C’est la question que chacun de nous se pose (ouvertement ou en sourdine) au regard de ce qui peut être considéré comme une plongée sans parachute dans les antivaleurs; et pour laquelle l’archevêque métropolitain de Brazzaville, Mgr Anatole Milandou, a invité pour la seconde année consécutive de réfléchir sur le sens de nos engagements baptismaux: «Chrétien congolais qu’as–tu fait de ton baptême?». On comprend tout de suite que l’insistance de la problématique touche de plein fouet le peuple de Dieu, sans pour autant «blanchir» certains clercs, encore moins l’attitude de ceux qui se sont proclamés pasteurs motu proprio, tout en ayant également des fonctions politico-administratives dans notre pays.

1. Ce qui nous est donné de constater
«France, qu’as-tu fait des promesses de ton baptême?» C’est la question que le premier pape Polonais, Saint Jean-Paul II adressait à la fille aînée de l’Europe, au cours de son voyage apostolique, en conclusion de son homélie prononcée au Bourget, le 1er juin 1980, devant un certain relâchement des vertus évangéliques qui autrefois faisaient la fierté de l’Eglise de France.
A l’Afrique sexagénaire, le franciscain Giscard Kevin Dessinga a pu constater dans son épistolaire: «Mon Afrique, le tragique destin de tes fils et filles à travers le monde, ne te dit rien? Exclut et non désiré ailleurs, discriminé partout et par tous, l’Africain n’a pas non plus de compte sur sa propre terre. Personne ne veut de nous: l’Amérique brille par son racisme institutionnel anti-noir, l’Europe par son mépris des noirs, même l’Asie ne veut plus de nous. L’Africain est même étranger dans sa propre maison, sur sa propre terre» (in, Lettre ouverte à l’Afrique sexagénaire. Bilan subjectif d’une gouvernance au subjonctif, Paris, Harmathan, 2020, p. 25).
Et que dire du «virus» de la corruption et du «saignement» financier de nos trésors publics dont on a encore du mal à trouver l’antidote, mieux encore, les mesures disciplinaires annoncées après avoir bénéficié de l’allègement des dettes par le Fond monétaire international (FMI) pour certains pays africains coupables des gabegies financières, et déclarés par la suite pays pauvres très endettés (P.P.T.E.); ces maux récurrents et pris à la légère n’émanent-ils pas de la responsabilité de nos fidèles laïcs appelés à exercer leur «sacerdoce» dans les plus hautes fonctions du pays? Ce n’est pas mauvais en soi remercier le président de la République pour avoir reconduit certains ministres (eux-mêmes surpris par leur retour) au gouvernement, encore faut-il le remercier en accomplissant son devoir comme il se doit!

2- A qui irions–nous Seigneur?
Devant un monde qui nous propose des demi-vérités sans Dieu, des promesses aux postes de responsabilité conditionnées par des adhésions massives dans des lobbies de tous genres, les chrétiens sont appelés à faire preuve de courage devant les promoteurs du bonheur éphémère, en faisant leur l’acte de confession de Pierre: «A qui irions–nous Seigneur?» (Cf. Jn 6, 68).
En effet, cette confession de Pierre à son Maître et Seigneur Jésus–Christ, se révèle comme l’abandon total du disciple, contrairement à cette foule que Jésus venait de nourrir précédemment, rassasiée jusqu’à la lie et qui voudra par la suite «s’emparer de lui pour le faire roi» (Jn 6, 5-15). Mais lorsque Jésus cherchera à faire comprendre aux juifs de se préoccuper du vrai Pain qui est son Corps et son Sang qu’il donnera en nourriture par Amour pour l’humanité et la promesse de la vie éternelle (Cf. Jn 6, 51), la réaction ne se fera pas attendre: cette parole est rude! Qui peut l’écouter? Et ils s’en allèrent déçus.
Du coup, la grande foule se retrouvera réduite aux seuls disciples, perdus et indécis sans doute de par la véracité des propos de Jésus. Et ce dernier de demander: «Voulez-vous partir, vous aussi ?» Simon-Pierre lui répondit: «Seigneur, à qui irions-nous? Tu as les Paroles de la vie éternelle».
Oui, les paroles de la vie éternelle valent bien de renoncer à tous les rêves qui pourraient faire notre malheur, à tous ces désirs et fantasmes que les «puissants» de ce monde nous font miroiter, et qui finissent toujours par nous ramener en fin de compte à notre finitude humaine, c’est-à-dire à ce qui s’oppose à l’Esprit. Autrement dit comme nous dit le Christ: «A quoi sert-il à un homme de gagner le monde entier s’il perd son âme?» (Mat 16, 26). Les exemples sont «légions» de ceux qui croyaient demeurer au pouvoir ad vitam aeternam.
Notre pays le Congo qui fut consacré à la Très Sainte Vierge Marie au lendemain de son indépendance (15 août 1960) avec la bénédiction de son premier président abbé Fulbert Youlou, peut toujours compter sur la prière maternelle de la Theotokos, Marie Mère de Dieu, à condition que tous ensemble, Eglise locale comme institution et laïcs engagés sans peur (Mgr Ernest Kombo), nous nous engageons fermement comme nous le rappelle la Congolaise à oublier «ce qui nous divise» pour mieux nous mettre à l’écoute de l’Esprit qui nous parle. Ce faisant, nous goûterons à coup sûr, au vin nouveau, que le Seigneur transformera pour nous en son temps, comme aux Noces de Cana (Cf. Jn 2, 1-11). Telle est la condition sine qua non du vrai vivre ensemble comme des frères et sœurs, Fratelli tutti, d’une Nation forte et fraternelle. Cela vous semble impossible?

Eric Béranger N’SONDE
Prêtre en mission pastorale en Italie