Dans le cadre de la commémoration de la Journée internationale de la femme, le 8 mars de chaque année, nous avons jugé opportun de publier cette réflexion de Dr Sr Rhyta Moussounda Kimani, religieuse vivant en Italie, qui affirme: «Le respect du droit à un niveau de vie suffisant dépend d’un certain nombre d’autres droits économiques, sociaux et culturels». Ci-dessous l’intégralité de son texte.

Le thème proposé par l’ONU, cette année 2024, pour la célébration de la journée internationale des droits des femmes s’intitule: «Investir en faveur des femmes: accélérer le rythme.» La thématique s’étend sur plusieurs axes: la question de droits humains, la pauvreté, le financement tenant compte du genre et de l’économie. La sphère articulée autour de l’élimination de la pauvreté retient notre attention car, dans le courant habituel de la vie humaine, les femmes et les hommes aspirent à une vie heureuse, prospère et décente. Il s’agit, en effet, du droit à un niveau de vie suffisant, prôné par les textes juridiques internationaux, régionaux et nationaux, comme l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH); l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, etc. Mais il suffit d’un clin d’œil sur le vécu réel des femmes et des hommes au sein de la société pour se rendre à l’évidence du fait que l’univers est plutôt jonché de réalités qui mettent en cause ce principe.
Il y a lieu de noter entre autres la pauvreté dans laquelle croupissent les êtres humains. Il ressort du rapport des Nations Unies que «Plus de 700 millions de personnes, soit 10 % de la population mondiale, vivent encore aujourd’hui dans l’extrême pauvreté et luttent pour satisfaire leurs besoins fondamentaux». Ainsi, dire des femmes et des hommes qu’ils sont pauvres signifie que leurs ressources se situent au deçà d’un seuil fixé. Et selon la Banque mondiale, «la pauvreté, c’est avoir faim. La pauvreté, c’est être sans abri. La pauvreté, c’est être malade et ne pas pouvoir voir un médecin. La pauvreté, c’est ne pas pouvoir aller à l’école et ne pas savoir lire. La pauvreté, c’est ne pas avoir de travail, s’inquiéter de l’avenir et vivre au jour le jour». Vu sous cet angle, la pauvreté est l’affaiblissement ou une forme de violation des droits économiques et sociaux prônés à l’article 11 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Ce pacte prévoit deux des droits de l’homme: le droit à l’alimentation et le droit à un niveau de vie suffisant, notamment en ce qui concerne la subsistance, des droits de l’habillement, le logement et la nourriture. Le fait de définir et comprendre la pauvreté du point de vue des droits de l’homme permet de mieux cerner les nombreuses variantes qu’occasionne la situation de la pauvreté dans le monde et dans les relations humaines. Il s’agit entre autres de la violation de ces prérogatives. Ce problème requiert une attention soutenue des communautés internationales et gouvernementales.
C’est en effet, eu égard à l’impact négatif de la pauvreté dans la société en général et dans la relation femme et homme en particulier, qu’elle figure parmi les axes ciblés par l’ONU. Dans le monde entier, les femmes et les filles sont représentées de manière disproportionnée parmi les personnes vivant dans la pauvreté (Cf. ONU infos du 22 juin 2023). Considérant les droits des femmes comme des droits de l’Homme, comment le respect du principe d’égalité entre homme et femme peut contribuer à la réduction ou à la fin de la pauvreté dans le monde et au Congo-Brazzaville de façon particulière? Les pistes de solutions peuvent s’articuler autour de deux angles que nous retenons importants: une attention sur le caractère sexué de la pauvreté et la faisabilité des actions concrètes à mener pour éliminer ce mal.
S’agissant de l’aspect sexué de la pauvreté, il importe de noter que le respect du droit à un niveau de vie suffisant dépend d’un certain nombre d’autres droits économiques, sociaux et culturels. C’est le cas notamment du droit au travail. Or, de nos jours, le marché de travail est jonché d’inégalités socio-économiques qui persistent entre les sexes et font à ce que l’ampleur du phénomène diffère pour les femmes et pour les hommes et persiste tout en contribuant à sa surexposition. L’on constate que les hommes sont assignés à la sphère productive tandis que les femmes à la sphère reproductive. Il en est de même de l’inégal partage des tâches domestiques et familiales qui, pour la plupart des temps, pèse sur la femme ou constitue presque son apanage; et aussi des inégalités professionnelles. La division sexuée de la pauvreté est à prendre en considération pour arriver au respect de l’égalité de genre.
Quant aux stratégies liées à la faisabilité des actions concrètes à mener, nous les examinons d’abord au niveau international puis national. Notons que dans une vision globale mondiale, beaucoup d’initiatives ont été mises en exergue. Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 énumère: l’intégration sociale, la réduction des inégalités, la hausse de la productivité et un environnement favorable, etc. Toujours est-il que ces mesures sont pour la plupart des cas d’application difficiles eu égard à la croissance de la pauvreté dans le monde. C’est pour cela l’ONU invite l’humanité à «accélérer le rythme». Et ce qui se vit au niveau international est mutatis mutandis au niveau national, le cas notamment du Congo-Brazzaville. A noter que malgré toutes les richesses économiques que possède ce pays (le pétrole, les hydrocarbures, les forêts…), la population Congolaise vit dans la souffrance.
Cela constitue un frein à la réalisation d’actions pouvant aider les femmes à vivre pleinement leurs droits. À ce niveau, le rythme nécessite également d’être accéléré, car la pauvreté est un mal non négligeable dans le processus de l’intégration des femmes Congolaises au travail et à la promotion de leurs droits. Nous proposons en plus de la promotion et vulgarisation des textes juridiques internationaux et nationaux en cette matière, un rythme accéléré du secteur agricole en collaboration avec d’autres Ministères. Il est important de noter que les femmes Congolaises sont nombreuses à œuvrer dans le secteur susmentionné. Ce qui est louable bien entendu. Mais l’exercice, par ces dernières, de cette activité constituerait, à notre avis, un remède efficace à cette situation, à condition que soient révisées et amandées les conditions précaires dans lesquelles elles l’exercent et les moyens auxquels elles recourent.
Aussi, dans la mesure où une femme pauvre est celle dont le maintien de son ménage ne dépend que du salaire de son mari, la femme Congolaise est appelée à se prendre en charge, en développant les petites et moyennes entreprises et mettant ses potentialités et son imagination en action. La femme Congolaise est également invitée à aborder autour d’elle, la question de la pauvreté lors des différents échanges. Un partage d’expériences entre femmes, par exemple, sur la culture vivrière, les microprojets et les initiatives prises de façon personnelle, etc. peuvent concourir à la réduction de la pauvreté chez la femme Congolaise. Ceci, moyennant l’apport du Gouvernement qui a l’obligation de «s’engager à assurer le droit égal des hommes et des femmes de jouir de tous les droits civils et politiques», au sens de l’article 3 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques.
S’acquitter de ce devoir, serait, pour le Gouvernement Congolais, un signe de collaboration et d’encouragement à son peuple, pour pallier à la pauvreté. Ça serait ainsi vivre le principe d’accélération des stratégies en matière d’égalité de sexe.

Dr. Sr. Rhyta MOUSSOUNDA KIMANI, Cp