Réuni en session ordinaire le 27 mars dernier au Palais du Peuple, sous l’autorité du Président de la République, le Conseil supérieur de la magistrature a pris des sanctions à l’encontre de certains magistrats indélicats: neuf révocations avec droit à pension, trois rétrogradations, neuf réprimandes avec inscription au dossier et des retraits de certaines fonctions. Des nominations et des avancements de carrières ont été également opérés. Des décisions qui ne font pas l’unanimité au sein de l’appareil judiciaire ni même de l’opinion publique.

Depuis longtemps, l’appareil judiciaire est dans le déclin. Beaucoup de maux lui sont reprochés, non pas seulement par les justiciables, mais également par le commun des citoyens. Tous se plaignent des mauvaises pratiques de certains magistrats animés par le gain facile et qui entretiennent des relations d’affaires avec leurs fonctions.
C’est pour corriger ces déviances et pour redonner confiance à la population pour croire encore à la justice de son pays, que le Conseil supérieur de la Magistrature a procédé à des sanctions qui, malheureusement, ne font pas l’unanimité au sein de l’opinion publique qui pense qu’il devrait y avoir plus de sanctionnés.
Le Conseil a-t-il fermé les yeux sur certains noms nommément cités et impliqués dans les pratiques frauduleuses? En tout cas, les langues se délient. Certains coupables courent encore les tribunaux, ils sont toujours en fonction, mutés ou promus, comme si c’est toujours les faibles qui doivent payer le lourd tribut. «Des intouchables…qu’on s’ingénie à protéger».
Contrairement à la session ordinaire de 2018, celle de 2023 a prononcé neuf révocations avec droit à pension. Il s’agit des magistrats: Oniangué Michel, procureur général près la Cour d’appel de Brazzaville; Bassenga Fiellot T’ov Fresnay, président de chambre au TGI de Brazzaville au moment des faits; Koubaka Lucette Berthe, juge d’instruction au TGI de Dolisie; Zekakany Thomas J. Chrisostome, procureur de la République adjoint près le TGI de Pointe-Noire; Mouanda Massende José Bosco, substitut du procureur général près la Cour d’appel de Brazzaville; Ebilika Gervais, doyen des juges d’instruction au TGI de Pointe-Noire; Boliban Serge Audrey, conseiller à la Cour d’appel de Pointe-Noire; Nzanguele Ngoumba Mayeul, procureur de la République près le TGI de Kinkala; Nzoussi Ferdinand, conseiller à la Cour d’appel de Pointe-Noire, président de chambre à ladite Cour au moment des faits.
Trois magistrats ont été rétrogradés: Ekoundzola Christian Régis, vice-président du TGI de Pointe-Noire; Iwandza Didier Narcisse, président du TGI de Pointe-Noire; Mviboudoulou Simon William, avocat général près de la Cour suprême.
Certaines fonctions ont dû être retirées à deux magistrats: Ibara Ibombo Dann, président de la 3e chambre correctionnelle au TGI de Brazzaville; Mabounda Kickouama Firmin, juge d’instruction au TGI de Brazzaville.
Neuf autres ont été réprimandés avec inscription au dossier: Massounguila Anicet, juge d’instruction au TGI de Dolisie; Ebandza Francis, président par intérim de la 4ème chambre correctionnelle du TGI de Brazzaville; Mampaha Michel, procureur de la République près le TGI de Sibiti; Koulangou Ferdinand, avocat général près la Cour d’appel de Brazzaville; Ngolo Ngambou Sarah, juge d’instruction au TGI de Pointe-Noire; Lembhet Missonsa Davyne Arlette, juge d’instruction au TGI de Pointe-Noire; Oboyo Ikafilofoula Cyr, substitut du procureur de la République au TGI de Pointe-Noire; Massamba Alain, conseiller à la Cour d’appel d’Owando; Ntondele Massamba Nicaise, juge d’instruction au TGI de Kinkala.
Au total, 9 magistrats ont été sanctionnés à Pointe-Noire, Brazzaville (8), Dolisie (2), Kinkala (2), Owando (1) et Sibiti (1), soit un effectif de 23, contre 20 en 2018.
Est-ce la fin du long feuilleton qui a coûté cher à la population? Certainement pas. Car, le mal est très profond. Et pourtant, les magistrats ont les salaires qui sont parmi les plus élevés de tous les agents de l’Etat. Au lieu de dire le droit, ils sont tout le temps, mouillés dans la corruption, la concussion et la fraude. Des salaires qui leur avaient été accordés pour les mettre à l’abri de certaines envies et tentations; mais au résultat, l’espoir a été vain.
Bien au contraire, les envies et tentations sont encore devenues grandes. Et, l’appareil judiciaire a complètement sombré.
Le Conseil aurait pu dans ses décisions, assainir la maison «Justice», en sanctionnant tous les magistrats indélicats qui salissent et ternissent l’image de la justice, pour qu’elle redevienne cette justice qui soit toujours le recours, lorsque plus rien ne marche.
Tout compte fait, la population déplore aussi l’usage abusif et détourné que les magistrats semblent faire du pouvoir extraordinaire que la loi leur a conféré, s’agissant, en particulier, du respect de la liberté d’autrui et de la dignité humaine. Beaucoup de contrecoups sont causés à la bonne renommée et au crédit de la justice, en tant que pouvoir organisé auquel chacun, dans la vie, peut avoir recours.
Faut-il rappeler qu’il y a aussi trop de magistrats pour peu de Cours et tribunaux. Nombreux sont dans l’errance dans les Palais, ne sachant quoi faire. Il y a peu de postes qu’il y a des magistrats dans le pays. Ils sont nombreux comme juges du siège dans les différentes chambres ou des substituts du procureur.
Par manque d’espace de travail, ils viennent dans les tribunaux au compte-gouttes ou à des jours bien définis pour quelques heures seulement.
L’Etat ne devrait-il pas penser à arrêter temporairement la formation des magistrats à l’ENMA et à l’étranger? Le temps de régler la situation de ceux qui ont déjà le statut. Car, il y a pléthore des magistrats que le Conseil supérieur de la Magistrature ne sait plus comment les caser ni les affecter.
Néanmoins, dans le cadre de la géopolitique, il y a à déplorer dans ces nominations et sanctions, une connotation un peu tribale.

KAUD