Abdallah Hamdok est de nouveau Premier ministre au Soudan. Il a retrouvé ses fonctions dimanche 21 novembre, à la suite d’un accord signé avec le général al-Burhan, auteur du putsch du 25 octobre. Mais le front anti-putsch est de nouveau en protestation; il n’entend pas baisser les bras. Près d’un mois après le coup d’État, les deux hommes s’engagent à relancer la transition démocratique censée aboutir à un transfert de pouvoir aux civils et à des élections.

Réinstallation d’Abdallah Hamdok, libération des prisonniers politiques et retour à un partage de pouvoir entre militaires et civils : c’étaient les conditions posées par la communauté internationale pour continuer à soutenir le Soudan. De ce point de vue, l’accord conclu dimanche permet donc au général Burhan de sortir de l’impasse dans laquelle l’avait plongé son coup d’État. Au passage, il obtient gain de cause sur la nature du futur gouvernement : il devra être composé de technocrates, comme le réclamait le général avant de mener son putsch.
Mais selon un analyste, cet accord n’est pas sans zones d’ombres. Il prend, certes, pour cadre de référence la déclaration constitutionnelle signée au début de la transition, mais prévoit que ce texte devra être amendé… sans plus de précisions. Un texte que le général al-Burhan a par ailleurs violé et modifié récemment, notamment pour en exclure les Forces pour la liberté et le changement.
Par ailleurs, l’accord ne précise pas la date des futures élections et ne se prononce pas non plus sur la question – centrale – du transfert de la présidence du conseil de souveraineté aux civils. Sans oublier qu’entre-temps le général a remanié ce conseil à sa guise. Les textes constitutionnels pilotant le reste de la transition seront aussi «amendés». Et la plupart des dispositions de l’accord renforcent le contrôle de l’armée sur le gouvernement et l’État soudanais.
Les partenaires internationaux du Soudan, les États-Unis ou encore l’Union européenne, n’ont salué qu’en termes timides l’accord passé dimanche dernier. Tandis qu’Abdallah Hamdok a évoqué la nécessité de mettre un terme au «bain de sang» pour expliquer sa signature, alors qu’une quarantaine de personnes ont été tuées dans la répression depuis le coup d’État. Mais une nouvelle mobilisation populaire est annoncée pour jeudi prochain.
Cet accord affaiblit donc considérablement Abdallah Hamdok. Après avoir brandi pendant des semaines des photos de lui et réclamé sa remise en liberté, certains manifestants déchiraient son portrait dimanche à Khartoum, l’accusant, avec cet accord, d’avoir «trahi le sang des Soudanais». L’Association des professionnels soudanais, fer de lance de la contestation anti-Bachir, a dénoncé fermement «l’accord des traîtres qui n’engagent que ses signataires». La signature d’Abdallah Hamdok ressemble, pour eux, à «un suicide politique». Les plus importants partis politiques soudanais ont également rejeté toute entente avec la junte militaire, de même que les Comités de résistance.
Les Forces de la liberté et du changement, la coalition qui avait porté Abdallah Hamdok au pouvoir lors de la révolution de 2019, ont parlé dès dimanche soir de «trahison». Le mot était sur toutes les lèvres, rapporte un observateur, alors que des milliers de Soudanais occupaient les rues du pays au moment de la signature de cet accord. «C’est le désespoir. On ne s’attendait pas à ça de la part de Hamdok. Avant, il a toujours été de notre côté, il portait nos revendications. Mais aujourd’hui, c’est un retour en arrière. Il s’est aligné sur l’agenda d’al-Burhan, il a laissé derrière lui les demandes de la rue.», lance un manifestant. «Nous avons eu 40 martyrs. Si Burhan accepte demain d’être jugé pour ça, on n’a pas de problème à négocier avec l’armée. Mais aujourd’hui, nous rejetons complètement cet accord, car nous n’avons plus aucune confiance dans l’armée. Nous avons confiance dans la rue, ici devant vous, qui souhaite un gouvernement 100% civil. Ce n’est pas Hamdok, Burhan ou Hemedti qui la feront changer d’avis.», a-t-il conclu.

Gaule D’AMBERT