Le Mali s’est réveillé mardi 25 mai 2021, avec la nouvelle de l’arrestation la veille par les militaires du Président et du Premier ministre de transition. L’homme fort de la junte et du pouvoir malien depuis neuf mois, le colonel Assimi Goïta, a indiqué avoir déchargé de leurs prérogatives le chef de l’Etat et le chef du gouvernement, en les accusant de tentative de «sabotage» de la transition.

Le colonel Assimi Goïta a aussi indiqué que «le processus de transition suivra son cours normal et que les élections prévues se tiendront courant 2022». A la tête des putschistes qui avaient renversé le Président élu Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août 2020, il reproche au Président Bah Ndaw et au Premier ministre Moctar Ouane d’avoir formé un nouveau gouvernement sans se concerter au préalable avec lui, bien qu’il soit en charge de la défense et de la sécurité, domaines cruciaux dans le pays en pleine tourmente.
La charte, grandement rédigée par les colonels, est un texte de référence de la transition censée ramener des civils au pouvoir. Le colonel Goïta dit s’être vu «dans l’obligation d’agir» et de «placer hors de leurs prérogatives le Président et le Premier ministre ainsi que toutes les personnes impliquées dans la situation».
Le Président Bah Ndaw et le Premier ministre Moctar Ouane ont passé la nuit aux mains des militaires qui, lundi, les ont fait conduire de force au camp de Kati, haut lieu de l’appareil de Défense à quelques kilomètres de Bamako. Si les militaires ont jusqu’à présent gardé le silence sur leurs intentions, les spéculations sur une démission forcée des dirigeants de transition, comme cela était advenu en 2012 ou 2020 ne faisaient en revanche plus de doute. Cette situation a nécessité l’arrivée à Bamako du médiateur des Etats ouest-africains, l’ancien Président nigérian Goodluck Jonathan.
La composition du gouvernement communiquée lundi a semble-t-il mécontenté les officiers. Bien que des militaires conservent les postes clés, mais deux figures de l’ancienne junte sont écartées des portefeuilles primordiaux de la Défense et de la Sécurité. La mission des Nations unies au Mali, la Communauté des Etats ouest-africains (CEDEAO), l’Union africaine, la France, les Etats-Unis d’Amérique, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Union européenne ont condamné «fermement la tentative de coup de force». Ils exigent «la libération immédiate et inconditionnelle» des dirigeants de transition, auxquels ils apportent «leur ferme soutien». Ils rejettent par avance tout fait accompli, y compris une éventuelle démission forcée des dirigeants arrêtés.
Le Conseil de sécurité de l’ONU pourrait tenir une réunion d’urgence dans les prochains jours. Une délégation du Mouvement du «5-Juin», le collectif qui avait mené en 2020 la contestation contre le Président déchu Ibrahim Boubacar Keïta et qui avait été marginalisée par les militaires, s’est rendue dans la nuit à Kati.
Mi-avril, les autorités de transition ont annoncé l’organisation le 31 octobre d’un référendum sur une révision constitutionnelle promise de longue date et ont fixé à février-mars 2022 les élections présidentielle et législatives à l’issue desquelles elles remettraient le pouvoir à des dirigeants civils.

Gaule D’AMBERT