D’une vingtaine d’années, Chancelia Delfry Moulounda, étudiante en master à l’Université Marien Ngouabi et trois autres personnes sont en détention préventive à la prison centrale de Brazzaville depuis le 25 février 2021 pour affaire:’’tentative d’atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat’’. En date du 4 avril 2022 le juge en charge du dossier au Tribunal de Grande Instance (TGI) de Brazzaville a pris une ordonnance de refus de mise en liberté de ces derniers. Une décision jugée arbitraire par la plateforme des ONG des Droits de l’homme.

Ayant pris connaissance de cette ordonnance, le Centre d’actions pour le développement (CAD) dirigé par Trésor Nzila Kendet, le Cercle uni pour les droits de l’homme et culture de paix (CUDHOC), la Fondation Ebina et la Plateforme pour les droits humains et la démocratie ont coanimé une conférence de presse le 14 avril dernier au siège du CAD à Brazzaville. Les représentants de ces ONG ont marqué leur indignation face à la poursuite de cette détention qu’ils qualifient foncièrement d’arbitraire et ont appelé les autorités congolaises à libérer sans délai cette jeune fille ainsi que ses codétenus: Jean Roger Ndinga Elenga, Junior Mouelé Massamba et Charden Holger Louya.

Les membres de la plateforme pendant la conférence de presse
Les membres de la plateforme pendant la conférence de presse

Le directeur exécutif du CAD a rappelé que la détention préventive est une mesure exceptionnelle, confère ‘‘article 119’’ de la Constitution. «Elle ne peut excéder quatre mois et interdit qu’elle soit prolongée pour plus de deux mois», article 121. Pour lui, la détention de Chancelia Moulounda viole aussi la Constitution, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) ainsi que le Pacte international relatif aux droits civils qui interdisent le recours à la détention arbitraire. «Lorsque vous décidez de priver quelqu’un de liberté, vous devez être en mesure de prouvez sa culpabilité. Ce n’est pas pour rien que le législateur congolais a encadré la matière de la détention. Nous ne sommes pas contre le travail des juges, ni d’une tierce personne. Mais chacun doit faire son travail dans le respect des lois de la République. Aujourd’hui c’est Chancelia, demain ce sera une autre personne. Si nous acceptons l’injustice de Chancelia, il faut que demain on accepte votre injustice. Nous sommes ici pour condamner l’injustice. C’est inadmissible. Le Premier ministre est saisi de la situation, le ministre de la Justice l’est aussi», a déploré Trésor Nzila. «Ce n’est pas à nous à vouloir justifier l’infraction, mais à ceux qui ont engagé des poursuites judiciaires d’en apporter la preuve, malheureusement elle n’existe pas. D’après certaines indiscrétions, cette ordonnance avait été prise sous prétexte que le dossier est arrivé en retard auprès du juge en charge du dossier. Et pour lui le temps passé en prison ne compte pas, c’est inadmissible. C’est un acte de justice. Ne peut être placé en prison qu’un individu sur autorisation d’une autorité du pays. C’est un mandat de dépôt: soit le procureur le délivre, soit un juge d’instruction; on ne peut pas dire que parce que le dossier est arrivé chez moi en retard, tout le temps passé en prison ne compte pas. La détention préventive court dès l’instant où l’acte de dépôt a été pris. Nous n’allons pas annuler les 12 mois de détention», a martelé le directeur exécutif du CAD.
Pour lui, la mise en liberté n’a nulle part une procédure. On ne peut pas garder des gens en prison pendant un certain temps sous prétexte qu’on est à la recherche des preuves. Ce n’est pas ce que dit la loi congolaise, non plus les conventions et traités internationaux que le Congo a ratifiés. «C’est ce qui entraîne un chaos général dans la gestion de la détention préventive», a fait remarquer Trésor Nzila.
Pour Gaspard Mienantima, président du CUDHOC, «la justice ferait mieux de veiller à ce que les droits fondamentaux puissent être garantis en toutes circonstances dans le pays, plutôt que de s’acharner à maintenir des individus en détention provisoire au mépris du droit».
Joe Washington Ebina de la fondation éponyme estime qu’il faut arrêter de distraire la communauté. «L’usage des explosifs pour la casse des pierres, fait pour lequel elle est incarcérée, est une activité normale. Il faudra aussi préciser que Chancelia n’est pas dans cette activité, elle n’a apporté que des fonds pour aider une personne à acheter ces produits. Nous constatons qu’il y a un abus de pouvoir», a-t-il regretté.
Présent à la conférence de presse, Jacques Moulounda père de la victime, a fustigé le fait que les autorités pénitentiaires ont durci les conditions de détention de sa fille, en restreignant son droit aux visites. Depuis le 21 mars 2022, seule sa tante est autorisée à lui rendre visite. Les autorités lui reprochent la mobilisation sur les réseaux sociaux en faveur de sa libération. «Je suis choqué, même moi le père j’ai été interdit de visiter ma fille, je me rends tous les jours devant la maison d’arrêt, mais on ne me permet pas l’accès, je me dis peut-être que ma fille n’est plus en vie».

E.M.-O