Le sport, pendant longtemps levier des ventes du journal, a toujours occupé une place importante dans les colonnes de La Semaine Africaine. Aucune parution ne pouvait se concevoir sans cette rubrique. La tradition a été sauvegardée, même si s’est rétrécie la surface qui lui est allouée au long des années.

Jusqu’au début des années 1950, les activités sportives n’intéressaient pas la presse, essentiellement les journaux d’opinion plutôt impliqués dans les luttes politiques, économiques ou raciaux. Il faut attendre l’irruption de ‘’La Semaine de l’AEF’’ (première dénomination du journal) dans le paysage médiatique, le 4 septembre 1952, pour voir le sport prendre progressivement place dans le traitement de l’information.
A l’époque, l’actualité sportive «aefienne» et métropolitaine est très présente. Le football, en particulier, a gagné en popularité avec les confrontations entre les équipes des Blancs et des Noirs, puis celles de Brazzaville contre celles de Libreville, de Bangui et de Fort Lamy, voire de Léopoldville dont le pays n’est pourtant pas une colonie française. Il y a surtout l’effet de la création en 1959 de la Coupe de l’AEF remportée par les Diables-Noirs de Brazzaville.
Si le journal consacre l’essentiel de ses colonnes au football, il se soucie néanmoins d’accorder aussi une place au maximum de disciplines sportives: le volley-ball, le basket-ball, le cyclisme, l’automobile, le handball, le tennis et le tennis de table, la gymnastique, le judo, la boxe, l’athlétisme, etc. Il s’intéresse aussi au sport scolaire et au sport militaire. Il publie le maximum de résultats et de comptes rendus d’AEF, accorde la même attention au plus célèbre des champions du pays comme au plus modeste de ses sportifs. Et ce n’est pas sans raison que des joueurs doivent en partie leurs noms de guerre ou de scène aux rédacteurs sportifs de ‘’La Semaine Africaine’. Ceux qui remplissent les stades ne résistent pas à la tentation de les défier. Les commentaires et analyses les font jeter sur le journal qu’ils dévorent comme des petits pains.
‘’La Semaine Africaine’’ procure aussi à ses lecteurs quelques exclusivités tirées des journaux spécialisés de France. D’autres personnes, en brousse en particulier, sont heureux de voir les résultats de «leur» équipe être publiés dans le journal ou leur signature au bas des dépêches. Le directeur du journal encourage les chroniqueurs bénévoles à travailler, se perfectionner et soigner leurs articles tout en leur demandant de bannir le chauvinisme trop souvent apparent dans les écrits.
Finalement, cela éveille des vocations. Les cas typiques sont le jeune Joseph Moungabio, encore élève à Kinkala, qui envoie régulièrement ses papiers au journal catholique. Il embrassera la carrière de journaliste à partir de 1965 à la ‘’Voix de la Révolution congolaise’’, ancêtre de Radio-Congo, puis deviendra le reporter sportif de radio le plus célèbre de sa génération sous le nom de Joseph Gabio. Puis Robert Steph Malonga (+). Ce dernier ayant fait ses débuts à ‘’La Semaine Africaine’’ comme chroniqueur spécialiste du handball, interrompt sa collaboration pour rejoindre lui aussi la chaîne nationale de radio. Il occupera vers la fin des années 70 et le début des années 80 la présidence de l’UJSA (Union des journalistes sportifs africains) et la vice-présidence de l’AIPS (Association internationale de la presse sportive).

