Notre réflexion s’inscrit comme une invitation à comprendre ce que le Gouvernement veut et ce que l’Eglise doit faire. Le Gouvernement parle de la célébration dans la stricte intimité de tous les événements familiaux: veillées mortuaires, enterrements, mariages, anniversaires etc. Malgré cette décision, ces événements se célèbrent en grande pompe, avec le spectacle qu’offrent les veillées et les enterrements à Brazzaville et Pointe-Noire. Nous assistons à un phénomène désolant dans les morgues, les bars, nganda et caves toujours pleins à craquer, alors que les attroupements ou les rassemblements de plus de cinquante personnes sont interdits.

Il y a de quoi se demander si ce n’est pas une manière de nuire ou de museler l’Eglise. Nous pensons que le spirituel doit accompagner le processus de lutte contre cette crise sanitaire. Même si le Congo est un Etat laïque, il est acquis que la prière guérit aussi les âmes. L’accord-cadre signé le 3 février 2017 à Brazzaville entre l’Etat de la Cité du Vatican et la République du Congo, à l’occasion du 40e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques et sa ratification par le Parlement avait pourtant balisé tout le chemin. En présence de Son éminence le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’Etat du Vatican, du président de la République Denis Sassou Nguesso, du premier ministre chef du gouvernement, Clément Mouamba, du nonce apostolique au Congo et au Gabon, Mgr Francisco Escalante Molina et de tous les évêques du Congo.
Dans cet accord-cadre, il est fait mention de soutenir les relations de coopération entre le Congo et le Saint Siège, entre l’Eglise catholique et l’Etat. L’Eglise étant reconnue comme partenaire sûre pour le développement du pays. En effet, l’Eglise catholique au Congo, à travers ses structures de bienfaisance œuvre dans les secteurs de l’éducation, la santé et l’action humanitaire, à l’instar de Caritas Congo. Là où l’Etat est défaillant, l’Eglise fait le reste. Donc, une notion de complémentarité. Depuis le 31 mars, date du confinement de la population sur l’ensemble du territoire congolais, les lieux de culte étaient hermétiquement fermés. Durant cette période, les serviteurs de Dieu n’ont pas eu le temps matériel de sensibiliser les fidèles sur cette pandémie. Lors de la signature de l’accord-cadre, Son éminence le cardinal Pietro Parolin avait indiqué: «Vivez dans la paix et le dialogue, cultivez la compassion et non les rancœurs et la haine». Malheureusement, le nombre cinquante exigé ne correspond pas à la réalité et l’Eglise peine à relancer ses activités spirituelles dans les paroisses. Même si les messes ont repris timidement depuis dimanche 26 juillet dernier dans certaines paroisses, conformément à la note circulaire de Mgr Anatole Milandou, archevêque métropolitain de Brazzaville datée du 23 juillet 2020.
Un calendrier de programmation desdites messes a été établi par les curés de paroisses, tout en respectant le nombre cinquante et les mesures barrières. Les messes des funérailles se célèbreront dans le strict respect des mesures barrières, à compter du 23 juillet 2020. L’on se pose la question de savoir pourquoi deux poids, deux mesures, lorsqu’on sait que les décès à Brazzaville et Pointe-Noire mobilisent des foules énormes au mépris des mesures barrières, sans le moindre respect de la distanciation, à l’instar du décès de Marcel Moufouma Okia, dont le corps a été exposé à son domicile de la rue Mbama à Bacongo; les obsèques du patriarche de la rumba des deux rives du fleuve Congo Nganga Edo, au Palais du parlement qui ont mobilisé des foules. Les rassemblements politiques se tiennent normalement, notamment avec le Parti congolais du Travail (PCT) qui a lancé la campagne de restructuration de ses organes intermédiaires de base dans les quartiers et arrondissements de la capitale; l’installation des maires d’arrondissement nouvellement nommés; les descentes parlementaires des députés et autres conseillers locaux pour la distribution des masques et vivres aux populations. De même, le rapatriement des dépouilles mortelles en provenance de l’étranger; le rapatriement des Congolais en provenance de l’Afrique du sud, la reprise du trafic ferroviaire des passagers sur le Chemin de fer Congo océan (CFCO).
Même les véhicules de la Force publique dont les personnes sont collées les unes aux autres, sans la moindre distanciation. Le spectacle que l’on observe pendant la paie des fonctionnaires dans les banques, notamment à la Banque postale du Congo et autres MUCODEC. Malgré ces mesures, la pandémie poursuit sa progression avec un nombre impressionnant de cas. D’ailleurs, c’est ce qui a poussé le Gouvernement à faire marche en arrière sur le couvre-feu qui désormais commence de 20 h jusqu’à 5 h du matin. En tout cas, la propagation du virus ne passera pas par les églises où il y a le salut des âmes, où l’on prêche la discipline et l’obéissance. Au contraire, elle passera par les marchés domaniaux, les veillées mortuaires et les enterrements qui sont des lieux à très hauts risques de contamination et de propagation du virus, foulant au pied la réglementation en vigueur, notamment le non-respect du nombre cinquante, ainsi que les mesures barrières édictées par le Gouvernement.
Dans les différentes homélies, les prêtres mettront l’accent sur la sensibilisation et le respect des mesures barrières, car l’Eglise travaille en faveur de la population. Avec la réouverture très prochaine des frontières entre Brazzaville et Kinshasa, comme l’a fait savoir le président Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo lors de son récent séjour à Brazzaville; la réouverture de l’espace aérien avec la reprise des vols commerciaux internationaux, comme l’a souligné Ma Fulin, ambassadeur de Chine au Congo, en vue de permettre aux techniciens Chinois de revenir au Congo pour la reprise du chantier de construction du Palais du Gouvernement et du siège du parlement, ceci pourrait encore compliquer les choses.
Plusieurs fois, les évêques ont eu des séances de travail avec le Premier ministre, chef du Gouvernement et le ministre de la Santé et de la population, afin de trouver les voies et moyens pour aider le Gouvernement à sensibiliser les chrétiens qui représentent aujourd’hui 80% de la population congolaise à la riposte contre la COVID-19. Dans son agenda, l’Eglise catholique a proposé des solutions qui sont restées lettre morte. Aussi, l’Eglise catholique s’est engagée à assurer la désinfection des paroisses, deux fois par semaine; procéder à la numérotation des places assises dans l’église tout en respectant la distanciation d’un mètre ou plus; lavage des mains depuis le portail jusqu’à l’entrée de l’église; vérification de la température à l’entrée à l’aide de thermo-flash; port obligatoire du masque ou bavette pour tous les chrétiens, ainsi que le célébrant principal, afin de bien faire passer le message. A cet effet, les préfets d’ordre bien outillés en la matière, portant leurs gants, seront placés devant le portail, l’entrée de l’église et à l’intérieur, pour faire observer toutes les mesures barrières, notamment le port obligatoire de masque et le lavage des mains.
Une réunion du Comité d’appui à la solidarité nationale contre la COVID-19, présidée par Mgr Anatole Milandou, archevêque métropolitain de Brazzaville, président en exercice du Conseil œcuménique des Eglises chrétiennes du Congo s’est tenue du 30 juin au 1er juillet dernier à Brazzaville pour amender le document soumis par le Gouvernement par le biais des ministères de la Santé et de l’Intérieur et de la décentralisation concernant les modalités de réouverture des lieux du culte. Depuis lors, rien à mettre sous la dent. L’Etat et L’Eglise travaillent pour le seul bien du citoyen.

Pascal BIOZI KIMINOU