Dans les marchés, les bus ou les places publiques, on a, abondamment, commenté le discours d’investiture du Président de la République, prononcé le vendredi 16 avril dernier, lors de sa prestation de serment. Beaucoup de Congolais trouvent que le Président de la République continue de faire des promesses. Là où ils attendent plutôt des actions concrètes qui vont dans le sens de l’amélioration de leur vie quotidienne, comme promis dans son projet de société: «la marche vers le développement: ensemble, allons plus loin».

«La Nouvelle espérance»

Pour son élection, en mars 2002, Denis Sassou-Nguesso avait concocté un projet de société mirobolant, appelé la «Nouvelle espérance», promettant de créer 40000 emplois, chaque année, par exemple.
Les emplois promis, n’ont jamais été concrétisés, et restent une chimère devant les attentes. Les jeunes se bousculent à la porte de la Fonction publique, déjà encombrée de dossiers. Peu de prestataires évoluant dans les différents services publics, aussi bien dans le secteur de la santé que de l’éducation depuis parfois plus de 10 ans pour certains, intègrent le fichier de la Fonction publique. «A la place, ce sont les parents, les copines et les enfants qui sont recrutés». On est même arrivé à la vente des emplois de fonctionnaires. Toute la question est là, au moment où l’on parle de transparence et de bonne gouvernance.
On connait bien la situation des finalistes des écoles de formation qui réclament leur intégration à la Fonction publique devant le ministère au rythme de tambours et de casseroles. Les enseignants appelés et volontaires qui réclament la régularisation de leur situation administrative ou leur intégration, en sont à une attente vaine.
Au ministère de la Communication, les décisionnaires attendent aussi la régularisation de leur situation.
Grace à la Nouvelle Espérance, le Congo a connu la paix et la sécurité. Il est stable. Avec ces acquis fondamentaux, tout dans le pays est redevenu possible. Les horizons, bouches après la période de cendres et de sang que le Congo a connue, sont de nouveau ouverts. L’espoir d’un avenir meilleur a repris corps.

«Le Chemin d’avenir: l’espérance à la prospérité»

Le second projet de société du Président de la République a été présenté en 2009. Il convergeait vers une ambition forte: «celle de faire du Congo, à l’horizon 2016, un pays profondément transformé. Un pays modernisé et attractif, appelé à devenir un important producteur et exportateur de biens et de services, un pays compétitif et créateur, dynamique en emplois, intègre à lui-même, à la sous-région, au continent et au monde.
Son objectif visait à répondre à l’urgence sociale et à l’exigence du développement global du pays. «C’est une vision porteuse d’une espérance toujours plus forte: celle de la renaissance multisectorielle de notre pays, pour consolider sa place dans le concert des nations émergentes modernes. C’est une ambition qui m’habite et qui vous interpelle, en même temps qu’elle requiert la participation collective, pour se transformer en résultats palpables, dans notre quotidien. Le chemin d’avenir que je vous invite à suivre, c’est la voie de l’expérience et de la sagesse. C’est une dynamique pour approfondir le changement en cours. C’est le projet qu’il faut pour transporter le Congo de l’espérance à la prospérité».
Après la mise en œuvre de la «Nouvelle Espérance», les populations ont exigé une plus forte amélioration de leurs conditions de vie, plus d’emplois décents, de meilleurs établissements scolaires et sanitaires, plus de sécurité sur tous les plans,… tout ce que l’on a dans les sociétés dites développées.
Telle était l’essence du «Chemin d’avenir», projet de société qui devrait faire passer le Congo de l’espérance à la prospérité.

«La marche vers le développement: allons plus loin ensemble»

