Sous nos yeux, une guerre vient d’éclater. Déclenchée par le président russe Vladimir Poutine, elle se déroule devant nos regards médusés et pourrait, préviennent les analystes, se muer en conflagration mondiale. Cette guerre est une vraie guerre, pas une simple parodie de violences, un simple déploiement d’armements factices sophistiqués: la guerre d’Ukraine, pour incongrue qu’elle soit, est bien une guerre de haine, de violences et de sang.
Elle produit chaque jour son nombre de morts violentes, ses drames, comme dans toute guerre, ses déchirements au propre comme au figuré : une guerre ! Nous nous posons encore la question de la cause sérieuse qui a suscité une telle irruption de violences, un tel déploiement de matériels guerriers et de distribution de la mort. Nous entendons les justifications, mais nous ne comprenons pas. De nos salons, nous voyons les volutes de fumées produites par les explosions des fameux missiles «Grad» sur Kiev et Marioupol.
Le spectacle est assuré, mais il appelle à quelques remarques qui nous touchent en premier :
– D’abord, nous ne connaissions pas assez la Russie, pays auquel nous attache pourtant une histoire qui a eu ses heures de gloire. La Russie atavique que nous découvrons au travers des revendications de M. Poutine semble brutalement différente de celle que nous nous étions habitués à côtoyer depuis les années 1960.
– Ensuite, la guerre qui se déroule actuellement ne donne aucune assurance de vérité. Chacune des déclarations faites à Moscou, chacune des assurances données pour aller vers la paix s’est révélée fausse. «Il n’y aura pas de guerre», la guerre a eu lieu. «Pas de tirs sur des civils», les immeubles d’habitation s’écroulent par dizaines.
– Guerre mondiale, oui. Sur les quais d’Ukraine et sur les gares routières de Russie, des pauvres hères bravent le froid en quête de voie de fuite, il y a parmi ces désespérés des centaines de Congolais et d’Africains. Hier, ils étaient attirés à Moscou et à Kiev par un élan positif d’entraide, que nous nommions internationalisme prolétarien, et pour lequel des Russes et des Ukrainiens sont venus mourir dans nos pays pour nos indépendances. Aujourd’hui, même une Nigériane et son bébé ne sont pas autorisés à s’asseoir dans un bus !
– Guerre mondiale aussi pour les effets que ce conflit va générer en Afrique. Les deux belligérants sont de gros producteurs de pétrole et de blé. Nos assiettes vont bientôt tanguer au gré des tirs d’Orgues de Staline sur les berges du Dniepr. Nous ne l’avons pas choisi.
– Enfin, cette guerre est aussi l’occasion de nous poser des questions sur cet air d’anticolonialisme qui commençait à swinguer à Bangui et à Bamako. Nos descentes dans la rue au cri de «les colons dehors !», pourraient se transformer bien vite en un monde où dire n’engage à rien, et où les attachements n’ont que la durée de l’illusion du changement.
Le Congo tarde à donner sa position sur cette guerre. Sympathique ou pas l’Ukraine, pourtant, mérite qu’on la soutienne aussi comme victime d’une agression.

Albert S. MIANZOUKOUTA