Ce jour, nous rendons hommage à notre frère et ami Camille Bongou, dont l’origine de Pando et Ossanga, en terre Koyo nous lient par le sang dans une relation fraternelle et fusionnelle. Fils de Maman Itandi et d’Engomo. Ce dernier décédé à Brazzaville fut inhumé au cimetière de Moukoundzi Ngouaka, mais on ne retrouve pas sa tombe. Je me limiterai à un propos presque intimiste sur ce personnage qui fut un grand homme. Nos rencontres et engagements communs soudés par des évènements découlant des émeutes de 13, 14 et 15 Aout 1963 nous ont marqués. Notre première rencontre remonte à septembre 1957 au bac d’OYO, il attendait le passage du véhicule du commerçant GORDES procédant au ramassage des élèves qui allaient étudier à Makoua.
Comme moi, Camille emprunta le chemin des Travailleurs de l’Education Nationale, comme Instituteur Adjoint, Professeur des collèges et des lycées. Dans les années 1964, ce champion national de Judo comme la plupart des jeunes d’alors embrassa la révolution. J’évoluai dans les rangs de la JMNR à Poto Poto et lui s’engagea dans le corps National de la Défense Civile encadré par les Cubains. Ces derniers vinrent au Congo invités par les chefs de la Révolution congolaise menacée par les dirigeants de l’ancien Congo Belge dont Moïse Tchombé et ses suppôts.
Je fis mon entrée à l’Ecole Normale Supérieure d’Afrique Centrale en 1963. Je pris part au Congrès Constitutif de l’Union Générale des Elèves et Etudiants du Congo en Juillet 1965. En 1966, gradé de cette institution, je proposai deux noms d’étudiants de l’ENS au second Congrès : ce furent Dénis Ngabé et Camille Bongou. Seul Camille fut retenu comme délégué et promu Secrétaire Général de l’UGEEC, présidée par Ange Edouard Poungui Moungondo ayant succédé à Martin Adouki.
En 1968, le staff de l’UGEEC, tout comme le collectif de la JMNR, de la Défense Civile se coalisèrent pour pousser le Président Alphonse Massamba-Débat à la démission. Avec les Forces Armées, cette alliance politique agrégeant des forces civiles de gauche, comme Ambroise Noumazalayi et Pierre Nzé procédèrent à la dissolution des institutions et créèrent le Conseil National de la Révolution. Camille en fut coopté membre. Sous la direction du Commandant Marien Ngouabi fut créé le Parti Congolais du Travail, Camille en fut membre du Comité central en décembre 1969
Avant cet évènement, il avait intégré l’Armée Populaire Nationale, à l’issue de la dissolution des milices; car le Président Ngouabi entendait enrayer les forces paramilitaires. Un événement d’importance est à souligner, l’assassinat de Pierre Mulélé par le Général Mobutu, Président de l’ancien Congo Belge.
Les jeunes crièrent à la trahison et au lâchage du dernier défenseur des idéaux de Patrice Lumumba. Ils se mobilisèrent par centaines pour exprimer leur mécontentement et procédèrent au caillassage de l’Ambassade de la République Démocratique du Congo sise Avenue de l’indépendance. Le Commandant Marien Ngouabi manifesta une irritation bruyante et dépêcha sur les lieux des forces de police pour mater. Elles ne trouvèrent personne sur les lieux. Les jeunes s’interrogèrent alors: «Comment pouvions-nous nous réclamer de la Révolution et livrer un patriote à Mobutu», alors que malade, Mulélé sorti du maquis, avait besoin de se refaire avant de rejoindre Kinshasa au prétexte de répondre aux proclamations de Mobutu sur la réconciliation nationale.
Il fut fusillé et toutes les assurances données par Justin Marie Bomboko, ministre des Affaires étrangères venu l’embarquer à bord d’un bateau ne furent qu’un écran de fumée. Les jeunes ne crurent pas au réajustement de la Révolution et créèrent un Groupe pour veiller sur la Révolution et la sauvegarder. Camille et bien d’autres constituèrent ce noyau clandestin qui à l’origine fut piloté par le Ministre Prosper Matoumpa Polo, puis Jean Baptiste Ikoko; ce dernier céda le flambeau à Ange Diawara en mai 1971. Les jeunes révolutionnaires siégeant au Comité Central du PCT, eurent à affronter d’autres cadres rongés par l’embourgeoisement.
