Le 19 septembre 1989, le vol UTA 772 reliant Brazzaville à Roissy (Paris) disparaissait des écrans radar, 46 minutes après son escale de Ndjamena, au Tchad. Les débris épars du DC-10 et les corps des 170 passagers de 18 nationalités dont 49 Congolais et 53 Français sont retrouvés dans le désert du Ténéré, au Niger, 17 heures plus tard. Une bombe située dans le conteneur des bagages enregistrés à Brazzaville a explosé, détruisant l’avion en plein vol. Trente-trois ans après l’attentat attribué à la Libye, les plaies sont toujours béantes. Une commémoration a donné lieu, à Brazzaville, au dépôt d’une gerbe de fleurs devant la stèle des victimes par le Gouvernement, représenté par Jean Marc Thystère-Tchicaya, ancien ministre des Transports, en présence des ambassadeurs de France et du Tchad, ainsi que des familles des victimes.

L’enquête a révélé que l’attentat a été organisé par le pouvoir libyen de l’ex-défunt président Mohammad Kadhafi. En effet la Jamahiriya arabe libyenne était en conflit avec le Tchad et avait entrepris d’envahir ce pays durant le conflit tchado-libyen. La France (avec l’opération Épervier) et les États-Unis étaient intervenus militairement pour contrecarrer cette tentative. L’attentat de Lockerbie (270 morts) survenu un an plus tôt et celui du vol 772 UTA auraient été des représailles de l’Etat libyen contre ces deux puissances occidentales.

La piste libyenne

Le 23 septembre 1989, une instruction est ouverte en France par le Parquet de Paris. En juin 1990, un témoin congolais, Bernard Yanga, aiguille les enquêteurs français sur la piste libyenne. En 1991, les Etats-Unis accusent la Libye d’avoir perpétré l’attentat de Lockerbie et inculpent deux agents libyens.
En octobre de la même année, le juge Jean-Louis Bruguière lance des mandats d’arrêt internationaux contre quatre diplomates libyens. Deux autres mandats seront lancés ultérieurement, visant notamment Abdallah Senoussi, le numéro deux des services secrets libyens et beau-frère du défunt président Mouammar Kadhafi.
Dix ans après l’attentat, le 10 mars 1999, les six suspects libyens du dossier UTA sont condamnés par contumace à la réclusion à perpétuité par la Cour d’assises spéciale de Paris. Le 16 juillet, la Libye verse 34 millions d’euros pour acquitter les dommages et intérêts accordés par la Cour d’assises aux plaignants.
En 2003, la partie française réclame un traitement équitable après l’accord sur l’attentat de Lockerbie intervenu entre la Libye, les Etats-Unis et la Grande Bretagne. Le 11 septembre, après plusieurs déplacements à Tripoli, les représentants des familles des victimes concluent un accord de principe avec la Libye. Le 9 janvier 2004, après des mois de négociations chaotiques, Français et Libyens signent enfin à Paris, un accord d’indemnisation des familles des victimes de l’attentat perpétré quinze ans auparavant.
Dans sa principale disposition, l’accord prévoit le versement par la ”Fondation de bienfaisance Kadhafi” d’un dédommagement d’un million de dollars par famille, soit 170 millions de dollars au total pour les 170 victimes.
En souvenir de cet attentat, les Etats concernés commémorent les victimes chaque 19 septembre. «Au-delà du soutien aux familles, c’est aussi pour le Gouvernement de dire son mécontentement et le combat qu’il mène sans arrêt depuis toutes ces années contre les actes qui touchent à la folie humaine, donc à la violence gratuite. Nous attachons du prix à cette commémoration. Je voulais saisir l’opportunité pour avoir une pensée pour les parents qui sont là et pour toutes les victimes de cet attentat. Les souvenirs sont toujours vivaces. On ne remplacera jamais la perte des proches», a déclaré Jean Marc Thystère-Tchicaya pendant la cérémonie de commémoration.

Cyr Armel YABBAT-NGO