Une audience sous-régionale

‘’La Semaine Africaine’’ a acquis rapidement une audience sous-régionale. Chaque jeudi, des milliers de lecteurs se penchent sur ses pages sportives. Une réputation qu’il doit à trois facteurs. Tout d’abord son statut à part entière dans la presse locale : il n’y a pas de journal dédié au sport, et seule ‘’La Semaine Africaine’’ le traite à la manière d’un média indépendant et neutre. Ses grandes plumes, Sylvain Bemba (sous le pseudonyme de ‘’Congo Keer’’ et le plus souvent ‘’Le 24e Homme’’), puis Fulbert Kimina Makumbu ‘’Pilote’’, ont écrit quelques-unes des plus belles pages sur le sport. Ils relatent les exploits des sportifs ou tancent joueurs et dirigeants à l’occasion de quelques manquements. Leur chance, a affirmé le second, est d’avoir suivi des athlètes exceptionnels qui, en aucun point de vue étaient comparables à ceux d’aujourd’hui : «Ils nous avaient facilité la tâche de par leur régularité dans l’effort. C’étaient des stars».
Enfin, ‘’La Semaine de l’AEF’’ ne se contente pas de raconter le sport ; elle l’organise. Suivant l’injonction de son fondateur Jean Legall (pour vendre un journal, il faut des grands événements), le journal est à l’origine de la création du maillot jaune de ‘’La Semaine de l’AEF’’ récompensant le vainqueur de chaque course cycliste organisée à Brazzaville.
A partir de 1960, année de l’indépendance, ‘’La Semaine Africaine’’ (baptisé ainsi dès janvier 1959) sera de tous les grands événements auxquels participent les sportifs congolais. En envoyant un journaliste ou en demandant à un sportif d’assurer en même temps la relation des rencontres ou des compétitions pour le compte du journal. C’est ainsi que Hervé Fortuné Mayanda et Clément Massengo, d’excellents footballeurs des années 50 et 60, vont se découvrir des talents de reporter à l’occasion des Jeux de la Communauté (avril 1960 à Madagascar), des Jeux de l’Amitié (1961 à Abidjan et 1963 à Dakar), de la Coupe des Tropiques (1962 à Bangui et 1964 à Yaoundé). Le directeur de ‘’La Semaine Africaine’’, Père Jean Legall, puis son successeur Père Raymond de la Moureyre, apprécient et n’hésitent pas à en payer, quoique modestement il est vrai, le prix.

Une couverture presque complète

Petit pays de par sa démographie, le Congo pourrait s’enorgueillir d’une prodigieuse capacité d’organisateur. Et La Semaine Africaine d’avoir couvert tous les événements pour lesquels la capitale congolaise, Brazzaville, a été sollicitée, courtisée : 1ers Jeux africains en 1965 ; Tournées historiques du roi Pelé et son équipe, le FC Santos en 1967 et en 1969 ; Coupe d’Afrique centrale en 1972 (rendez-vous omnisports qualificatif pour les 2es Jeux africains de Lagos); Tournoi international du CISM (Conseil international du sport militaire), Challenge Marien Ngouabi de handball (1979); Tournoi tricontinental de handball féminin regroupant le Congo, les USA et la Corée du Sud en 1980; Coupe d’Afrique des clubs champions de handball en 1984; Troisièmes Jeux d’Afrique centrale en 1987; Championnats d’Afrique d’athlétisme en 2004; Meeting international d’athlétisme de Brazzaville (de 2004 à 2009); Coupe d’Afrique des nations de football juniors en 2007; 11es Jeux africains en 2015; Coupe d’Afrique des nations de handball féminin en 2018; Championnats d’Afrique de basket-ball militaire; Championnats zonaux de volley-ball, etc.
1960-1980 :
une ère fastueuse
Palmarès et podiums. Le Congo les a enfilés dans les disciplines sportives les plus populaires. La médaille d’or obtenue au tournoi de football aux 1ers Jeux africains de 1965, et la victoire de l’équipe nationale à la CAN de football 1972 ont été des succès majeurs congolais relayés par ‘’La Semaine Africaine’’, symbolisés par des titres percutants. Suivis du trophée du CARA en Coupe d’Afrique des clubs champions de football et des quatre couronnes continentales des Diables-Rouges handball dames (1979, 1981, 1983 et 1985). D’autres sports, tel l’athlétisme, le judo, la boxe, le karaté, etc., ont aussi leur rayonnement. Il y a eu de la place pour chacun d’eux dans ‘’La Semaine Africaine’’.

Une page qui tousse quand le sport s’enrhume

Seulement voilà, la rubrique ‘’Sport’’ du journal est aujourd’hui desservie par les mauvais résultats du sport congolais, notamment ceux du football. Malgré les coups d’éclat des sélections des jeunes victorieuses d’une CAN en 2007 et de deux médailles d’or aux Jeux de la Francophonie (2009 et 2013), puis la Coupe de la Confédération remportée par l’AC Léopards de Dolisie en 2012, la discipline phare est entrée véritablement en crise. Les autres sports sont également en perte de vitesse dans le pays. Les mauvaises performances du sport congolais se perpétuant d’année en année, cela a conduit une large frange du public à déserter les compétitions locales dont le spectacle manque de relief et à tourner parfois le dos à la rubrique ‘’Sport’’ des journaux d’informations générales, ‘’La Semaine Africaine’’ avec eux.

Jean ZENGABIO