En date du 14 septembre 1981, le premier Pape polonais, aujourd’hui saint Jean-Paul II, signait à Castel Gandolfo sa troisième lettre Encyclique sur le travail humain; une Encyclique qui fera beaucoup parler d’elle dans la mesure où cette dernière épinglera tout ce qui est inhérent au monde du travail. Quarante ans aujourd’hui après sa publication (14 septembre 1981 – 14 septembre 2021), nous sommes donc en droit de nous demander, si les Etats du monde, en tant que garant des droits des travailleurs respecte les clauses prévues dans les textes; que les rapports employeur-employé sont au beau fixe, et surtout, si la dignité des travailleurs est respectée et valorisée?

Dans notre pays les spectacles désolants de nos travailleurs devant certains ministères, sans compter les années d’arriérés impayées de nos retraités déferlent la chronique quasi au quotidien, tout en se demandant sur le sens de responsabilité de notre gouvernement à garantir les droits des travailleurs. Et que dire du personnel laïc engagé dans nos diocèses (chauffeur, cuisinière, jardinier, secrétaire…), avec ou sans contrat de travail pour certains. Autant de questions qui pourraient faire l’objet de réflexions plus approfondies tant au niveau civile qu’ecclésial.

1. «Laborem exercens» 90 ans après «Rerum Novarum»
Dès son introduction le souverain Pontife justifie le contexte de la publication en déclarant: «A la date du 15 mai de cette année, quatre-vingt-dix ans se sont écoulés depuis la publication – par le grand Pontife de la «question sociale», Léon XIII – de l’encyclique d’importance décisive qui commence par les mots «Rerum novarum». C’est pourquoi je désire consacrer le présent document au travail humain, et je désire encore plus le consacrer à l’homme dans le vaste contexte de la réalité qu’est le travail. Si, en effet, comme je l’ai dit dans l’encyclique Redemptor hominis publiée au début de mon service sur le siège romain de saint Pierre, l’homme «est la première route et la route fondamentale de l’Eglise», et cela en vertu du mystère insondable de la Rédemption dans le Christ, il faut alors revenir sans cesse sur cette route et la suivre toujours de nouveau selon les divers aspects sous lesquels elle nous révèle toute la richesse et en même temps toute la difficulté de l’existence humaine sur la terre».
Et à qui pourrait s’interroger sur la légitimité de l’Eglise de s’occuper d’un tel argument (le travail dans ses divers aspects), le saint Père poursuit en disant: «Il n’appartient pas à l’Eglise d’analyser scientifiquement les conséquences possibles de tels changements sur la vie de la société humaine. Mais l’Eglise estime de son devoir de rappeler toujours la dignité et les droits des travailleurs, de stigmatiser les conditions dans lesquelles ils sont violés, et de contribuer pour sa part à orienter ces changements vers un authentique progrès de l’homme et de la société» (L. E., n°1).

2. Le travail: question clé de la doctrine sociale de l’Eglise
S’il est vrai que la sollicitude sociale de l’Eglise remonte à ses débuts et que son enseignement trouve son fondement dans l’Ecriture Sainte et dans les écrits apostoliques, il est aussi vrai que la question sociale du XIXe siècle, la «question ouvrière» – une question du travail -,qui est à la base du développement constant d’un «instrument très adapté», selon les mots du Pape François (Cf. Evangelium gaudium, n° 184), qu’est le Compendium de la doctrine sociale de l’église (CDSE), ayant attrait au thème du travail et en montre une position privilégiée dans le discours sociale des papes de la sainte Eglise catholique: Léon XIII, Rerum Novarum, 1891; Pie XI, Quadragesimo Anno, 1931; Jean XXIII, Mater et Magistra, 1961; Paul VI, Popolorum Progressio, 1967; Jean Paul II, Laborem Exercens, 1981… après la publication du Compendium qui remonte à 2004, d’autres documents ont suivi comme: Caritas in Veritate, en 2009 du Pape Benoît XVI et Laudato Sì, en 2015 du Pape François.
Ces documents non exhaustifs, montrent donc clairement à quel point l’Eglise reste sensible à la question du travail de l’homme et de la femme, sans pour autant perdre de vue les conditions de leur dignité. Le Pape François, pour sa part, n’a eu de cesse d’évoquer cette dignité en rappelant: «le manque de travail te conduit … à te sentir sans dignité! Et là où il n’y a pas de travail, manque de dignité!» (François, Rencontre avec le monde du travail, Cagliari, 22 septembre 2013).

3. Saint Joseph, modèle de travailleur chrétien
Avec la Lettre Apostolique «Patris corde» (avec un cœur de père), le Pape François nous invitait à célébrer le 150e anniversaire de la proclamation de saint Joseph comme Patron de l’Église universelle, du 8 décembre 2020 au 8 décembre 2021, comme une «année spéciale saint Joseph».
Or célébrer une telle figure, c’est prendre en considération ses vertus d’homme simple et courageux à affronter le dur labeur du charpentier de Nazareth, et père adoptif du petit Jésus, qui devait encore grandir avant de commencer sa vie publique et se révéler au monde. C’est ici l’occasion de nous demander en tant que chrétiens si nous nous efforçons d’imiter réellement celui que nous avons choisi comme modèle? Je pense en particulier au personnel soignant (Médecins, infirmiers, personnel administratif …), appelé à mettre en pratique le Serment d’Hippocrate pour sauver les vies humaines, qui aujourd’hui n’offrent plus ces services de qualités comme ce fut le cas dans les années 90. J’en veux pour exemple, le grand centre hospitalier et universitaire de Brazzaville (CHU – B), qui a fait l’objet de plusieurs «procès» avec des directeurs généraux venus d’ailleurs qui nous avaient promis monts et merveilles, au lieu de valoriser nos propres compétences. Que du temps perdu pour avoir voulu privilégier les intérêts personnels au détriment de la santé des Congolais!
Au finish, il convient de dire que nous n’atteindrons les objectifs d’un Congo émergent que dans la mesure où chacun mènera une vie professionnelle débarrassée de tout esprit partisan et du virus de la corruption dans nos administrations. C’est ce que les latins appellent: «Mens sana in corpore sano», c’est-à-dire, «un esprit sain dans un corps sain». Autrement dit, Congo pays émergent d’ici 2025, ne sera que de la poudre de perlimpinpin aux yeux des congolais.

Eric Béranger N’SONDE
Prêtre en mission pastorale en Italie