nous: ce n’était pas un grand saint qui se présentait devant Dieu, mais parce qu’il a prié humblement, il a été comblé; enfin et surtout, nous découvrons une fois de plus, grâce à Salomon, que Dieu continue à donner et pardonner quel que soit notre passé, si peu vertueux soit-il.
Saturnin Cloud BITEMO, SJ