Votre journal, septuagénaire depuis le 4 septembre dernier, célèbre son jubilé de platine du 14 au 16 octobre 2022. Il a été créé en 1952 à Brazzaville par Père Jean Legall, missionnaire spiritain français décédé le 13 mars 2015 à Paris à l’âge de 95 ans. C’est le plus vieux journal de la sous-région d’Afrique centrale. Il a une histoire assez mouvementée.

C’est avec une messe d’action de grâce présidée par l’Archevêque de Brazzaville, dimanche 16 octobre 2022 en la basilique Sainte Anne du Congo, qui abrita les premiers locaux de ce journal, que les manifestations marquant les 70 ans de La Semaine Africaine prendront fin.
La première journée de célébration sera marquée par une conférence-débat, vendredi 14 octobre 2022 à l’IFC (Institut français du Congo), où cinq acteurs évoqueront sous différents aspects l’histoire de La Semaine Africaine: «Repères biographiques» (Bernard Mackiza, premier directeur laïc de La Semaine Africaine), «De La Semaine de l’AEF à La Semaine Africaine : quel bilan» (Idriss Bossoto, Universitaire), «Apport de La Semaine Africaine dans la vie politique nationale» (Lecas Atondi Monmondjo, Universitaire), «70 ans de La Semaine Africaine, en marche vers le numérique» (Albert S. Mianzoukouta, directeur actuel de La Semaine Africaine), «Vision de la Conférence épiscopale du Congo : les perspectives» (Mgr Bienvenu Manamika, président de la Conférence épiscopale du Congo), autant d’occasions pour les lecteurs de mieux connaître leur journal.
Samedi 15 octobre, une exposition des ‘’Une’’ et des photos ayant marqué l’histoire du journal est prévue au siège du journal.

Le siège du journal, un don de la Caritas allemande Misereor
Le siège du journal, un don de la Caritas allemande Misereor

Naissance

La Semaine Africaine est née sur les cendres de «Brazzaville», un petit journal créé également par Père Legall en 1950, qu’il insérait dans le magazine français «La Vie catholique» et faisait paraitre deux fois par mois. A l’époque, le nouveau journal, tiré à 10.000 et 12.000 exemplaires, est diffusé dans toute l’Afrique équatoriale française, c’est-à-dire non seulement au Congo, mais aussi au Gabon, en Oubangui-Chari, au Tchad. Ce n’est pas un journal religieux qu’il venait de créer mais plutôt un journal d’information générale et d’action sociale.

Intimidation, censure, torture, prison, procès

Le journal souffre terriblement de l’incompréhension de l’administration coloniale. Surtout pour ses prises de positions sur des sujets particulièrement brûlants. «Lorsqu’il s’investi par exemple dans la lutte sociale, aux côtés des ouvriers, le Gouvernement l’expulse de l’Imprimerie officielle de l’AEF. Il sera imprimé pendant une certaine période à Léopoldville. Avec le monopartisme, l’horizon s’assombrit encore. Des journaux censurés et saisis se retrouvent un soir entre les mains des hommes politiques et des agents de sécurité. D’autres partent en fumée. Nous n’avions plus que nos yeux pour pleurer», témoignera Fulbert Kimina-Makumbu ‘’Pilote’’, un des pionniers du Journal.
En 1964, le père Legall (il arborait le pseudonyme de Jean Pierre Essah) est obligé de quitter le Congo parce qu’un gouvernement marxiste venait d’y prendre le pouvoir. L’abbé Louis Badila qui succède à la tête du journal à Mgr Raymond de La Moureyre (directeur de 1956 à 1959) est plusieurs fois arrêté, jeté en prison et torturé. Mais les laïcs qui prennent ensuite le relais continuent le travail, avec mille et une difficultés. Le journal subit le régime de censure pendant plusieurs années. Ce, jusqu’à la chute des régimes communistes dans le monde. En octobre 1980, pour le Centenaire de Brazzaville, un article sur le Pont du Centenaire conduit à la Sécurité d’Etat Bernard Mackiza (directeur) et Albert S. Mianzoukouta (rédacteur en chef). Pour n’être relâchés que 17 jours plus tard. Sans inculpation.
Le nom du journal a connu des changements: ‘’La Semaine de l’AEF’’ (4 septembre 1952), ‘’La Semaine de l’AEF’’, avec la carte de l’AEF (8 septembre 1957), ‘’La Semaine Africaine’’ (Janvier 1959), ‘’La Semaine’’ (27 décembre 1964), ‘’La Semaine Africaine’’, avec la carte de l’Afrique jusqu’aujourd’hui (Janvier 1978). Bimensuel à la création, puis hebdomadaire paraissant le jeudi, pendant de nombreuses années, le journal redevient: bi-hebdomadaire en 2015.
Le caractère généraliste (il traite de tous les domaines: politique, économique, social, culturel, sportif, etc.) n’a pas supprimé le fondement catholique du journal. «C’est un journal d’engagement que son fondateur a voulu mettre au service du développement social en Afrique». N’appartient-il pas, depuis, à la Conférence épiscopale du Congo ?
Le succès du journal est essentiellement dû au travail de son personnel et à ses valeurs: respect de la dignité de l’homme, c’est-à-dire les valeurs chrétiennes indispensables à la pacification de la société, comme l’affirmait l’Abbé Louis Badila (directeur de 1963 à 1966), et défense de la démocratie.
Durant ces 70 années de publication, treize directeurs se sont succédé. Le souci majeur du journal est celui des moyens financiers pour faire face aux grands défis qu’imposent aujourd’hui les technologies de l’information : le passage au numérique. Pour, entre autres, sauvegarder ce patrimoine irremplaçable dans l’intérêt de l’histoire du Congo. Car La Semaine Africaine demeure l’un des grands témoins de l’histoire de ce pays.

Jean ZENGABIO