Le troisième projet de société a été aux Congolais en 2016 en 2016. Six axes prioritaires constituaient ce projet qui proposait des réponses à certaines urgences des temps présents. Le Président de la République prévoyait de mettre les femmes et les hommes au cœur du développement; de conforter le rôle stratégique de l’Etat dans l’économie et la sphère sociale; de consolider et de pérenniser la croissance économique inclusive par la diversification et les réformes économiques; de préparer les jeunes à l’emploi par la formation qualifiante; d’arrimer le Congo au développement de l’économie numérique et de poursuivre les réformes institutionnelles.
La marche vers le développement était la suite logique de la «Nouvelle espérance» et du «Chemin d’avenir».
Pour le Président de la République, «La marche vers le développement», demeurait une «ambition noble et pertinente», qu’il fallait poursuivre en s’inscrivant dans une certaine démarche».
D’où le projet «Ensemble, poursuivons la marche», présenté en 2021.
Il est décliné en neuf axes qui offrent aux potentiels des électeurs, un aperçu des outils d’analyse qui permettront de mieux comprendre le fonctionnement et la signification du Congo vers lequel Denis Sassou-Nguesso veut conduire le peuple. «Enrichi, actualisé et articulé à l’Agenda 2030, notamment aux Objectifs du développement durable (ODD), l’Agenda 1063 de l’Union Africaine et au Programme national de développement (PND), la marche à poursuivre rappelle la place du développement du capital humain, l’approche la plus intégrée du développement, en mettant un accent sur l’amélioration de la gouvernance publique, reposant elle-même sur sept éléments clés: la capacité des dirigeants, la transparence dans la gestion, la redevabilité autrement dit la responsabilité des populations de rendre compte de la gestion, du suivi-évaluation, les contrôles internes et externes, les sanctions, les procédures judiciaires».
Le projet invite le peuple à la consolidation des fondements du vivre-ensemble; la relance de l’économie et la création des emplois; le développement soutenu de l’agriculture; le progrès social pour tous dans la solidarité; l’appropriation du développement durable; la redynamisation de la vie culturelle nationale; la revitalisation des sports; la réorganisation de l’outil diplomatique au service du développement et de la paix.
Dans son discours d’investiture le président Denis Sassou-Nguesso a appelé ses compatriotes à créer ensemble la rupture avec les mentalités déviantes et les comportements pervers du passé, pointant entre autres le laxisme, l’irresponsabilité, la corruption, la fraude, la concussion, le népotisme et la tendance à la gabegie de certains responsables.
Devant ses pairs, il s’est engagé à lutter contre les antivaleurs dans les administrations et les organismes publics.
Ce courage, a-t-il dit, «nous l’aurons pour élaborer une politique nationale de lutte contre la corruption et renforcer les moyens dont sont dotés la Haute autorité, l’inspection générale des finances et le Contrôle général de l’Etat. Nous l’aurons pour appliquer à l’encontre des détournements de fonds, de l’enrichissement illicite et du favoritisme, une politique de tolérance zéro. J’y veillerai, avec vigilance et sans faiblesse».
Le chef de l’Etat restera-t-il fidèle à son discours d’investiture en posant le premier acte d’envergure qui témoignerait de sa volonté de ne pas reculer dans la lutte qu’il entend engager contre les travers qui gangrènent l’administration publique et qui ruinent les efforts du développement du pays?
Il avait presque tout dit dans son discours. Mais, dans la pratique, on attend toujours les mesures salutaires qui peuvent avoir une incidence directe dans l’amélioration du quotidien des Congolais. Comme la mesure très attendue de lutte contre la corruption et les détournements des deniers publics qui a fait l’objet de grands discours et de séminaires. Et pourtant, l’ère de l’impunité continue.
Tout comme la mise en œuvre de l’assurance maladie universelle qui est en souffrance depuis 14 ans. L’automatisation du fichier de la Fonction publique et la retraite automatique des agents de l’Etat. Les Congolais l’attendent plutôt sur le terrain de la pratique.
Les autres problèmes vécus au quotidien et qui attendent le chef de l’Etat touchent, essentiellement le fonctionnement de l’Etat. Il a trait à la qualité du service public. Le rançonnage de la population par la Force publique. L’administration congolaise n’est plus au service du citoyen. Il faut que l’Etat retrouve ses lettres de noblesse. Il faut que l’Etat devienne fort, n’accepte pas qu’il y ait des citoyens qui bafouent l’Etat. On ne peut pas prendre appui sur ce qui est mauvais pour continuer dans ce qui est mauvais.
Chaque jour qui passe, les Congolais ont, de plus en plus, de mal à joindre les deux bouts à la fin du mois. La misère grandit.
Pourtant, les salaires dans la Fonction publique sont payés presque régulièrement, mais le pouvoir d’achat a vertigineusement chuté. Beaucoup de Congolais préfèrent envahir les édifices religieux pendant le réveillon de la Saint-Sylvestre, pour des veillées de prière. Pas de fête, pour ne pas avoir à dépenser totalement les maigres ressources qu’on a.
Ecrasés par les problèmes sociaux, ils préfèrent prier et s’en remettre à la Grâce de Dieu, ce qui n’est pas une un mal. Ceux qui ont encore un salaire qui passe, pensent, solidarité familiale oblige, à ceux des leurs qui n’ont rien. Seule la minorité aux affaires continue d’afficher un grand train de vie. Des grosses cylindrées qui coûtent le prix de la réhabilitation d’une école primaire dans les districts sont achetées chaque mois. Des édifices privés naissent comme des champignons. Les différences au niveau des classes sociales se font nettement ressentir, le transport en commun devient de plus en plus difficile; ceux qui ont le courage d’attendre, doivent accepter le risque de contamination à la COVID-19.

KAUD