Décédé le 7 juin 2020 à Brazzaville, à l’âge de 87 ans, après 67ans de carrière, le patriarche de la musique congolaise Edo Ganga, co-fondateur de l’Ok Jazz et des Bantous de la capitale, repose désormais au cimetière du Centre-ville de la capitale où il a été conduit le 22 juillet. Depuis la disparition de celui qui a aussi fait partie des orchestres Atomic Jazz, Negro Jazz, Les Nzoï, Le Peuple et Bantous monument, des témoignes abondent et vont quasiment tous dans le même sens: il était un artiste d’exception qui a marqué des générations par son savoir-faire et a su construire un pont entre les générations.

François Barateau, ambassadeur de France au Congo: «L’homme était simple, humain, très chaleureux, très simple. Et dans les Bantous, il y a toutes les générations, et cela remplit beaucoup d’espoir. La rumba congolaise va continuer à vivre. On a appris à faire connaissance d’Edo qui nous a charmés, parce que tous les dimanches, avec mon épouse, on avait l’habitude d’aller écouter les Bantous de la capitale. Il est parti, mais la musique continue.»
Henri Ossebi, ambassadeur du Congo à l’UNESCO: «Edo Ganga était un artiste-musicien talentueux. Il n’a pas seulement excellé dans la rumba, mais aussi dans bien d’autres genres musicaux. Avec l’O.K. Jazz, par exemple, il a composé plusieurs chansons dont certaines ne sont pas bien connues des mélomanes. Avec lui et bien d’autres connaisseurs de la musique tant de Brazzaville que de Kinshasa, nous étions en train de réaliser un travail pour inscrire la rumba au patrimoine immatériel de l’humanité.»
«Le premier contact avec le patriarche Edo, a dit Bernard Bouka, c’est lors du mariage du Président Marien Ngouabi. Les Guérilleros de l’armée et les Bantous de la capitale avaient été choisis pour animer ce mariage. Le souvenir qui en est resté, c’est qu’à l’époque, les Guérilleros étaient habillés en costume bleu nuit, et les Bantous de la capitale en tenue camouflée. Les gens pouvaient penser que les Guérilleros, c’étaient les Bantous et vice versa. Et depuis, nous ne nous sommes plus quittés. En 1978, nous étions ensemble à la création de l’UNEAC et de l’Union des musiciens congolais. Il est cofondateur de ces deux structures. Nous avons commencé à militer culturellement ensemble.»
Freddy Kebano, artiste-musicien, arrangeur : «Les plus grands moments que j’ai passés avec lui, sont les moments où nous avions partagé la même scène. Nous étions à Cuba pendant un mois, et j’ai partagé tous les jours la scène avec les Bantous de la capitale, donc avec les vieux Edo, Nino, Essous, et tout ce monde. J’ai vraiment beaucoup partagé avec mes doyens.»
Marie Audigier, directrice déléguée de l’Institut français du Congo (IFC): «Les Bantous continuent, et il vit (ndlr: Edo Ganga) encore à travers les Bantous. La chanson hommage qu’ils lui ont composée est magnifique. Je crois qu’elle est l’emblème de cette transmission, de cette école de musique que sont les Bantous, et qui continue à faire les sauces de la rumba.»
«La chanson ‘’Paulo yaka yaka to bongisa’’ a été arrangée par Edo Ganga. A ce moment-là, c’est lui qui arrangeait la plupart des chansons de l’O.K Jazz. Je ne peux pas l’oublier. Il a beaucoup fait pour l’Ok Jazz», a affirmé, ému, Verkys Kiamuangana Matéta, un ancien de l’Ok jazz.
Blaise Bula (ancien de Wengé musica): «La nouvelle de la disparition du patriarche nous a attristé. Il est l’un des pères de la rumba congolaise qui aujourd’hui est réclamé comme patrimoine culturel au niveau de l’UNESCO. Nous étions des enfants, mais on retient de son existence artistique la chanson ‘’Aimée wa bolingo’’. C’est une chanson qu’on écoutait, mais, on ne savait pas que c’était sa composition.»
Quentin Moyascko (Extra Musica international): «Il a construit l’amour, et était un vrai patriarche. Petits et grands étaient ses amis. Ce sont ces anciens qui nous ont donné envie de pratiquer cet art. C’est un grand chagrin pour nous. Nous qui continuons à travailler, nous devons maintenir le niveau, sinon faire un peu plus.»
Dieudonné Loussakou, président de l’orchestre Les Bantous de la capitale, a exhorté les musiciens de ce mythique orchestre à garder la flamme qu’Edo Ganga laisse après 67 ans de carrière musicale. «La jeunesse doit continuer à travailler, parce que de leur vivant, Nino, Essous, Edo, Célio et les autres avaient sans cesse plaidé pour qu’il y ait une rénovation de la musique. Et ils avaient toujours souhaité que les jeunes prennent la place des anciens, afin que les Bantous de la capitale qui est un monument vivant national puisse continuer à égayer le pays sur le plan artistique.»

Propos recueillis par Alain-Patrick MASSAMBA