Wagner

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Nous assistons au bouleversement d’un monde dont on croyait avoir saisi le mode de fonctionnement, les forces qui l’animent, les énergies contraires et les blocages qui le touchent. Ou les raisons qui pouvaient nous pousser à nous identifier avec lui, le repousser, le condamner ou lutter contre ses prétentions. Nos Etats sont jeunes, mais nos grands-parents ont été engagés à lutter contre le nazisme. Et, en principe, ce que les pères de nos pères ont combattu, nous ne pouvons pas le réhabiliter au nom d’une quelconque modernité. D’où vient-il que nous hésitions à désigner les agresseurs qui franchissent les frontières souveraines ?
La guerre qui se déroule en Europe, entre la Russie et l’Ukraine, nous a d’abord laissés pantois, nous, les habitués des guerres absurdes. Nous n’en saisissions pas les fondements, les motivations profondes, nous n’étions pas préparés à voir surgir un conflit entre deux cousins également importants. Cela a accentué la perplexité d’une Afrique dont beaucoup de cadres ont été formés dans l’un ou dans l’autre pays, dont on parle ici la langue. Et avec lesquels nous sommes habitués à commercer dans un rapport de sympathie.
Aujourd’hui, la tentative du groupe paramilitaire Wagner de se rebeller face à l’autorité centrale russe ajoute encore à plus de perplexité en Afrique. Ce groupe s’est offert pour la stabilisation de la situation en Centrafrique et pour lutter contre le djihadisme au Mali. Donné pour l’un des artisans du désamour entre l’Afrique francophone et son ancienne puissance tutrice, la France, Wagner était le bouclier de tous ceux qui se sont répandus dans les réseaux sociaux, appelant à la fin des accords bilatéraux anciens entre Paris et l’Afrique.
Wagner. Etait-il seulement un mouvement de mercenaires comme nous renâclions à l’admettre en Afrique? Et après la Russie, quelle sera la main nourricière qu’il mordra? Celle du Mali ou celle de la République centrafricaine? La crise entre la Russie et l’Ukraine n’a pas fini de nous surprendre par ses effets, ses prolongements et l’entrelac de ses cibles réelles ou virtuelles. L’Afrique ne peut qu’en être potentiellement troublée. Et invitée à fonder désormais ses choix sur des critères moins hasardeux. Le choix n’est plus entre l’indépendance et la colonisation, mais entre la dignité et la liberté de choix. Des mots? Oui, mais il ne tient qu’à nous de les faire accompagner d’une substance de comportement moins théorique.

Albert S. MIANZOUKOUTA

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