Les questions qui divisèrent le Comité Central furent d’ordre éthique. Certains membres du Comité Central étaient obsédés par l’accumulation des biens. Et la pierre d’achoppement fut de se construire de belles maisons, sans penser offrir au peuple la possibilité d’obtenir un toit correct. La session du Comité Central de Décembre 1971 nourrit des échanges heurtés. La réaction des membres qui nous exécraient consista à nous octroyer gratuitement des terrains à bâtir au centre-ville, du côté de l’actuelle Ambassade de Chine et de la Cathédrale. Le Groupe repoussa cette action de corruption, au grand dam de nos détracteurs et des membres de nos familles.
Nos adversaires s’organisèrent pour nous expulser du Comité Central, en vain pendant cette session. Ils changèrent de procédés pour nous liquider, et nous tentâmes un coup d’Etat le 22 Février 1972 qui échoua. Il y eut des centaines de prisonniers, 52 condamnations à la peine capitale, l’assassinat de nos camarades Théophile Itsouhou et Franklin Boukaka. Le Président se ravisa, mais lors de la Cour Martiale, Camille lui fit le procès d’avoir laissé grenouiller des contre-révolutionnaires saboter la Révolution.
La peine de mort infligée fut commuée en détention à perpétuité. Mais après 20 mois de détention dans les conditions sévères tous nous retrouvâmes la liberté avec placement en résidence surveillée. Certains cadres comme Noumazalayi furent affectés dans les fermes pour un salaire de 8000FCFA par mois comme manœuvre Ces diverses restrictions furent levées en 1975 et en 1976, la plupart des anciens condamnés reprirent l’activité professionnelle, à l’exception des militaires qui furent radiés de l’institution. Camille reprit donc la craie, et enseigna au lycée technique du 1er Mai.
En Février 1979, il participa au mouvement qui conduisit à la fin du Comité Militaire du Parti. Il assuma à la suite des charges importantes de Secrétaire Général près la Présidence du Comité Central et Secrétaire Permanent du Comité Central avec les prérogatives de 2e personnalité de l’Etat. Au congrès du PCT de 1989, il fut évincé et se convertit en gentleman farmer. Ce ne fut pas la joie, il fut empêché d’entreprendre, et s’exila. A la faveur du retour au Congo du multipartisme il fonda avec ses amis, dont Alphonse Foungui, le Parti pour le Progrès et la République.
Des cabales et manigances furent montées pour l’empêcher de briguer un mandat de député. Mais Camille ne s’est pas départi de son calme de philosophe.
Je passe sous silence son investissement colossal dans l’éducation de ses cousins, cousines, nièces et neveux qu’il a ramenés de Bokouélé. Parmi eux le petit Menga qui avait 2 ans. Il a piloté leurs études et permit leur insertion dans la vie sociale. Il fêtait leur succès au Bac, aux diplômes universitaires et encourageait certains à passer l’agrégation.
Chez Camille Bongou, pas une once de ressentiment envers ses détracteurs, à l’image des Kani de chez nous. Le nôtre s’appelait Mwènè Igbo. On comprendra que je puisse dire de lui Mwana Momoro, ayant vécu dans la dignité et l’exigence morale; des pratiques aujourd’hui apparaissant ringardes. On prétend connaitre Camille, j’avoue qu’il était secret comme les grands hommes de chez nous marinés dans la tradition des Kani.
Il laisse un grand vide mais ses enfants, neveux, nièces et cousins désormais adultes ont reçu de lui un riche héritage celui de la vie d’un homme de grandes qualités. On lui reprochera de n’avoir pas publié ses mémoires. N’en savait-il pas trop sur la vie politique congolaise? Pouvait-il exhumer les grands secrets d’Etat enfouis? Homme de grande compassion il eut beaucoup de générosité et d’écoute.
Jeanne et ses enfants Ibéa et Molia ont fait dire une messe pour lui ce 25 Décembre jour de Noel. Moi aussi j’ai demandé des messes et vous invite à le faire pour qu’il repose en paix auprès du Père éternel car Camille fut un homme juste.

Lecas ATONDI-MONMONDJO