Cela fait quarante-huit ans aujourd’hui depuis que Mgr Emile Biayenda fut créé Cardinal à l’âge de 46 ans par le Pape Paul VI à Rome, au Vatican. L’événement était inédit dans l’histoire de l’Eglise au Congo et dans le monde. Cette nouvelle inattendue avait suscité et engendré la liesse auprès des chrétiens catholiques, mais également auprès de tous les Congolais. Récit des faits.

Annonce de la nouvelle
Paul VI annonçait au mois de février 1973, qu’il allait créer le 5 mars de la même année, trente nouveaux cardinaux, rapporte Adolphe Tsiakaka, dans son ouvrage titré: «Emile Biayenda, grandeur d’un homme humble», publié en 1999. Cette décision poursuit-il portera les effectifs du Sacré Collège à un nombre record de cent quarante-cinq membres. Mais cent seize seulement, parmi eux, ont moins de quatre-vingts ans et seraient donc effectivement électeurs du Pape en cas de conclave. Ces nominations accroissent la présence du Tiers-monde dans le Collège électoral du Pape. C’est le nombre combien important, que Monseigneur Biayenda, à 46 ans, fera partie comme nouveau Cardinal. La communauté chrétienne catholique et tous les Congolais furent dans la liesse, en apprenant le 2 février 1973, l’élévation au cardinalat, d’un de leurs fils. Mgr Emile Biayenda venait de rentrer de Vindza après l’enterrement de son père, Albert Semo dia Mboma. Il apprit la nouvelle d’abord au téléphone, le vendredi matin, par Monseigneur Tagliafferi, délégué apostolique, depuis Bangui. Il reçut du Pape Paul VI, la lettre officielle qui lui annonçait son admission dans le Sacré Collège.
A la suite de cette nomination, pour répondre aux différentes lettres, le cardinal Emile Biayenda adressa un message aux chrétiens et à tout le peuple congolais. Il s’exprimait notamment en ces termes: «Cette nouvelle reste une grande surprise, tant pour vous que pour nous-mêmes: personne ne s’y attendait et ne pouvait s’y attendre! Eh bien que la volonté de Dieu soit faite et que le Seigneur et l’humanité en soient glorifiés au maximum! La promotion au rang des cardinaux est un honneur bien sûr, mais aussi et surtout une charge et un service que nous devrons assumer tous ensemble…»

Imposition de la barrette cardinalice
Le Pape Paul VI lui impose la barrette cardinalice, le 5 mai 1973, à Rome. Voici ce qu’écrit entre autres, le Journal des ‘’Informations Catholiques Internationales’’. «Le nouveau cardinal est généralement apprécié pour sa bonté, sa patience et son sens du dialogue. L’une de ses préoccupations est d’adapter les coutumes traditionnelles au monde moderne, entre autres les adaptations liturgiques et la valorisation du Mbongue comme lieu de dialogue, d’écoute et d’éducation… »
Après avoir été créé cardinal, Emile Biayenda, est reçu en audience par le Pape Paul VI, le 13 mars 1973. Au sortir de cette rencontre, le plus jeune cardinal du monde était l’invité de l’émission ‘’Vers l’Europe et l’Afrique’’ de Radio Vatican. A la question: Pourriez-vous nous dire, Eminence, comment réagit actuellement le clergé congolais face aux problèmes du prêtre? Le cardinal répondait: «Le clergé congolais n’est pas indifférent aux problèmes qui se posent au prêtre aujourd’hui. Il sait que l’on parle aujourd’hui de la crise d’identité du prêtre. Le prêtre, paraît-il, ne sait plus que ce qu’il est, mais à mon avis, si le prêtre ne sait plus ce qu’il est, c’est peut-être parce qu’il ne voit plus ce qu’il doit faire… »

Retour à Brazzaville et Messe d’action de grâces
Le 9 mai 1973, le cardinal Biayenda revient à Brazzaville: la chrétienté de Brazzaville lui réserve un accueil chaleureux. Onze jours après son arrivée, une grande messe d’action de grâces fut célébrée au stade Félix Eboué de la capitale. Dimanche 20 mai 1973, le matin, à l’aube, bien des chrétiens Brazzavillois, voyant tomber, d’un ciel assombris une pluie imperturbable, ont dû se dire, c’est raté! Eh bien non! Malgré la pluie, qui finalement s’arrêtera, mais qui avait transformé le Stade Eboué en marécage, ce n’était pas raté, mais magnifique! Lorsque la cérémonie commença avec une heure de retard sur le programme, ils étaient entre 25.000 et 30.000 personnes… La messe se déroula avec un schéma original pour la circonstance. La liturgie de la Parole fut marquée par deux homélies. Mgr Tagliaferri, après avoir évoqué la vie du cardinal Biayenda, se plut à souligner les qualités du prélat: son esprit de foi et son courage, sa simplicité, son sens de l’accueil et son désir de l’échange. Citant ensuite Paul VI, il rappela la signification de la nouvelle dignité de l’archevêque de Brazzaville et les encouragements que le Pape lui avait adressés, lorsqu’il le reçut en audience.
Son éminence le cardinal Biayenda prononça à son tour son allocution, dans laquelle, il souligna: «Qui en dehors du chrétien connaît mieux les voies et les moyens de l’unité et de la paix, dans la dignité et le respect de l’homme? Il faut nous en convaincre, c’est notre mission et c’est le vœu du Christ, notre Chef: que nous soyons unis comme les trois personnes de la divine Trinité…»
A la fin de la cérémonie, plusieurs allocutions furent prononcées dont celles du cardinal Joseph-Albert Malula, archevêque de Kinshasa, du pasteur Buana-Kibongui de l’Eglise évangélique du Congo et de M. Alphonse Sita, parlant au nom des laïcs chrétiens. Le cardinal vivait simplement. Il accueillait tous ceux qui souhaitaient le rencontrer, chrétiens ou non. C’était avant tout un pasteur.

Alain-Patrick MASSAMBA