Artiste-musicien, auteur-compositeur et interprète, âgé de 58 ans, Bernard Ngavoulou, le ‘’musicophilosophe’’, est un artiste congolais pétri de talents, mais peu connu. Outre cela, il est administrateur des SAF, et évolue à la Direction générale des domaines de l’Etat. Dans l’interview qu’il nous a accordée récemment à Brazzaville, il nous parle de son parcours mais aussi de ses perspectives.

*Bernard Ngavoulou, quel est votre parcours musical ?
**La musique a commencé à m’influencer depuis que je suis né. Cette passion avait été étoffée par mes parents qui ont réussi à faire de moi l’enfant le plus instruit de leur progéniture. Enseignant en 1993, avec mes anciens élèves de Madingou I, à savoir Mounkrokoto à la guitare et Lopo Doudouchet à la batterie, nous avions mis au point un support audio, contenant ma première chanson titrée : ‘‘Dina’’. La qualité sonore de cet opus étant assez bonne, nous l’écoutions de temps à autre et le déclic est parti de là. Mais, la vie professionnelle et intellectuelle prendra le dessus pendant un laps de temps.

*Puis l’appétit est venu en mangeant…
**Effectivement ! En 2011, accompagnés de Laverand Mounkrokoto et de Berfelie, nous sommes entrés au studio de Parfait Young à Brazzaville, et avions enregistré mon premier single. Cette chanson est devenue l’hymne des personnes de mon terroir. Au fil du temps ceux qui me connaissaient ont commencé à m’appeler le musicien. En 2012, j’ai composé d’autres chansons, et toujours à trois, nous avons sorti l’album ‘’ Mabouh’’ (entendez le bercail en téké). En 2014 et en 2016, j’ai composé sur les municipalisations accélérées de la Lékoumou et de la Bouenza. Puis, j’ai dédié un clip à Fernand Mabala, titré : ‘’Adieu le grand Moumbafouneur’’, après son décès. Suivis des singles d’adieu sur Lutumba Simaro, Bébé Chinois et Pauline Toto, ma mère biologique. Sans oublier ‘’Kiyolo ya kumi na ivwa’’, un clip fait pour sensibiliser, conscientiser les populations sur la pandémie de Covid-19.

*Combien d’opus avez-vous sur le marché, et comment se comportent-ils ?
**Sorti en 2013 et 2014, ‘’Mabouh’’ s’est assez-bien vendu. Dans ma carrière musicale, j’ai perçu une fois 20.000 Francs, de la part du Bureau congolais du droit d’auteur, après plus rien. Je ne me plains pas pour autant, je suis administrateur. Et pourtant les différentes radios et télévisions font passer mes œuvres. Le souhait est que les choses se passent autrement.

*Disposez-vous d’un groupe et d’un producteur ?
**Pas du tout, l’argent de mes enregistrements au studio et la production de mes clips ne sort que du fond de ma poche. Pour le reste, je me fais accompagner par Laverand Mounkrokoto, un ancien guitariste de l’orchestre ‘’Vox Intello’’, de ma fille Berfelie et de mon fils Befelson, Feeling qui danse bien, sans compter ceux qui s’intéressent à ma musique.

*Quel genre de musique faites-vous et pourquoi ?
**Je fais de la ‘’Rumba ntsiawalisée’’, avec des chansons dont les thèmes sont focalisés sur les faits de société . J’ai un faible pour la rumba en raison de sa nature et de sa beauté exceptionnelle. Elle dispose dans son essence d’une force qui nous emmène dans la musique extase, qui nous rapproche du monde intelligible. Quant au ‘’ntsiawa’’, c’est une musique de mon pays, notamment de Tsiaki, Kingoué, Mayéyé… Elle fait partie de ma culture maternelle et paternelle. Je le fais pour montrer au monde, cette richesse culturelle du Congo-Brazzaville, et participer ainsi au rendez-vous du donner et du recevoir comme l’exige le Président Léopold Sédar Senghor.

*Quel est votre modèle dans le gratin musical congolais ?
**Ils sont nombreux au pays et dans le monde, surtout ceux qui font la musique de l’innovation, de la recherche et surtout de la réflexion. Chairman Jacques Koyo et Jean-Serge Essous restent à jamais des modèles pour moi, dans la mesure où ils ont ‘’engondzalisé’’ et ‘’intellectualisé’’ la rumba. Personnellement, je contribue à la pérennisation de cette rumba en la ‘’ntsiawalisant’’, en la ‘’mopahbalisant’’, et en la ‘’musicophilosophant’’.

*A quelles difficultés êtes-vous confrontées ?
**Elles sont essentiellement matérielles et financières. L’absence des sponsors explique cette situation malheureuse. Mais ces difficultés ne prendront aucunement le dessus sur la détermination et la volonté de fer qui m’accompagneront à faire cette musique à jamais.

*Quels sont vos projets ?
**J’ai deux projets essentiels : continuer à assurer la pérennisation de la rumba en la ‘’ntsiawalisant’’, en la ‘’mopahbalisant’’ et même en la ‘’musicophilosophant’’ ; faire des productions publiques, ne serait-ce qu’en play-back. Mais, également, échanger sur la Musicophilosophie, sur la pensée musiciphilosophique qui fait partie de mes éléments de conceptualisation et de cogitation au quotidien.

Propos recueillis par
Alain-Patrick MASSAMBA