Pendant qu’à Perpignan (France) étaient célébrées le 31 août dernier les obsèques provisoires de l’ancien Président de la République Pascal Lissouba, le même jour à Brazzaville, le gotha politique a donné à certains l’impression d’être incapable de transcender ses antagonismes.

En exercice ou à la retraite, les chefs d’Etat bénéficient généralement d’obsèques nationales. Mais les cérémonies et hommages diffèrent selon le statut. Pour certains, le décès du premier Président de la République élu au suffrage universel direct aurait pu être un rare moment d’unité pour les compagnons de route de Pascal Lissouba qu’une rivalité tenace oppose, et d’union nationale pour l’ensemble de la classe politique, anciens ou nouveaux adversaires. Ce serait l’occasion pour un hommage officiel rassemblant tout le gotha républicain aux côtés du Gouvernement.
Une partie de la classe politique s’est retrouvée dans la salle des banquets du Palais des Congrès, après une messe en la Basilique Sainte-Anne célébrée par l’Archevêque de Brazzaville, Mgr Anatole Milandou. Etaient notamment présents, le Vice-premier ministre Firmin Ayessa, représentant le Gouvernement; la ministre Arlette Soudan Nonault, pour le compte du Parti congolais du travail (PCT) au pouvoir, mais aussi, a-t-elle rappelé, en sa qualité d’ancienne membre du cabinet Pascal Lissouba cinq ans durant; d’anciens caciques de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS), le parti fondé par l’ancien chef de l’Etat, mais ayant quitté le navire ou s’en étant fait éjecter depuis belle lurette: notamment Martin Mbéri, ancien ministre de l’Intérieur, Benjamin Bounkoulou, ancien ministre des Affaires étrangères, et Martial de Paul Ikounga, ancien ministre de l’Enseignement. Ces derniers sont aujourd’hui considérés par leurs contempteurs comme proches de la majorité présidentielle actuelle. En revanche, aucun représentant officiel de l’actuel secrétariat national du parti des ‘’Trois Palmiers’’ (NDLR : l’UPADS) dans l’assistance, ni aucun délégué des partis de l’opposition dite «radicale». De par sa composition, d’aucuns ont vite affirmé, à tort ou à raison, qu’il s’agissait d’une cérémonie organisée par ceux qu’ils appellent «l’aile lissoubiste de la majorité présidentielle actuelle».
Le même jour et presque au même moment, l’UPADS rendait son dernier hommage à son fondateur à son siège national, à Diata (Lire LSA n°3998, page 5) en compagnie de l’autre frange de la classe politique. Ici, inversement, aucun représentant officiel du Gouvernement, ni du parti au pouvoir. Alain Akouala-Atipault, membre du PCT, s’y serait retrouvé à titre individuel. Par contre, les dirigeants des partis politiques de l’opposition dite «radicale» étaient largement représentés.
L’ancien ministre Alain Akouala «a bien eu raison», a commenté un confrère, de rappeler qu’il y a dans la vie «des moments de dépassement, des moments de communion et des moments de transcendance…»
Son hommage au milieu de ses adversaires politiques actuels s’inscrirait dans cette lignée, «même si son parti a farouchement combattu et maintenu en exil l’ancien chef de l’Etat», et que paradoxalement ses alliés de l’époque, a pointé ce confrère, «avaient été amnistiés».
Divisée, la classe politique? «Il y a des événements qui commandent l’observation d’une trêve. Cette classe politique-là a failli dans sa mission de rassembler le peuple congolais autour de l’un de ceux qui ont exercé les plus hautes fonctions de l’Etat», regrette un analyste. «Peut-être que le rapatriement des restes mortels du disparu, quand cela sera possible, sera l’occasion pour la classe politique de se remettre en cause», espère un autre.

Jean ZENGABIO