Dans une interview, Bienvenu Ntsouanva, directeur général de l’agriculture sortant parle du développement de ce secteur au Congo en rappelant les salons de l’alimentation dans les départements. Aussi, la pandémie du COVID-19 a eu un impact néfaste sur les systèmes agroalimentaires.

* Autrefois il existait des salons de l’alimentation pour créer l’émulation dans les départements, que sont-ils devenus?
** Le rythme imprimé par le ministre d’Etat, Henri Djombo, ministre de l’Agriculture, de l’élevage et de la pêche, depuis son arrivée à la tête de ce département est de redonner de la splendeur à toutes les activités foraines qui ont fait la fierté de notre agriculture. Ainsi, il a mis en place des équipes pour travailler dans ce sens depuis 2018. Malheureusement, à chaque fois on se heurte aux contraintes budgétaires, qui ne permettent pas d’organiser une activité grandeur nature. C’est pour cette raison que, le 16 octobre de chaque année, on se résout à des expositions limitées au cours des Journées mondiales de l’alimentation (JMA). Un point positif dans cette dynamique est l’institutionnalisation des Salons et des Comices dans la loi portant orientation des activités agricoles, qui est actuellement en cours d’examen au niveau des différentes institutions compétentes.

* Est-ce qu’on peut développer l’agriculture à base de projets?
** Les projets sont des appuis ponctuels, qui ont vocation à résoudre un problème particulier, sinon quelques problèmes. En plus, ils sont limités dans l’espace, dans le temps, dans leur envergure financière et dans leurs segments fonctionnels, alors que le développement de l’agriculture doit se concevoir dans le long terme et suivant une approche holistique. En effet, les deux tiers des problèmes qui entravent le développement de l’agriculture au Congo sont souvent non agricoles. Une planification verticale fortement intégrée permettant de lever les goulots d’étranglement est essentielle. Malheureusement, il est à constater que souvent les projets ont des approches qui ne s’alignent que très peu sur les priorités nationales de développement de l’agriculture. Ceci pose le problème de l’appropriation et de la durabilité des effets de la plupart des projets mis en œuvre, qui sont souvent assimilés à des «feux de paille», tant leurs effets sont fugaces. Parfois, il arrive que le critère de performance des projets mis en exergue par les bailleurs soit la seule consommation du budget.

* Qu’est-ce que le ministère de l’Agriculture a tiré des conclusions du Conseil national de l’agriculture de 1987?
** Le premier Conseil national de l’agriculture (CNA) s’est tenu du 13 au 16 novembre 1987 et a été précédé de la tenue des conseils régionaux du 1er au 5 novembre 1987. Il se tient, donc, l’année d’après la clôture du Plan quinquennal 1982-1986. Le CNA est un organe consultatif, chargé de formuler des avis et des recommandations sur la politique générale en matière d’agriculture. Il a eu le mérite de faire le bilan de la mise en œuvre de la politique agricole et de mettre sur la table les questions qui minent le développement agricole de notre pays. Quant à l’effectivité de la mise en œuvre des recommandations issues de ce Conseil, il y avait les points suivants: la protection de la production nationale et du marché national; le renforcement de la coopération sous-régionale en matière de pêche entre les pays côtiers et notamment du Golfe de Guinée; le développement de la pêche maritime artisanale et de l’aquaculture lagunaire; l’autosuffisance alimentaire de l’Armée populaire nationale (APN); la création d’un système de protection sociale des paysans et des invalides du secteur agricole; la création d’une institution financière spécialisée pour le financement de l’agriculture; la mobilisation des moyens à mettre en œuvre pour une commercialisation efficace; l’allègement des taxes douanières et autres à l’importation pour les équipements agricoles et les intrants; la protection spéciale des zones maraîchères et ceintures vertes autour de grands centres urbains; l’intéressement des jeunes sans emploi à l’agriculture…
Un élément à prendre en ligne de compte dans l’analyse du suivi de la mise en œuvre des recommandations du CNA est l’avènement du multipartisme en 1990, qui a marqué une rupture avec la période du parti unique. Même le décret instituant le CNA a été rangé dans les oubliettes.

