La transition qui vient de s’engager au Tchad s’annonce sous des auspices inquiétants. Vendredi de la semaine dernière, le sang a encore coulé à Ndjaména. Comme toujours dans nos pays, au lendemain d’une manifestation de la société civile ou de l’opposition, les questions fusent de partout : était-ce une manifestation de protestation contre le maintien au pouvoir du général Mahamat Idriss Deby, ou bien une tentative d’insurrection armée comme le soutient le gouvernement ? Le bilan est-il de 50 morts comme le soutient le gouvernement, ou de 80 comme l’affirment certaines ONG ?
Quelques jours seulement après la fin chahutée d’un Dialogue national censé ramener la paix et la réconciliation, cette répression annonce-t-elle les couleurs du futur que le Tchad veut? De quel souffle ce pays voisin pourra-t-il encore espérer s’inspirer pour recoller les morceaux d’une société fragmentée depuis des années, surtout avec une opposition dont l’action a conduit à la mort – «au front»- du maréchal Deby? Surprenante est la posture du Premier ministre hier farouche opposant, aujourd’hui fervent défenseur du régime en place : jusqu’où ? Ces questions se posent ; il y en a d’autres.
L’Afrique centrale semble avoir pris la mesure des risques d’une conflagration dans la sous-région, à partir d’un pays-clé pour sa stabilité. La rencontre de la CEEAC cette semaine à Kinshasa, entre les chefs d’Etat et leur homologue du Tchad, semble indiquer que nos Chefs d’Etat tiennent les extincteurs à portée de main. Avec un Cameroun, clé économique de notre zone, lacéré à son flanc ouest griffé par une rébellion linguistique, un embrasement de la région serait la dernière chose à nous souhaiter.
Sans parler des vautours djihadistes qui, sous les noms comme Boko Haram, semblent prendre plaisir à verser le sang, enlever les jeunes filles, détruire les églises, des villages ou des champs pour un avenir qu’ils promettent meilleur sous l’œil sévère de Dieu.

Albert S. MIANZOUKOUTA