La plénipotentiaire française a signé plusieurs accords de partenariat et relancé la coopération franco-congolaise. Elle a répondu aux questions de la presse.

**Madame, après la Zambie et l’Afrique du Sud en octobre dernier, le Congo-Brazzaville fait partie des pays africains que vous visitez avant la fin de cette année. La France et le Congo-Brazzaville ont des relations bilatérales particulières et historiques. Aujourd’hui, au Congo, on a le sentiment que Paris semble se détourner de Brazzaville. Est-ce que, selon vous, les relations entre Paris et Brazzaville sont au beau fixe et qu’est-ce qui le prouve ?

*Le Congo et la France partagent une histoire commune, mais surtout une volonté d’avancer ensemble vers un avenir en commun.
Notre partenariat est exceptionnellement riche, et nous permet d’agir ensemble dans de très nombreux domaines.
Je vais vous partager quelques exemples de priorités congolaises que la France accompagne.
Votre jeunesse a une énergie et des talents remarquables – et la France vous accompagne pour la former et lui offrir des opportunités d’emplois, comme j’aurai l’occasion de le voir dans un Centre d’éducation de formation et d’apprentissage (CEFA) de Brazzaville, qui forme 1 000 jeunes par an.
Votre pays souhaite développer ses infrastructures – et la France vous accompagne sur des projets précis, comme le montre la route de la corniche que je visiterai cet après-midi.
Les écosystèmes du bassidu Congo sont un des grands poumons de la planète – et la France vous accompagne pour les préserver et les valoriser.
La France est aux côtés du Congo pour accompagner et soutenir vos projets et vos priorités. Nous avons encore de nombreux domaines où nous pouvons renforcer ce partenariat.
Votre ministre de la culture est par exemple venue récemment à Paris pour évoquer votre volonté de développer un partenariat autour de vos musées.
Et je serai à l’écoute des souhaits que m’exprimeront vos dirigeants et la population, notamment la jeunesse, que je rencontrerai durant ces deux jours sur place.

** Quels sont les projets phares en matière de développement entre le Congo et la France ? Et quels sont les projets futurs ?

* La France est le premier partenaire de développement du Congo.
Depuis 2009, nous avons soutenu, via l’Agence Française de Développement, un total de 36 projets portés par les Congolais.
Ce sont des projets qui améliorent la vie quotidienne des Congolais, en renforçant l’accès à l’eau, à l’électricité et à la santé, en soutenant la formation professionnelle et l’accès aux emplois, ou encore en soutenant les populations les plus vulnérables pour l’accès à des services sociaux.

** Comment la France encourage-t-elle les efforts pour la préservation de la biodiversité ?

* Ici au Congo, vous savez combien la nature est une ressource vitale, tant pour votre environnement que pour votre développement.
C’est pourquoi la protection de la biodiversité, la lutte contre le changement climatique et la valorisation des ressources naturelles (forêt, agriculture, …) sont des axes prioritaires du partenariat franco-congolais. Nous contribuons par exemple :
• à la relance de l’agriculture durable, dans des domaines comme le maraîchage et le cacao ;
• à la promotion d’une préservation et utilisation durable des forêts qui inclut pleinement les communautés villageoises et autochtones ;
• ou encore à l’adaptation aux effets du changement climatique, comme la gestion des érosions côtières et l’approvisionnement en eau potable des villes congolaises.
Nous allons continuer de développer ce partenariat et je signerai lundi avec le ministère de l’Economie et des Finances et l’AFD un nouvel accord de financement pour un usage durable des terres qui sera mis en œuvre par les ministères en charge de l’Aménagement du Territoire, de l’Agriculture, de l’Environnement et de l’Economie forestière.
Plus largement, la France a fait de la lutte contre le changement climatique et de la préservation de la biodiversité, et particulièrement de la préservation des forêts tropicales, une priorité forte de son action internationale. C’est le message que j’ai porté la semaine dernière à la COP15 à Montréal.
Un Sommet consacré aux forêts tropicales – le One Forest Summit- se tiendra l’année prochaine au Gabon. Le Congo y est invité et aura toute sa place. Il pourra mettre en valeur ses nombreuses initiatives, nationales et régionales, en faveur de la préservation de son patrimoine naturel.

** Quelles innovations a apporté le sommet Afrique-France du 8 octobre 2021 à Montpellier, dans les relations entre la France et ses partenaires africains, alors que la plupart des Chefs d’Etat africains n’y avaient pas participé ?

