Le retour d’anciens joueurs résidant hors du pays offre l’occasion de revisiter leur carrière. Parmi eux, l’avant-centre Didier Kabala d’Inter Club, Aujourd’hui 70 ans révolus, il a séjourné récemment à Brazzaville. Entretien.
*Didier, qu’êtes-vous devenu ?
**En 1994, à la fin de ma carrière de footballeur, je suis devenu dirigeant de club. J’ai été notamment président d’Inter Club handball. A ce titre, j’ai conduit l’équipe féminine au sacre continental en Coupe d’Afrique des vainqueurs de coupe en 2009. Je réside désormais en France.

*Comment et où aviez-vous débuté votre carrière?
** Au Camp Milice, à Bacongo, où habitait mon père, M. Gaspard Kabala, un gendarme. Nous sommes une famille de sportifs : mon frère ainé, Jean-Pierre, a joué dans l’Etoile du Congo. Trois de mes sœurs cadettes, dont les plus connues sont Suzanne (+) et Anne (actuellement maire de Mouyondzi), ont toutes joué au handball, dans la grande équipe de Diables-Noirs ‘’Choisis’’. Mais c’est à Pointe-Noire où je suis né (le 18 mars 1953) qu’a véritablement démarré un peu plus tard mon histoire avec le football. Lancé par feu Jean-Gilbert Foutou qui fut mon enseignant à l’école Saint-Pierre, je marquais énormément de buts et je dribblais beaucoup. On m’appelait ‘’Petit piment’’. A la Cité, j’ai débuté au club de mwana-foot Black Star de Tié-Tié. Parmi mes coéquipiers : Tchimbakala ‘’Wello’’, Pémo ‘’Lamiaz’’ et mon frère aîné Jean-Pierre ‘’Pelé’’.

*Comment vous êtes-vous retrouvé dans l’Inter Club?
**C’est en 1971, cinq ans après mon entrée à l’école militaire Général Leclerc. J’ai passé mon concours en 1966 à Djambala, après un passage à Mpouya où j’ai connu l’actuel ministre de l’Intérieur Zéphirin Mboulou. On me surnommait désormais ‘’Jadot’’. Titulaire de l’équipe type de l’école militaire, j’ai attiré les convoitises des dirigeants d’Inter Club qui m’ont intégré dans l’équipe première, comme milieu de terrain. Quand Moukila a abandonné le poste de N° 9, j’ai été contraint de jouer avant-centre.

*Est-ce de bon cœur que vous aviez accepté ce changement de poste?
Je n’ai pas eu à le regretter. J’avais toutes les qualités d’un avant-centre : rapide, tir des deux pieds, intelligence de jeu, technique impeccable, une détente verticale qui m’a valu le sobriquet de ‘’Hrubesch’’ en 1976, donné par Hervé Mandounou-Magaga. Et je me faisais respecter dans les airs en jouant astucieusement des coudes. J’ai donné entière satisfaction aux dirigeants au milieu des stars comme Minga, Balekita, Moukila, Mbemba ‘’Thorex’’, etc., car tout au long de ma carrière, je me suis toujours distingué comme un bon buteur.

*Mais, ensuite on vous a perdu de vue à partir de 1974.
** C’est l’année où je me suis expatrié en France. J’avais fait mon entrée au Collège militaire préparatoire d’Aix-en-Provence, pour devenir officier. J’y suis resté jusqu’en 1979. Néanmoins, je m’arrangeais à venir passer les vacances à Brazzaville, et rejouer avec Inter Club. J’ai participé, par exemple, à la 1ère édition de la Coupe du Congo que le club a remportée en juillet 1977. Un peu plus tard, en 1992, j’ai fait l’école de commissariat de l’armée de terre de Montpellier et l’école supérieure des transports de Paris.

*Pendant cette période, vous ne jouiez pas en France?
**Si. Je prêtais mes services à l’équipe amateur d’Aix-en-Provence, en division 3. Je continuais à marquer des buts, beaucoup de buts, si bien que les dirigeants de l’OM me firent les yeux doux, par le truchement de compatriotes, étudiants à Marseille, précisément Benoît Koukebéné et un certain Bidié. Ils me voyaient, moi le Congolais, former un bon duo avec leur Sénégalais de service, Boubacar Saar. Mais, j’ai refusé l’offre, le pays m’attendait.

*Que retenez-vous dans la gamme de vos souvenirs?
** Les titres remportés avec l’Inter Club, mes sélections en équipe nationale en 1980 quand on a battu la sélection des footballeurs africains de France et remporté le 30 juin le tournoi international de Kinshasa aux dépens de la Guinée et la RDC (à l’époque Zaïre), devant onze chefs d’Etat. Mes passages dans l’AS Police (une montée en Ligue 1 en 1991) et Kotoko de Mfoa, ce club de Moungali que je considère comme ma deuxième famille. Je n’oublie pas mes souvenirs de basketteur; j’ai été international entre 1971 et 1973.

*De mauvais souvenirs ?
** Avec une carrière plombée par de multiples blessures. En 1987, par exemple, mon genou a cédé : j’ai été contraint de rester immobilisé un an en France où on m’a placé des ligaments artificiels.

*Auriez-vous un épisode inoubliable de votre vie à évoquer ?
**Au hasard, l’histoire des enfants de Troupes ayant décidé de quitter Inter Club basket pour Diables-Noirs. Nous étions cinq : moi, Kimbékété, Makosso, Samoungana et Bienvenu Mvouenzé. A l’époque, je vivais au Camp 15 Août chez mon oncle paternel, Victor Tsika-Kabala, à l’époque commandant. Le président de la section basket-ball d’Inter Club étant le Président Denis Sassou-Nguesso, il avait considéré notre fugue comme une trahison, surtout pour moi considéré comme son fils, en tant que voisin de mon oncle. Il m’avait fusillé d’un regard méchant, tant et si bien qu’il ne me restait plus qu’à rejoindre l’équipe de la corporation.

Propos recueillis par Guy-Saturnin
MAHOUNGOU