La chose encore difficile à débrouiller chez nous est l’indépendance, tant moult événements engagés par Charles de Gaulle nous ont fourvoyés. Le dictionnaire Robert définit ce concept comme s’affranchir, donc en finir avec une situation d’esclavage et la colonisation en était une ; c’est l’état d’une personne qui subvient à ses besoins et ne dépend de personne. L’indépendance signifie souveraineté, se séparer de l’ancienne puissance, exerçant autorité sur un autre. Quand Charles de Gaulle parlait d’indépendance nationale pour la France, ce concept dense de sens n’avait rien avoir avec les accords signés par le Président Youlou et le secrétaire d’Etat français Jean Foyer le 15 août 1960. Ces accords reprenant les termes du discours du général de Gaulle le 24 août 1958 au stade Eboué, quand il définit la nature de la communauté franco-africaine.

La perpétuelle politique du bluff

On rappelle à satiété que la conférence dite de Brazzaville du 30 janvier au 8 février 1944 fut le point de départ de l’indépendance des colonies de l’empire français ; ce qui est complétement faux. A l’ouverture de la conférence, qui réunit les gouverneurs et fonctionnaires français, Charles de Gaulle déclara : «Il n’y aurait aucun progrès qui soit progrès si les hommes sur leur terre natale n’en profitaient pas moralement et matériellement, ne pouvaient s’élever peu à peu, jusqu’au moment où ils seraient capables de participer chez eux à la gestion de leurs propres affaires, c’est le devoir de la France de faire de telle sorte qu’il en soit ainsi», belles phrases ! laissant entendre autonomie des colonies.
Mais, la conclusion de la conférence fut décevante sur l’avenir des colonies «Les fins de l’œuvre de civilisation accomplie par la France écartent toute idée d’autonomie, toute possibilité d’évolution hors du bloc français de l’empire. La constitution éventuelle, même lointaine, de self goverment dans les colonies est à écarter». On pensait voir récompensé l’engagement des Africains dans la Seconde guerre mondiale pour libérer la France, mais le gouverneur Latrille réagit cyniquement : «On n’avait ni contreparties financières, ni contreparties en marchandises à donner à ces populations, mais la contrainte». Peu importe les diamants, l’or, le coton, le caoutchouc, les amendes d’huile de palme ou la mort des milliers de colonisés sur les champs de bataille ! La triste réalité, c’est qu’on propage l’idée, même de nos jours, que cette conférence donna le signal à la décolonisation, ce fut plutôt Gaston Deferre en 1956 qui changea les choses et non pas Charles de Gaulle.

Que se passa-t-il en 1958 ?

Charles de Gaulle revenu aux affaires par des procédés putschistes vint à Brazzaville, et le 24 août 1958, au stade Eboué esquissa les grandes lignes de sa politique : l’introduction d’une nouvelle constitution et d’un nouveau statut des colonies. Dans son discours de Gaulle évoqua la communauté: «On mettrait tout ensemble: les ressources stratégiques, la formation des cadres, toute action devait être du ressort de la France, tout serait cédé à la France. Le 28 septembre 1958, les populations devaient répondre par OUI ou NON à la suite du référendum : la communauté ou l’indépendance, qui signifiait le choix pour la communauté, et NON ce serait l’indépendance ou la sécession. Les Congolais eurent peur de l’indépendance et votèrent à 99 % OUI. Les NON enregistrèrent 2181 voix contre 339.436 OUI, sauf le Gabon qui fit le meilleur score de NON en AEF 15.229. Léon Mba, Premier ministre réclamait un Etat autonome pour le Gabon fédéré à la France, la départementalisation. Cette option ne fut pas celle de Charles de Gaulle, le gouverneur San-Marco transmit le voeu de Léon Mba, un point c’est tout.

Que signifie la sécession ?
En Afrique deux zones de tempête s’embrasaient : l’Algérie et le Cameroun. En Algérie, la lutte armée était menée par le FNL depuis 1954 pour bouter les Français hors de leur pays. Au Cameroun, l’Union des populations du Cameroun (UPC), par le maquis, tenait la dragée haute à l’armée française. Cette dernière tua Ruben UM Nyobé dans la Sanaga maritime en octobre 1958, et décapita le mouvement révolutionnaire.
Il est absurde de parler de pères de l’indépendance du Congo quand les trois leaders politiques Tchicaya, Opangault et Youlou menèrent campagne pour le OUI, donc refusèrent l’indépendance. Tout cela fait partie des mensonges pour abuser la jeunesse. Seule une organisation politique de gauche, l’Union de la jeunesse congolaise (UJC) avec le syndicat CGTA avaient applaudi au stade Eboué quand de Gaulle évoqua l’indépendance. Même Lazare Matsocota, dirigeant de la FEANF au bar Faignond appela à voter NON, et fut déçu, les Congolais savaient que leurs compatriotes dans l’armée française se battaient en Algérie et au Cameroun contre les Algériens et les Camerounais.

Les 14 et 15 août 1960
Les accords signés avec la France concédaient l’exploitation des richesses congolaises à la seule France, comme la formation des militaires et l’acquisition des équipements et la monnaie. Dans la nuit du 14 au 15 août, à la cérémonie de retrait du drapeau français pour hisser à la place celui de la République du Congo, Youlou refusa qu’on retirât le drapeau français. «Il ne faut pas séparer la mère de son enfant». Dans la nuit, les militaires français retirèrent le drapeau français pour laisser flotter le drapeau congolais. Léon Mba sur le perron de l’Elysée ne déclarait-il pas sans sourciller «tout Gabonais a deux patries, la France et la Gabon». Pierre Guillaumat premier dirigeant de la société ELF confiait dans une interview dans le Nouvel Observateur en 1973 que «l’indépendance énergétique de la France était garantie par la disponibilité des ressources des mines dans les colonies de l’ancien empire. C’était le projet de Charles de Gaulle». Charles de Gaulle embraya les Etats africains, dont le Congo dans le néo-colonialisme. Les Congolais sont fiers d’être francophones tandis que les français se disent français. Les autorités congolaises ont accordé des avantages exorbitants à Air France qui réalise son grand trafic aérien au Congo et vend les billets les plus chers du monde (12 vols par semaine). Quelle indépendance avons-nous acquise? Celle de continuer à sauvegarder les intérêts français au détriment de ceux des Congolais? L’indépendance du Congo est encore à conquérir les devises qui nous parviennent de nos exportations sont gardées à la Banque de France qui nous fournit du FCFA, lequel ne nous permet même pas d’acheter une baguette de pain à Paris parce que le FCFA n’est pas une devise, c’est du papier «Pamba Pamba». Nous avons fait confiance à Charles de Gaulle qui nous a roulés dans la farine avec la complicité de nos propres autorités nationales.

Quelle est cette indépendance octroyée en 1960 par le pouvoir gaullien ?

Le pays marche la tête dans un sac et des enfants éclairés avec tristesse assistent au spectacle des requins venus des mers pour le déchirer à belles dents. Nous sommes encore dépendants sous le régime néocolonial en vérité !