* Dès le début de son mandat, le Président Emmanuel Macron a souhaité écrire une nouvelle page de la relation entre la France et les pays du continent africain.
Nous avons pour cela engagé un dialogue franc, entre partenaires égaux, sur l’ensemble des sujets y compris les sujets mémoriels. Nous partageons une même volonté de regarder notre histoire commune droit dans les yeux. C’est notamment pour cela qu’a été célébré avec chaleur et fraternité, en octobre 2020 à Brazzaville, le 80ème anniversaire de l’arrivée du Général de Gaulle à Brazzaville, «Capitale de la France Libre».
Nous avons pour habitude de dire que les jeunesses africaines sont l’avenir du continent. En réalité, elles sont déjà le présent. Elles sont donc naturellement au cœur des relations entre la France et ses partenaires africains. Le sommet de Montpellier, qui a placé les jeunes venus de tout le continent au centre des échanges, a marqué notre volonté de dialoguer encore davantage avec vos jeunes, et de créer des ponts entre nos jeunesses.
Sur tout le continent, notre priorité est de répondre aux aspirations de la jeunesse, en intégrant pleinement la formation, la culture ou encore le sport dans notre partenariat.

**La question de la dette pèse beaucoup dans le développement des pays africains. Des efforts sont faits pour alléger le poids de la dette dans les économies africaines. Est-ce que cette question continue de préoccuper la France et y a-t-il de nouvelles initiatives pour soulager les Africains du poids de la dette?

* La France est depuis longtemps très engagée aux côtés des pays africains pour le traitement de leur dette. Il est indispensable de redonner des marges de manœuvre pour que des pays comme le vôtre puissent faire face aux chocs externes et investir pour le développement.
Nous avons pris plusieurs initiatives avec le G20, pour la suspension du service de la dette, pendant la crise sanitaire, et la mise en œuvre d’un cadre commun de traitement, qui inclut les créanciers publics et le secteur privé. Les avancées réalisées en faveur d’autres pays, comme au Tchad ou en Zambie, sont encourageantes.
Ces nouvelles initiatives sont déterminantes pour répondre à la crise de surendettement qui menace le continent, notamment du fait de l’augmentation massive de la dette d’origine chinoise au cours de la dernière décennie.
Ces enjeux seront au cœur du sommet sur le «nouveau pacte financier» annoncé par le président Macron et prévu en juin 2023.

** Y a-t-il un volet santé dans le partenariat de la France avec le Congo et en quoi consiste-t-il?
* Oui, les questions de santé ont toute leur place dans notre partenariat, car c’est évidemment un sujet central et un défi majeur dans le monde entier, y compris au Congo.
La France est notamment engagée, à hauteur de 10 millions d’euros, dans le financement d’un vaste chantier de rénovation du Centre hospitalier universitaire de Brazzaville. Des programmes franco-congolais ont également permis de former 2 000 professionnels de santé depuis 2014.

** L’Afrique centrale est une pièce maîtresse dans la Francophonie : que fait-on pour encourager une préservation de la langue française au cœur de l’Afrique ?

*La francophonie, c’est aujourd’hui des milliers d’accents, de sonorités, de nouveaux mots. C’est une langue qui se réinvente chaque jour aux quatre coins du monde. Elle a 300 millions d’ambassadeurs à travers la planète.
La jeunesse francophone est chaque jour un peu plus africaine. Et l’épicentre de la francophonie ne se trouve pas à Paris, mais sans doute quelque part sur le fleuve Congo.
Les Congolais, et notamment les auteurs et les artistes, en font pleinement partie. Je pense à de grands écrivains, comme Sony Labou Tansi hier ou Alain Mabanckou aujourd’hui. Ils incarnent cette francophonie créative et dynamique tant appréciée à travers le monde.

** La jeunesse africaine francophone rêve beaucoup de poursuivre les études supérieures en France. Mais, les conditions d’accès dans les Universités françaises sont très très sélectives. Cela ne constitue-t-il pas un frein à la consolidation de la Francophonie quand on sait que nombre de ces étudiants sont contraints d’aller en Chine et dans les pays anglophones pour poursuivre leurs études?

* La France accueille plus de 100 000 étudiants venus du continent africain, au total. Ces chiffres sont en hausse constante. La France est fière de soutenir l’accès des jeunes francophones à l’excellence de son système universitaire. Mais nous agissons aussi pour leur offrir des opportunités de formation chez eux, dans leur pays, comme nous le faisons ici au Congo en soutenant les centres d’éducation, de formation et d’apprentissage, ou encore nos partenariats avec les universités locales.

** Pour terminer, qu’est-ce que les Congolais peuvent retenir de votre visite officielle en terre congolaise, dans le raffermissement des relations bilatérales entre la France et le Congo?
* Que la France, et l’Europe, sont des partenaires fiables et plus que volontaires pour accompagner le Congo dans son développement. Nous sommes à l’écoute de vos priorités et de vos aspirations. Et surtout, nous devons agir ensemble pour relever les grands défis mondiaux en matière de santé, d’environnement ou encore d’alimentation.