* En votre qualité de secrétaire rapporteur du Comité national de gestion des pesticides, quel est le travail amorcé pour le choix des pesticides à utiliser dans l’agriculture au Congo?
** Le Comité national de gestion des pesticides (CNGP) a été créé par le décret n°2010-694 du 4 novembre 2010, en application des règlements du Comité inter-Etats des pesticides en Afrique centrale (CPAC), institution sous-régionale chargée de réguler la circulation des pesticides.
Depuis sa création, le CNGP n’a jamais joué son rôle, au grand dam des utilisateurs et des consommateurs, qui payent le prix fort de la circulation des pesticides obsolètes et des préparations pesticides extrêmement dangereuses (PPED). L’évaluation faite au Congo a révélé aussi bien la présence dans le circuit marchand de ces produits dangereux que des stocks abandonnés des produits retirés de la vente. Les défis de l’opérationnalisation du CNGP, réside dans le contrôle des pesticides, afin de ne laisser circuler que ceux qui sont homologués dans l’espace sous-régional; la formation des inspecteurs phytosanitaires et des cadres nationaux dans les procédures d’homologation des pesticides; la sensibilisation de toutes les parties prenantes concernées par la question des pesticides; la destruction des stocks des produits obsolètes; la gestion sécurisée des containers.
Le CNGP est le seul organe compétent en la matière, pour être en phase avec la réglementation sous-régionale.

* Comme dans d’autres secteurs, la pandémie de la COVID-19 a eu un impact sur le secteur agricole, comment se traduit-il?
** La pandémie du COVID-19 a eu un impact très néfaste sur les systèmes agroalimentaires. Car les chaînes d’approvisionnement étant rudimentaires, absence des structures de conservation et de stockage, les produits périssables ont subi les aléas du confinement.
Malgré le fait que le Gouvernement a ciblé l’agriculture comme service essentiel et indispensable et l’intervention de nos services déconcentrés, des entraves à la circulation des producteurs et des intrants agricoles ont été légion, particulièrement à Pointe-Noire, Dolisie et Brazzaville. Ainsi, des pertes ont été enregistrées à la ferme par manque d’entretien et pendant le transport. Des perturbations d’approvisionnement d’intrants ont été également constatées.
Grâce aux mesures prises par le ministre par lesquelles il a incité les producteurs à maintenir l’élan de production dans le respect des mesures barrières, une crise alimentaire a été évitée au Congo. Car les produits de base, foufou, chikwangue, saka-saka, légumes, fruits, etc. n’ont pas manqué sur le marché en dépit du manque de transport urbain dans les grandes villes. Le schéma opérationnel a été déjà mis en place. En attendant, une action d’envergure avec l’appui des Partenaires techniques et financiers (PTF), la distribution des intrants agricoles (semences et engrais) et des équipements de traitement (pulvérisateurs) a été amorcée auprès de certains maraîchers de Brazzaville et de l’intérieur du pays.

* A quand la mécanisation de l’agriculture au Congo?
** La mécanisation de l’agriculture ne se décrète pas, mais se vit. L’expérience des centres d’exploitation des machines agricoles (CEMA) par l’Etat, nous révèle l’immensité des attentes des producteurs dans le domaine de la mécanisation. Les machines agricoles sont entrées dans les usages agricoles, car elles ont la vertu de réduire la pénibilité du travail agricole et d’attirer les jeunes. Malheureusement, l’offre en machines agricoles est toujours en deçà de la demande. Les CEMA, minés par l’arrêt des subventions de l’Etat, l’amortissement du matériel technique et les problèmes de gouvernance, sont en train d’être réorientés. Le privé, tant national qu’international, a manifesté de bonnes dispositions à accompagner cet élan de mécanisation du Gouvernement. La présence d’une chaîne de montage des tracteurs est à encourager pour réduire les coûts d’acquisition des machines et équipements agricoles.
Dans le Plan national de développement agricole, il est inscrit une ligne de 27 milliards de FCFA sous forme de crédit équipement, afin de favoriser la mécanisation. A côté de la grande mécanisation, la petite mécanisation est également nécessaire, avec des équipements manuels de type semoirs, sarclo-binettes, récolteuses, etc.

Propos recueillis par
Aybienevie
N’KOUKA-KOUDISSA