Au jeu du «ce n’est pas moi, c’est lui», Ntumi a toutes les chances de sortir premier ! Il a tenu un point de presse d’une rare élégance samedi dernier, où il s’est présenté en charmeur innocent, en sage innocent, en victime de la rébellion qu’il a animée, en saccageur innocent dans le Pool et en spectateur du saccage «des militaires» d’une région où, affirme-t-il est presque tenu prisonnier.
Incapable de circuler, absence des 30 militaires commis (promis) à ma protection, désœuvrement forcé de mes propres rebelles (on dit «ex-combattant») que je suis obligé de rémunérer, manque d’intégration dans l’armée, non-reconnaissance de mon statut particulier : le Ntumi de samedi dernier à Mounkala (lire l’article ci-contre) est vraiment le pasteur des âmes qu’il clamait être !
On se laisserait prendre au jeu de séduction d’un homme apparu avec une telle innocence et une telle lucidité, qu’il fallait se pincer pendant toute la durée de son confiteor ! Pour lui, ce sont les «militaires de Sassou» qui ont bousillé le Pool, lui n’a rien fait sinon se défendre quand on l’attaquait. Pendant les années de la guerre dans le Pool, il n’a fait que répliquer à ceux qui étaient animés de la volonté de le détruire. On croit rêver !
En somme, toutes les victimes: journalistes, leaders interreligieux, deux prêtres missionnaires catholiques, de nombreux occupants involontaires dans les fosses communes des forêts et des savanes dans le Pool, les flagelations à la machette, les fameuses «gifles de Saint Michel», les églises et les écoles pillées… Tout cela : « ce n’est pas moi, c’est lui ! »
Oui, il nous faut préserver la paix fragile d’aujourd’hui dans le Pool. Il nous faut savoir tourner la page. Nous sommes en pleine campagne électorale, nous devons donc aller au vote en toute liberté. Ne nous attardons même pas à sa proclamation de ne soutenir (de ne gêner ?) personne. Un non-événement, a commenté un observateur averti de la réalité politique congolaise.
Mais la vraie paix, celle qui ne se fera pas à coups de suspicions suggérées et répétées, ne fera pas l’impasse de la vérité et des responsabilités. Il serait trop facile de montrer les tas d’amas du Pool, et de dire: c’est lui pas moi. Il faut être au moins deux pour faire une guerre, que Ntumi soit innocent dans sa bouche, ne poussera que davantage à s’interroger sur le pourquoi de sa guerre à lui. Sur le gain qu’il en a tiré. Et sur le gain dont il a fait profiter son peuple

Albert S. MIANZOUKOUTA