L’humanité a célébré le 3 mai dernier la journée mondiale de la liberté de la presse. Au Congo-Brazzaville, c’est l’hôtel Elaïs de Pointe-Noire qui a abrité la manifestation organisée par le Conseil supérieur de la liberté de communication (CSLC), en partenariat avec l’UNESCO et sous les auspices de Philippe Mvouo le président du CSLC. C’était sous le thème de «L’information comme bien public».

De hautes personnalités locales de Pointe-Noire ont rehaussé de leur présence la célébration de la journée internationale de la presse, parmi lesquelles le député- maire M. Jean François Kando, avec à ses côtés les invités de marques du CSLC, notamment José Richard Pouambi président du Conseil de la communication de la RCA et Christophe Tito Ndombi président du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC) de la RDC.
Afin d’aider la centaine de journalistes venus de tous les quatre coins de Pointe-Noire à mieux cerner le thème choisi par l’UNESCO «L’information comme bien public», le CSLC a eu recours au savoir-faire d‘experts en communication et/ou enseignants de journalisme.
Ainsi, Joseph Bitala-Bitemo, chargé des cours à l’université Marien Ngouabi de Brazzaville a développé le thème «Dans quelle mesure peut-on dire que l’information est un bien public?». Et, son collègue Bienvenu Boudimbou, maître des conférences CAMES a développé le thème «La problématique de la représentativité du genre et des minorités dans l’exercice du métier de journaliste au Congo». Pour sa part, Jean Pierre Ilboudo le représentant de l’UNESCO en RDC, représentant son homologue du Congo-Brazzaville à ces retrouvailles de Pointe-Noire a quant à lui, parlé de «La Déclaration de Windhoek, genèse et problématique». Entendu que la déclaration de Windhoek est le fondement de plusieurs textes consacrant la liberté de la presse dans plusieurs pays.
Il ressort de ces exposés que l’Afrique en général et le Congo-Brazzaville en particulier connaît, d’indubitables progrès en matière de la liberté d’expression. Si avant les années 1990 le délit de presse était une infraction pénale au terme des textes de l’époque, les textes actuels dont la Constitution du 25 octobre 2015 et la loi n°8 du 12 novembre 2001 portant pratique de la liberté de communication en République du Congo dépénalisent tout manquement au professionnalisme.
Doté d’éloquents textes et d’institutions bien structurées, le Congo-Brazzaville est cependant loin d’être un temple de la liberté de la presse en dépit de réelles avancées constatées ces derniers temps, il faut le reconnaitre.

La liberté au forceps?
Pendant que dans la salle de conférence de Elaïs hôtel de Pointe-Noire les professionnels des médias étaient visiblement captivés par l’érudition des exposants, pendant qu’on discutait de ce que l’information est un bien public dont la libre circulation devrait être garantie, à Brazzaville la justice était en train de frapper lourdement Ray Malonga, un journaliste.
Poursuivi en diffamation contre l’épouse d’un général de l’armée très haut placé, notre confrère le directeur de l’hebdomadaire satirique «Sel-piment» a été condamné le 3 mai dernier à six mois d’emprisonnement ferme, assorti d’une lourde amende de 30 millions de francs CFA. La justice a-t-elle bien ou mal fait son travail? On ne peut dans nos colonnes épiloguer sur le fond et la forme de ce procès. Le droit a été dit. Les magistrats sont commis pour le dire.
Cependant, en prononçant ce verdict le jour même de la célébration de la journée internationale de la liberté de la presse, on pourrait s’interroger si c’est une simple coïncidence, ou plutôt si la justice ne venait pas là d’envoyer un message fort, un message dissuasif dirait-on, à l’attention des journalistes qui prennent trop d’écarts par rapport à la loi, ou par rapport à certaines personnalités. C’est selon.
Liberté au forceps disons-nous… Il y a quelques jours, le sénat s’est plaint auprès de la direction de Télé Congo de ce qu’un confrère journaliste sportif aurait manqué de respect à cette institution, en utilisant l’expression «à pas de sénateur» pour décrire la nonchalance dont les joueurs de l’équipe nationale de football avaient preuve lors d’un match comptant pour les éliminatoires pour la CAN 2021. «Pour si peu !», s’est exclamé Philippe Mvouo.
Il n’est hélas pas question, d’être toujours en confrontation avec les autres institutions…. Il faut seulement que les autres institutions soient davantage tolérantes à l’égard de la presse. On dira aussi qu’il faut que les journalistes sachent exercer leur métier, dans le respect de l’éthique et la déontologie de la profession.
Le patron de la régulation des médias sait de quoi il parle. N’eut été l’intervention de son institution, peut-être que notre confrère Rocil Otouna de Télé-Congo aurait été lourdement sanctionné pour avoir posé des questions «désobligeantes» à l’équipe de riposte contre la covid-19. De même, Paul Atongui-Ndinga, correspondant de Radio Congo dans la Likouala aurait des difficultés à exercer son travail sans l’intervention du CSLC auprès des autorités locales.
Des faits d’entraves à la liberté de la presse ou d’exercer ne sont pas rares au monde et au Congo. On ne peut donc pas s’étonner que notre pays pointe à la 118ème place (117ème en 2019) dans le classement 2020 de Reporters sans frontières (RSF). Très loin derrière la Namibie, un pays africain qui occupe la 24ème place, damant même le pion à certaines vieilles démocraties occidentales.
Et pourtant, la Déclaration de Windhoek dont le Congo est partie prenante depuis 1991 est selon Philippe Mvouo, «un appel historique à tous les pays du monde entier afin qu’ils intègrent dans leurs écosystèmes politiques économiques et culturels la communication comme moyen indispensable de promotion de toutes les valeurs éthiques, morales et spirituelles qui impactent nécessairement le développement durable tous azimuts».
Tout porte ainsi à croire que le chemin qui devrait ou doit conduire les journalistes congolais à la véritable liberté est aussi bien long que rugueux.

Jean
BANZOUZI-MALONGA