La première écrivaine congolaise continue de parler et d’écrire pour son pays, comme dans cette interview qu’elle nous a accordée. Elle y exprime sa passion pour sa patrie et le sens de sa vocation de femme de lettres.

*Qu’est-ce qui fait votre actualité en ce moment?

**Mon actualité littéraire est un rêve devenu réalité qui se nomme ‘’Le monde vert l’humain et la planète terre’’, une anthologie à plusieurs mains, publiée aux Éditions Berkiab à Montréal depuis le 8 août 2022. Cette anthologie met l’accent sur la nature. Des poètes, des nouvellistes, des essayistes, des conteurs ont raconté à leur manière, l’importance de bien gérer la planète terre pour le vivre-ensemble de paix et d’unité.

*Pouvez-vous nous parler succinctement de vos différentes publications?

**Mes publications sont toujours poésie: c’est ce genre qui m’habite le plus profondément!
Tout grouille dans ma poésie: le soleil, le vent, la vie, la forêt, l’eau, l’homme, l’enfant, la femme, le monde. La nouvelle, le conte, le théâtre et le roman ont pris le train en marche. Aujourd’hui le Canada me donne l’opportunité de publier théâtre et roman, d’explorer le monde de l’écriture des bandes dessinées et des scénarios pour le cinéma.

*Vous êtes la pionnière des écrivaines congolaises, comment appréciez-vous la situation actuelle de la littérature congolaise?

**Belle question! Je crois que c’est le poète Antonio Machado qui disait:
«Marcheur, il n’y a pas de chemin,
Le chemin se crée en marchant…»
Mais nous, écrivains congolais, nous avions eu le bonheur de voir que Jean Malonga nous a défrichés et tracés un chemin avec son roman ‘’Cœur d’Aryenne’’. Ce chemin tout tracé continue de brûler comme un feu de brousse ou de chanter comme un arc musical. Il n’est pas prêt à s’éteindre, il ne cesse de s’étendre telle une lave qui n’a pas besoin de décret pour exister. Elle descend de l’intelligence intérieure et s’engouffre dans les reins de l’océan comme un bateau ivre, larguant toutes ses voiles aux vents pour proclamer sa folie dans les mots et les maux. Vous avez entendu parler de ‘’Poèmes de la mer’’, ‘’Prière d’être enterré à Mandou’’, ‘’Primitives’’, ‘’L’affaire du silure’’, ‘’Verre cassé’’, ‘’La vie et demie’’, ‘’Photo de groupe au bord du fleuve’’ et bien d’autres, n’est-ce pas?
Le feu est toujours là!
Écrire est une douce folie qui ne cesse de surprendre, qu’aucun insensé ne peut ni freiner ni suspendre. Elle voyage sur la crête des mots, indépendante, riche et prospère. Elle est intelligente, éclatante, portant ses gerbes nationales et internationales. Ses distinctions. Présentant ses lettres de noblesse au monde. Comme disait Sony, les écrivains sont porteurs de liberté. Elle n’est plus confisquée comme dans La palabre stérile coloniale, mais elle devient Palabres-Poèmes pour L’Homme Adépendant qui veut sa dignité, ses droits, pas plus, pas moins.
Et les écrivaines congolaises ont compris que le chemin a déjà été défriché, elles n’ont plus qu’à continuer à apporter leurs contributions. Et elles le font bien: leur anthologie de nouvelles ‘’Sirène des sables’’ témoigne de leur complicité créative. J’aime l’audace des femmes: elles se lancent dans la saga et je citerai Aurore Costa et Danièle Bineka Lissouba pour cela. Elles écrivent des polars comme Marie-Françoise Ibovi. Elles vont à l’assaut du monde de l’édition, comme Virginie Mouanda. Comme Germaine Ololo ou Huguette Nganga Massanga; elles créent des espaces de culture. Le monde de l’entreprenariat culturel et artistique n’a plus de secret pour elles. Qui l’eût cru!? Elles ne craignent plus de biner ou de sarcler tous les autres genres: roman, nouvelle, théâtre, poésie, conte, essai, critique et j’aime cette belle floraison sur le marché ivre du livre de leur part. C’est simplement génial.

*62 ans déjà que le Congo-Brazzaville est indépendant, pensez-vous que cette indépendance est chose acquise? Et quel est l’apport des écrivains et d’autres artistes pour que le Congo-Brazzaville demeure une nation unie et forte, attractive et rayonnante parmi les autres pays?

**Un pays, c’est comme un enfant que Dieu donne à chaque peuple. Le peuple l’aime, le nourrit, le chérit. En prendre soin est primordial. Il grandit au creux des joies et de la fournaise de la vie, dans toute sa complexité pour un avenir de liberté et de fierté, pas à pas, soutenu par le peuple à l’ouvrage. Il poursuit un idéal de paix et d’unité que les écrivains et autres artistes ont compris et soulignent dans leurs productions littéraires et artistiques. Il y a une anthologie de poésie qui le résume parfaitement ‘’Congo rêve solidaire Ce que dit la vision des poètes’’, une anthologie publiée aux Éditions + par les poètes Jean-Blaise Bilombo Samba et Huppert Malanda. Je citerai le préfacier Boniface Mongo Mboussa qui résume très bien votre question, en effet, il dit: «…cette anthologie est, à l’instar de la célèbre chanson de Jacques Loubelo ‘’Congo’’, un plaidoyer pour un Congo fraternel et prospère.»

*Un dernier mot?

**Une publication à paraître ‘’Guy Menga Chantre de la parole’’, une monographie sur Guy Menga pour le plaisir de tous les fans, critiques, journalistes et curieux qui adorent la littérature congolaise, en général, et l’œuvre de Guy Menga, en particulier. J’ai aimé écrire ce livre pour attester que mes ‘’Yayas’’, exilés ou pas, dans la création littéraire sont comme des raisins qui explosent au chaud soleil de l’été: inoubliables, inégalables, incontournables, magnifiques.
Le flambeau doit continuer à émettre sa flamme pour une espérance toujours plus éclatante malgré les aspérités de la vie! Que le Congo chante et se réjouisse de sa création littéraire et artistique. Que le Congo la célèbre et la partage aux quatre coins de ses 342.000 kilomètres carrés et au reste du monde…

Propos recueillis par
Aubin BANZOUZI