La Semaine de prière pour l’Unité des chrétiens fut célébrée en 1975 à Brazzaville comme les années précédentes, par une série de rencontres œcuméniques, qui dans les différents quartiers de la ville, avaient rassemblé chez les uns et les autres les fidèles des quatre confessions chrétiennes du Congo: catholique, évangélique, salutiste et kimbanguiste. Ces réunions de prière avaient été caractérisées par la ferveur et l’enthousiasme et avaient trouvé leur consécration pratique dans les quêtes de solidarité qui y furent faites en faveur des frères salutistes et kimbanguistes qui avaient vu leurs lieux de culte gravement sinistrés lors de la tornade du 24 novembre 1974. 46 ans après, nous revenons sur cet événement qui marqua les chrétiens de la capitale.

En cette année 1975, les responsables des Eglises avaient voulu que la série des cérémonies particulières trouvent leur conclusion dans une grande manifestation commune au Stade Eboué, le dimanche 26 janvier. Rassemblement chrétien et Stade Eboué appelèrent en général un troisième élément: la pluie. On se souvient encore des flots célestes qui avaient le 20 mai 1973 copieusement arrosé la réception solennelle du Cardinal Emile Biayenda! Ce dimanche, évidemment, la pluie était au rendez-vous, il faut dire que, après des grondements de tonnerre assez impressionnants, nous n’eûmes droit qu’à une petite pluie, d’une petite heure, qui, si elle avait refroidi un peu l’ambiance au point de départ, avait eu l’avantage d’épargner les feux d’un soleil qui, en cette saison, pouvait se révéler tuant. Il faut ajouter aussitôt que grâce à l’entrain claironnant de deux fanfares, kimbanguiste et salutiste, l’atmosphère spirituelle de la réunion avait trouvé rapidement l’enthousiasme qui avait, en ce dimanche matin, conduisit au Stade Eboué près de 15.000 personnes.
La manifestation œcuménique avait été placée sous le signe et dans la perspective d’une méditation de la phrase de Saint-Paul: «Tout réunir sous un seul chef, le Christ» (Ephésiens 1,10). Elle avait commencé vers 9 heures, par l’accueil en fanfare et avec les applaudissements de la foule des responsables des quatre Eglises chrétiennes congolaises; le cardinal Emile Biayenda (Eglise catholique), le pasteur Buana-Kibongui (Eglise évangélique), le colonel Mabwidi (Armée du salut) et M. David Nsomi (représentant légal de l’Eglise kimbanguiste). La cérémonie qui avait duré jusqu’à 13 heures passées, était bâtie sur le schéma suivant: -une introduction avec adoration, salutation, invocation du Saint-Esprit et acte de repentance ; -communion dans la Parole de Dieu-partie plus longue puisqu’elle avait comporté quatre prédications; -communion dans la prière, sous la forme maintenant connue de l’intercession litanique propre à l’Eglise primitive; -communion dans les offrandes, c’est-à-dire quête commune dans une ambiance dynamique et joyeuse.
Au cours de l’introduction, le pasteur Buana-Kibongui avait pris la parole pour esquisser un rapide tableau de l’œcuménisme mondial, africain et congolais. Il avait notamment donné lecture du manifeste œcuménique des Eglises du Congo, fait à Brazzaville, le 20 décembre 1974, dont voici le texte:
Les Eglises chrétiennes de la République populaire du Congo, signataires du présent document : Croient en Dieu le Père, en Jésus-Christ le Fils, l’unique Sauveur et Seigneur, et au Saint-Esprit, selon toute la Bible divinement inspirée. Luttent contre tout prosélytisme, mais manifestent l’unité spirituelle que nous avons en Dieu, le Père, en Jésus-Christ le Fils et au Saint-Esprit, par tous les moyens appropriés, par exemples : -enseignement et éducation portant en particulier sur le respect et l’amour réciproques entre les chrétiens ; -organisation de certains cultes en commun ; -échange de prédicateurs et d’expériences ; -information réciproque ; -action commune dans le domaine de l’évangélisation et des problèmes sociaux.
Engageant un dialogue sincère et charitable avec toutes autres Eglises qui travaillent au Congo et avec les Eglises et les groupes d’Eglises qui sont établis en Afrique et dans le monde. Contribuent à une bonne entente entre les Eglises chrétiennes et les autorités officielles de la nation. Se réunissant en conséquence le plus souvent possible pour concrétiser leur œcuménisme conformément aux articles ci-dessus.
La liturgie de la parole avait comporté, comme, il avait été dit, quatre prédications, ponctuée chacune par des psaumes et des cantiques interprétés par les diverses chorales. C’est ainsi qu’il avait été entendu successivement ; M. l’abbé Louis Badila, vicaire général de Brazzaville qui avait parlé en français, M. David Nsomi de l’Eglise kimbanguiste qui avait prêché en kikongo, le colonel Mabwidi de l’Armée du salut qui avait parlé en lingala, enfin M. le pasteur Basile Nzambi qui avait parlé en kituba. Après la prière d’intercession, les fidèles avaient eu le privilège d’entendre M. Frédéric Radriamamodji, secrétaire du Conseil Œcuménique des Eglises pour l’entraide entre les Eglises Africaines, dont la présence à Brazzaville avait heureusement coïncidé avec la grande réunion œcuménique qu’il avait bien voulu honorer de sa présence.
Vers la fin de la cérémonie, le cardinal Emile Biayenda avait prononcé une courte allocution de conclusion, successivement en lingala, en lari et en français. La manifestation s’était achevée par quelques instants particulièrement émouvants et solennels : la récitation commune du ‘’Notre Père’’ et la bénédiction donnée à la foule simultanément par les quatre responsables des Eglises, selon la formule de Saint Paul dans 2 Corinthiens 13,13. C’était donc une grande et belle journée vécue ensemble par les chrétiens de Brazzaville. Il resta à souhaiter que cette manifestation d’unité ne soit pas qu’une flambée passagère; mais qu’elle influe durablement sur le comportement religieux et social de chacun. Sur le plan de la pensée et de la croyance, l’œcuménisme impliqua des tâches qu’il ne fallait pas demander à tous d’assumer et d’accomplir. Mais tous pouvaient, et devaient, sur le plan de l’action, mettre activement en œuvre les principes de compréhension mutuelle, d’ouverture et de dialogue qui le commandait.

Alain-Patrick
MASSAMBA